UNE BOUCLE D’INSPIRATION
by Ploum on 2023-02-20
https://ploum.net/2023-02-20-boucle-inspiration.html
Parodie d’une expérience biologique improbable, les tasses s’empilaient
dans un coin du bureau, chacune contenant un sachet de thé ayant atteint
un degré différent de décomposition, de moisissure.
D’une gorgée sèche, l’auteur aspira le restant de la tasse encore tiède
qu’il tenait à la main avant de l’empiler machinalement sur les cadavres
de ses prédécesseuses. Nerveusement, il jouait avec une mèche de sa
barbe, tentant d’ignorer l’écran de son ordinateur sur lequel
clignotaient des messages.
« Rappel : on a besoin du texte de ta nouvelle pour aujourd’hui »
« Urgent : nouvelle aujourd’hui chez imprimeur »
« Urgent : appel téléphonique maintenant ? »
Il se retourna avec sa chaise de bureau et regarda par la fenêtre. Le
fil était donc cassé ? Lui qui, depuis l’adolescence, croyait disposer
d’un vivier infini d’histoires était pour la première fois de sa vie
paralysé par la page blanche. Il n’y arrivait plus.
Un léger grattement se fit entendre à la porte. Il grogna.
— Quoi ?
— Tu n’irais pas prendre un peu l’air mon chéri ? Tu as une mine
épouvantable.
— Je travaille, je dois terminer cette nouvelle.
— Et ça avance ?
Il détourna son regard en haussant les épaules
— Je suis juste calé sur le dernier passage. J’ai bientôt fini.
Elle n’insista pas et se retira en fermant la porte. L’auteur regarda sa
montre. Pour remplir son obligation, il devait désormais produire une
page par quart d’heure. Dans peu de temps, ce serait une page toutes les
dix minutes.
Il y a à peine une grosse semaine, il se sentait à l’aise avec
l’échéance. « Une page par jour, c’est faisable ! » avait-il pensé.
Mais rien. Le vide. Il avait passé ces dernières semaines obnubilé par
les œuvres produites par des algorithmes, jouant avec les demandes,
partageant et admirant les résultats les plus absurdes sur les réseaux
sociaux.
Il avait d’ailleurs fait le vœu de ne jamais s’aider de tels outils.
Après tout, il était écrivain. Il était un artisan fier de son travail.
Par contre, il pourrait… Mais oui !
Lançant son navigateur, il se rendit sur la page de son générateur
d’images préféré et se mit à taper.
« Je suis écrivain de science-fiction. Voici en lien mon recueil de
nouvelles précédent. Génère l’illustration d’une de mes nouvelles
inédites. »
Il attendit quelques secondes.
Une image s’afficha. Celle d’un homme au visage passablement banal assis
devant un laptop. Il tenait une tasse de thé et, en y prêtant attention,
sa main droite avait au moins sept doigts. Son dos était légèrement
tordu selon une courbe peu réaliste. L’écran de l’ordinateur était
étrangement pentagonal.
L’auteur soupira. Ce n’est pas ce qu’il avait espéré. Son téléphone
sonna. Il le mit en mode avion. Sa femme vint frapper à la porte de son
bureau.
— C’est ton éditeur qui demande pourquoi tu ne réponds pas, dit-elle en
tenant son propre téléphone contre son oreille.
— Dis-lui que je le rappelle dans une heure !
Elle transmit puis, masquant le haut-parleur.
— Il te donne une demi-heure.
— D’accord !
Une demi-heure. Trois minutes par page. Lui qui s’estimait productif
lorsqu’il écrivait une page complète par jour.
Il soupira. Il s’était juré de ne pas… Non ! Ce n’était pas possible !
Mais il n’avait pas le choix.
Nouvel onglet dans le navigateur. Ses doigts tremblants se mirent à
taper sur son clavier. L’adresse du site s’auto-compléta un peu trop
facilement, comme lorsqu’un barman vous appelle par votre prénom et vous
demande « comme d’habitude ? » avec l’objectif d’être sympathique mais
ne faisant que souligner la trop grande fréquence avec laquelle vous
fréquentez son établissement.
— Génère-moi une nouvelle inédite dans le genre de celle de mon recueil
principal.
— Bonjour. Je suis un assistant AI. Il s’agit d’une requête explicite de
création artistique. Je suis disposé à générer cette nouvelle mais
celle-ci sera alors soumise au droit d’auteur et mes créateurs devront
être notifiés. Dois-je continuer ?
— Non.
L’auteur se mit à réfléchir. Il glissa-déposa l’image précédemment
générée vers la page du navigateur.
— Sur cette image, un écrivain est en train de taper une nouvelle.
— Oui, c’est à cela que ressemble l’image. C’est une belle image.
— C’est une nouvelle de science-fiction.
— D’accord, j’aime la science-fiction.
— J’aimerais que tu me donnes le texte de la nouvelle que cet écrivain
est en train d’écrire.
La page mit quelques secondes à se charger puis les mots commencèrent à
apparaitre à l’écran.
« Parodie d’une expérience biologique improbable, les tasses
s’empilaient dans un coin du bureau, chacune contenant un sachet de thé
ayant atteint un degré différent de décomposition, de moisissure. D’une
gorgée sèche, l’auteur aspira le restant de la tasse encore tiède qu’il
tenait à la main avant de l’empiler machinalement sur les cadavres de
ses prédécesseuses. Nerveusement, il jouait avec une mèche de sa barbe,
tentant d’ignorer l’écran de son ordinateur sur lequel clignotaient des
messages. »
> Cette nouvelle nouvelle étant nouvelle, elle ne fait donc pas partie
de mon premier recueil « Stagiaire au spatioport Omega 3000 et autres
joyeusetés que nous réserve le futur » qui est désormais disponible dans
toutes les bonnes librairies. S’il se vend bien, mon éditeur me
demandera certainement un second recueil dans lequel celle-ci pourra se
glisser. Vous voyez certainement où je veux en venir… Autant faire un
clin d’œil à une chauve-souris aveugle !
CHEZ MON LIBRAIRE…
by Ploum on 2023-02-16
https://ploum.net/2023-02-16-chez-mon-libraire.html
Mon recueil de nouvelles « Stagiaire au spatioport Omega 3000 et autres
joyeusetés que nous réserve le futur » est désormais, tout comme mon
roman « Printeurs », disponible dans toutes les bonnes librairies de
France, Suisse et Belgique.
Queques librairies ayant le livre en France
https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782940609291-stagiaire-au-spatiopor…
et en Belgique
https://www.librel.be/livre/9782940609291-stagiaire-au-spatioport-omega-300…
Certains d’entre vous en ont d’ailleurs été témoins et m’ont très
sympathiquement envoyé, par mail ou sur Mastodon, des photos de mes
livres sur les présentoirs de leurs dealers préférés. Une initiative qui
m’a fait incroyablement plaisir ! À tel point que je vous invite à
continuer et, pourquoi pas, à le faire pour d’autres auteurs que vous
aimez bien en les mentionnant et en ajoutant le hashtag
#chezmonlibraire.
L’importance du libraire
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Beaucoup d’entre nous, et surtout moi, se sont laissés attirés par les
sirènes du tout-en-ligne, de la dématérialisation des services. Certains
parmi vous ont tenté dès le début de tirer la sonnette d’alarme. Force
est de constater qu’ils avaient amplement raison : c’était un leurre !
Maintenant que nous sommes prisonniers du tout puissant monopole
d’Amazon, les livreurs sont soumis à des cadences infernales tandis que
la qualité de nos bibliothèques tend à diminuer dangereusement. Loin de
nous recommander, les algorithmes nous poussent essentiellement aux
achats inutiles, s’appuyant sur d’autres algorithmes écrivant des
recommandations factices. Le tout pour nous faire acquérir des livres
qui sont, de plus en plus, écrits par des algorithmes.
C’est le phénomène de merdification, indispensable aux néomonopoles :
après avoir attiré les utilisateurs en finançant des services à perte
grâce à l’argent des investisseurs, il est temps de passer à la caisse
et de rentabiliser en pourrissant autant que possible la vie des
utilisateurs prisonniers.
Sur Amazon, cela passe par recommander les produits qui vont rapporter
le plus de sous à Amazon. Notamment les livres autoédités souvent
générés artificiellement.
L’idée est simple : lorsqu’un sujet est subitement à la mode, par
exemple les blockchains, demander à un algorithme de rédiger un livre
sur le sujet et le publier directement Amazon en utilisant les capacités
de "print on demand". Le livre ne sera imprimé que lorsqu’il sera
effectivement commandé. Après l’ère des fake-news, voici venu celui des
fake-books. Notons qu’il n’a pas fallu attendre des algorithmes pour
écrire ce genre de livres : des éditeurs peu scrupuleux ont, de tout
temps, su tirer parti de la misère des écrivains pour leur faire rédiger
à moindre prix des livres au titre alléchant, mais vides de contenu.
Devant le foisonnement, l’abondance des informations, une nouvelle ère
s’ouvre à nous : l’ère du filtre. Nous avons besoin de construire des
filtres qui nous préservent de l’agression informationnelle et
sensorielle permanente.
Ces filtres existent. Ils sont humains.
Pour les livres, on les appelle les libraires ou les bibliothécaires.
Pour une personne très sensible comme moi, allergique aux centres
commerciaux, les librairies et les bouquineries sont des oasis de calme
et de bonheur au milieu des villes. J’aime bien fouiller, écouter les
conseils. Mon portefeuille apprécie moins, mais, dans ces occasions, il
n’a plus voix au chapitre.
Moi qui ne supporte pas la plupart des musiques populaires crachées par
les enceintes connectées dans les parcs, les rues ou par les radios dans
les magasins, je me ressource dans le silence des papiers froissés. Et,
allez comprendre, lorsqu’une bouquinerie diffuse de la musique, c’est
toujours de la bonne, de l’excellente musique !
Pour soutenir ce blog, allez chez votre libraire !
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Ma ville a vu disparaitre coup sur coup deux bouquineries (remplacées
par un commerce d’alimentation et un vendeur de sacs à main) et sa
librairie principale. Cette perte m’a fait comprendre l’importance et la
fragilité des petits commerces du livre (j’ai d’ailleurs dit à ma femme
que le jour où Slumberland, mon fournisseur de bédés, ferme, on déménage
ailleurs).
Si vous voulez soutenir ce blog, soutenir mon travail, je vous demande
une chose : commandez, dans la mesure de vos moyens, mon livre dans une
librairie, si possible indépendante.
Non seulement vous soutiendrez mon travail, mais vous soutiendrez
également votre libraire et vous risquez de découvrir des livres
imprévus. Ce faisant, vous attirerez l’attention du libraire sur mes
livres ce qui lui permettra de potentiellement les recommander à
d’autres.
Pour moi, soutenir son cerveau, les penseurs et créateurs se fait
#chezmonlibraire.
Et lorsque ce n’est pas possible, je vous invite à préférer les
librairies en ligne indépendantes.
Mon recueil chez Alternalivre
https://shop.alternalivre.be/fr/stagiaire-au-spatioport-omega-3000
La piste cachée
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Je comprends parfaitement celles et ceux qui préfèrent la version
électronique. C’est mon médium de choix pour les romans rapides comme
Printeurs. Le livre papier reste cependant un bel objet à offrir.
Et puis, ce n’est pas que je veuille attiser votre curiosité, mais les
acheteurs du livre papier de « Stagiaire au spatioport… » (oui, même moi
je trouve ce titre trop long à taper) bénéficieront d’une surprise !
Car, à ma connaissance et s’il faut en croire Wikipédia, le livre serait
le premier à disposer d’un morceau caché !
Morceau caché sur Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Morceau_cach%C3%A9
Je rassure les lecteurs électroniques : le morceau caché y est également
présent. Il n’est juste pas caché, c’est moins rigolo.
PS: L’image d’illustration m’a été envoyée sympathiquement par un
lecteur depuis la librairie de son quartier. Si vous m’avez envoyé ce
genre de photos sur Mastodon, pourriez-vous les reposter avec le tag
#chezmonlibraire ? Je découvre qu’il est impossible de retrouver des
messages dans Mastodon si on ne les a pas bookmarkés…