Lectures : de la bouffitude du Web et de l’absurde quête d’une norme sociale
by Ploum.net (billets en français uniquement) 29 Mar '24
by Ploum.net (billets en français uniquement) 29 Mar '24
29 Mar '24
LECTURES : DE LA BOUFFITUDE DU WEB ET DE L’ABSURDE QUÊTE D’UNE NORME
SOCIALE
by Ploum on 2024-03-29
https://ploum.net/2024-03-29-lectures-bouffitude-web-norme-sociale.html
La quête absurde de norme sociale
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Alexander Plaum appelle les diffuseurs européens à rejoindre Mastodon.
Public Broadcasters of Europe, Let's All Join Mastodon! (www.ebu.ch)
https://www.ebu.ch/news/2024/03/public-broadcasters-of-europe-lets-all-join…
Une fois de plus, l’article commence par énoncer ce qu’est la
"fédération". Je trouve ça déprimant, car, fondamentalement, c’est le
fonctionnement même d’Internet et de l’email. Le fait que l’on pense
nécessaire de l’expliciter à chaque fois que l’on parle de Mastodon est
effrayant : cela prouve que tous ceux qui viennent de comprendre comment
fonctionne Mastodon n’avaient, en fait, jamais compris comment
fonctionnait Internet et pensent que c’est un truc nouveau. Les
plateformes centralisées nous ont infligé un dommage intellectuel
peut⁻être irréparable en nous privant de tout modèle mental.
La conclusion est également déprimante : il ne comprend pas pourquoi
personne ne s’intéresse à Mastodon alors que tous ceux qui y vont disent
que ça fonctionne, qu’ils ont plein d’interactions.
Ce qui me fascine, c’est le concept de "normalité". Je constate que
beaucoup de personnes autour de moi refusent d’utiliser Signal, Mastodon
ou même autre chose que Google, car elles veulent activement être
"normales". Elles refusent de dévier de ce qu’elles imaginent être "la
norme".
Or, la norme est par définition la moyenne des comportements avec
lesquels vous interagissez. Elle est autocentrée. La norme est donc
différente pour chaque individu. Il n’existe aucune normalisation
sociale universelle. Les personnes qui cherchent à se normaliser se
basent donc sur une norme purement imaginaire. Il en va de même des
rebelles réactionnaires qui rejettent par principe ce qu’ils pensent
être la norme (alors que ce rejet est, parfois, la norme elle-même).
Une fois qu’on a compris l’absurdité du concept de norme sociale, on
peut commencer à s’affranchir des influences exogènes et se poser des
questions personnelles : qu’est-ce qui est juste pour moi ? Qu’est-ce
qui respecte mes valeurs humaines ?
C’est peut-être pour cela que vous voyez dans ces billets autant de
liens vers des articles publiés sur Gemini. Par essence, les personnes
qui postent sur Gemini ne cherchent pas à se normaliser. Elles ne
cherchent pas d’audience (vu qu’elle est à peu près inexistante sur
Gemini). Ce manque d’audience libère également de la pression sociale :
votre employeur ou votre famille a peu de chances de trouver vos écrits
sur Gemini et encore moins de les associer à votre identité si vous
utilisez un pseudonyme. Ce n’est certainement pas un hasard si le
fondateur de Gemini, Solderpunk, est lui-même pseudoanonyme. La
dynamique de ce réseau fait que ce que je lis sur Gemini est
essentiellement libre, spontané, naïf.
Bref, humain.
Rappelez-vous cela la prochaine fois que l’on vous obligera à mettre
votre nom réel sur une plateforme en justifiant que cela rend les débats
plus civils. En fait, l’expérience prouve que c’est exactement le
contraire : avec notre vrai nom, nous sommes forcés d’obéir à une norme
imaginaire sans possibilité d’abandonner nos anciennes idées périmées.
Vous êtes surveillance
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Piqûre de rappel régulière : votre nom véritable permet d’accentuer le
ciblage dont vous êtes l’objet. Car oui, vous êtes sous surveillance
permanente et, oui, ça peut avoir un impact. Une auteurice de romance
utilisant Google Drive pour écrire ses textes a vu son compte Google
suspendu pour avoir écrit des textes sexuellement explicites. Dans son
Google Drive.
Partage sur Mastodon d’un post Instagram décrivant la suspension d’un
compte Google
https://fandom.ink/@Rozzychan/112161902225538242
Je l’ai déjà dit et je le redis : vos comptes peuvent être suspendus
sans aucun avertissement, sans aucun recours et sans même une raison
valable. C’est arrivé à un de mes amis chercheur à l’université qui a
tout perdu, même l’accès à ses apps et n’a pu récupérer son compte que
parce qu’il connaissait quelqu’un travaillant chez Google. Il n’a jamais
eu d’explication.
Et si vos comptes disparaissaient demain ?
https://ploum.net/et-si-vos-comptes-disparaissaient-demain/index.html
Et même si vos comptes ne sont pas suspendus, chez les GAFAM, leur
contenu est en permanence analysé par des algorithmes qui tentent de
vous classifier comme pédophile, terroriste, pirate de contenu voire,
linuxien ou écologiste.
Et c’est bien pire que ce que vous pensez. Dernier exemple en date :
Facebook partage avec Netflix et Spotify les messages privés des ses
utilisateurs pour les aider à mieux cerner les tendances.
Facebook let Netflix see user DMs, quit streaming to keep Netflix happy:
Lawsuit (sebsauvage.net)
https://sebsauvage.net/links/?LZ9hxA
La pourriture volontaire du marketing
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Sur le Web traditionnel, « normal », j’entends régulièrement des
personnes pester contre les lois européennes qui nous pourrissent la vie
avec les popups nous forçant à accepter les cookies. Les commerçants se
plaignent également de devoir complexifier leur site web.
Rappelons une chose : le RGPD n’exige en aucun cas de vous ennuyer avec
les cookies. En fait, l’immense majorité des bandeaux qui vous embêtent
sont illégaux selon le RGPD.
There is no EU cookie banner law (www.bitecode.dev)
https://www.bitecode.dev/p/there-is-no-eu-cookie-banner-law
Sur Ploum.net, vous n’avez rien à accepter et pourtant je respecte le
RGPD. Tout simplement parce que je n’utilise pas ni ne revends pas vos
données. Et même si je le faisais, je pourrais simplement utiliser la
fonctionnalité « Do Not Track » de votre navigateur.
Les bandeaux d’acceptation de cookies que vous voyez ont tous été conçus
par une poignée d’entreprises qui ont, volontairement et consciemment,
décidé de vous rendre la vie la plus merdique possible afin de vous
faire croire que le RGPD était une mauvaise idée. C’est une
manipulation mensongère consciente, assumée et parfaitement illégale.
De la légalité des bannières de consentement IAB
(www.pixeldetracking.com)
https://www.pixeldetracking.com/fr/le-consentement-en-pratique
Vous sous-estimez à quel point les gens qui travaillent dans le
marketing sont de dangereux psychopathes connards et menteurs qui n’ont
qu’un seul objectif : vous pourrir la vie pour une poignée d’euros. En
fait, c’est la définition même de leur métier.
Simplifier son usage du téléphone
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Un autre exemple de la merdification que nous acceptons dans nos vies :
Corscada a enlevé Facebook Messenger et Instagram de son téléphone. Son
autonomie est immédiatement passée de 5-8h à 24h. L’utilisation de ces
plateformes à un coût énorme. Non seulement sur votre attention, sur
votre temps de vie disponible, mais également sur votre mode de vie :
lorsqu’on est addict à son téléphone et qu’on doit le charger toutes les
5h, on ne vit pas la même vie que si on le charge tous les deux jours.
Sans compter qu’on sera plus susceptible d’acheter un nouveau téléphone
lorsque l’ancien sera « mort » (bah oui, la batterie ne tient plus que
3-4h, il me faut un nouveau).
Accidentally optimising for battery life (corscada.uk)
gemini://corscada.uk/dump/2024-03-19-optimising-for-battery-life.gmi
Booteille a poussé l’expérimentation encore plus loin en passant 3 ans
sans téléphone. Mais, pour être honnête, il n’avait ni femme ni enfant.
C’est d’ailleurs à cause de ses sentiments pour une fille qui ne
répondait pas à ses emails qu’il a fini par craquer et en reprendre un.
3 ans sans téléphone portable, mon expérience (blog.dreads-unlock.fr)
https://blog.dreads-unlock.fr/3-ans-sans-telephone-portable-mon-experience/
La « bouffitude » du web
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L’impact du web moderne n’est pas tellement sur la taille des sites web,
qui n’a finalement été « que » multipliée par 1000. Mais surtout sur la
puissance des processeurs nécessaires à faire le rendu. Dans cet
exemple, Dan Luu montre qu’il n’est pas capable d’utiliser un forum
Discourse (pourtant pas le site le plus lourd) avec un processeur qui
n’est « que » 100.000x plus rapide que son vieux 286. Vieux 286 qui lui
permettait exactement le même usage que Discourse à travers les BBS sur
une connexion de 1200 bauds.
How web bloat impacts users with slow devices (danluu.com)
https://danluu.com/slow-device/
Il faut donc des appareils un million de fois plus puissant que ceux
d’il y a 40 ans pour accomplir… la même chose ! Nous sommes en train de
recréer artificiellement une fracture numérique en excluant celleux qui
n’ont pas la possibilité ou la volonté de mettre à jour leurs appareils
tous les 4-5 ans. Et cela, sans raison… Dan Luu note que la plupart des
appareils qui n’arrivent pas à afficher des pages web « modernes » sont
capables de faire tourner des jeux 3D comme PUBG à 40FPS. Des jeux
inimaginables il y a 30 ans peuvent tourner sur le processeur. Mais des
pages web pas tellement différentes de celles d’il y a 30 ans ne passent
plus.
Le reste de l’article plonge dans les détails et explore les délices des
arguments des développeurs qui considèrent qu’on tend vers une puissance
CPU infinie et qu’il faut donc optimiser pour la bande passante, pas le
CPU. Ce que je trouve fascinant avec cette approche, c’est de considérer
que puisqu’il existe des CPUs puissants, il faut absolument les faire
travailler ! Et tout le monde peut se les payer. Du moins, les gens qui
comptent. Voilà…
Offline Fur Sock
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Vous savez que je pratique la démarche exactement opposée en développant
un navigateur web minimaliste en ligne de commande et fonctionnant
déconnecté.
Offpunk, un navigateur déconnecté pour le smolnet
https://sr.ht/~lioploum/offpunk/
À propos d’offline, Solderpunk, le créateur du protocole Gemini, annonce
la création d’un challenge consistant à développer en un mois une petite
application offline permettant de se passer d’une interaction en ligne.
Announcing OFFLFIRSOCH 2024 (solderpunk)
gemini://zaibatsu.circumlunar.space/~solderpunk/gemlog/announcing-offlfirsoch-2024.gmi
Quand on y pense, c’est particulièrement absurde que, pour calculer une
température en Farenheit ou la valeur en euro d’un prix en dollar, nous
chargions une page web bourrée de traqueurs, que nous lancions des
centaines de requêtes qui seront interprétées par des algorithmes
"intelligents" hyper consommateurs de ressource dans d’immenses data
centers. Tout ça pour faire une satanée multiplication que n’importe
quel ingénieur de plus de soixante ans fait de manière bien plus rapide
avec sa règle à calcul !
Du coup, grâce à Solderpunk, j’ai découvert l’application en ligne de
commande "units" qui est parfaite et hyper intuitive à utiliser (un
petit "sudo units_cur" est cependant nécessaire pour mettre à jour les
taux de change).
Être moins en ligne est également incroyablement positif pour la
programmation. Je pense que lorsqu’on cherche "comment résoudre un
problème" et qu’on trouve plein de solutions à tester, on n’apprend
rien. On ne fait que répéter aveuglément. Le problème de base en
informatique est de ne pas avoir un modèle intellectuel sous-jacent. Or,
ce modèle se crée et s’affine par l’apprentissage. En appliquant
aveuglément des solutions, nous n’apprenons pas. Nous n’améliorons pas
notre modèle mental.
En étant déconnecté, je me suis surpris à lire les pages de manuel des
applications que j’utilise, forçant la construction d’un modèle mental.
Dans certains cas, j’ai même été jusqu’à lire le code source afin de
comprendre exactement ce que je devais faire. Cette étape a été une
révélation : soudainement, au lieu d’appliquer des paramètres aléatoires
en tentant de "deviner" ou retenir par cœur, je me suis surpris à
comprendre exactement ce que le code faisait et donc comment il fallait
utiliser l’application, gagnant du temps sur le moyen et le long terme.
Mais il est tellement difficile d’accepter de sacrifier un peu de temps
sur le court terme. Il est tellement rare dans notre société de ne pas
chercher une solution "rapide", mais, au contraire, d’investir sur le
long terme dans la compréhension et la maitrise des outils que nous
utilisons.
D’ailleurs, ce n’est peut-être pas un problème confiné à l’informatique…
À demain !
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Bon, ce n’est pas tout, mais on se voit samedi à Trolls & Légendes sur
le stand PVH ?
Ploum - Trolls & Légendes (trollsetlegendes.be)
https://trollsetlegendes.be/ploum/
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Se rencontrer prochainement à Mons ou à Paris
by Ploum.net (billets en français uniquement) 25 Mar '24
by Ploum.net (billets en français uniquement) 25 Mar '24
25 Mar '24
SE RENCONTRER PROCHAINEMENT À MONS OU À PARIS
by Ploum on 2024-03-25
https://ploum.net/2024-03-25-rencontres-paris-avril.html
> En bref : je serai à Trolls & Légendes le samedi 30 mars et au
Festival du livre de Paris le samedi 13 avril. Avant une soirée ouverte
à tou·te·s le même jour à la librairie « À Livr’Ouvert ».
Ces derniers temps, j’ai l’énorme chance de recevoir pas mal de mails de
votre part, dont beaucoup pour me remercier ou m’encourager. Lorsque le
message ne le demande pas, je n’y réponds pas. À la fois par besoin de
gérer mon temps, mais aussi, en toute honnêteté, parce que c’est un peu
absurde de surcharger le réseau avec des « Merci pour votre merci ».
Mais que les choses soient claires : je lis (et relis parfois plusieurs
fois) chacun de vos messages. Ils m’encouragent et me font chaud au
cœur. Que soient ici mille fois remerciés ceux qui prennent le temps de
me contacter ! Et je lis tous les liens que vous me recommandez, je suis
très intéressé par vos propres écrits.
Mais ce qui est vraiment chouette, c’est de se rencontrer en chair et en
os lorsque l’occasion s’y prête. Et, justement, c’est le cas !
Trolls & Légendes, Mons, samedi 30 mars
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Le samedi 30 mars, je serai au festival Trolls & Légendes à Mons.
Rendez-vous sur le stand des éditions PVH.
Ploum - Trolls & Légendes (trollsetlegendes.be)
https://trollsetlegendes.be/ploum/
Je ne serai présent que le samedi. Je le précise, car, l’année passée,
certains ont demandé après moi le dimanche. Et ça me fait mal au cœur de
se rater. Cette année, je prends mes boules quies. Parce qu’une journée
complète à se taper des reprises d’Iron Maiden au biniou dans un hangar
qui résonne, ça laisse des séquelles.
Paris, samedi 13 avril
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Le samedi 13 avril à Paris sera pour moi une grosse journée. Tout
d’abord, le matin, je vais souhaiter un joyeux anniversaire à ma maman
(rappelez-le-moi si j’oublie !).
Ensuite, je serai au Festival du livre de Paris de 13h30 à 15h sur le
stand « Livre Suisse » (B21).
Ploum au Festival du Livre de Paris (www.festivaldulivredeparis.fr)
https://www.festivaldulivredeparis.fr/fr/dedicaces/view/4679/stagiaire-au-s…
Si vous êtes dans le coin, venez faire un coucou parce que quand je vois
la liste des auteurs présents, j’ai vraiment l’impression d’être le
petit belge bouseux qui débarque de sa cambrousse. En plus, je serai sur
un stand suisse (parce qu’y’a des blagues, c’est plus rigolo quand c’est
un Belge. Si ! Si on est suisse…).
À 15h, je m’éclipse pour me rendre dans le 11e arrondissement, en
compagnie de Gee (mais si, celui de Grisebouille et de Superflu Riteurnz
himself!), à la librairie « À Livr’Ouvert » tenue par Bookynette, la
présidente de l’April (rien que ça).
Samedi 13 avril - Présentation des éditions PVH avec Gee et Ploum
(www.alivrouvert.fr)
https://www.alivrouvert.fr/rencontres/2024/0413-pvh/
Au menu, une rencontre en toute décontraction avec deux auteurs
profondément geeks et libristes ainsi qu’une présentation de la
philosophie de l’édition libre et de la maison d’édition PVH par son
fondateur, Lionel Jeannerat qui, cerise sur le gâteau, offre un apéro
typiquement suisse ! À ne pas manquer si vous êtes sur Paname ce jour-
là, ça va vraiment être très cool !
Les rencontres, comme mes écrits, sont libres
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Je le précise parce qu’on me l’a déjà demandé : l’achat de livres est
entièrement facultatif (sauf quand mon éditeur surveille, bien entendu).
Vous êtes les bienvenus pour discuter et échanger sans aucune obligation
d’achat. Oui, vous avez le droit d’apprécier mon blog et de ne pas être
intéressé par des romans de SF (ou de préférer les pirater sur libgen).
D’ailleurs, entre nous, ça me fait très plaisir de rencontrer des
lecteurs de mon blog. Il y a des moments où, sur un stand de dédicace,
on se sent parfois seul. Sauf si, bien sûr, on s’appelle Henri
Lœvenbruck et qu’on a en permanence trois cents lecteurs qui font la
queue en hurlant votre prénom. Ce n’est heureusement pas mon cas,
n’hésitez pas à venir faire un coucou, à me conseiller vos lectures ou
vos BDs préférées.
Cette année, je fais l’impasse sur les Imaginales et ne serai finalement
pas à Ouest Hurlant, mon prochain roman n’étant disponible qu’en
octobre. Il est très différent de Printeurs et je pense qu’il va vous
plaire. Je suis impatient de vous le partager. Si vous êtes libraire ou
organisateur d’une conf ou d’un festival, n’hésitez pas à me contacter
ou à contacter mon éditeur. Ce sera un plaisir de voyager en
francophonie pour vous le présenter.
Au plaisir de vous rencontrer !
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LA NOUVELLE INFORMATIQUE
by Ploum on 2024-03-21
https://ploum.net/2024-03-21-nouvelle-informatique.html
Je suis un geek addict. L’informatique est ma passion, ma drogue.
J’aime la sensation de poser mes doigts sur un clavier. J’aime
configurer, mettre à jour, découvrir des nouveautés, investiguer les
problèmes, trouver des solutions.
Comme beaucoup de passionnés d’informatique, j’aime l’outil plus que le
résultat.
Parfois, je tente de me convaincre que mon seul objectif est d’être plus
productif ou plus ergonomique. Si je dois accomplir une tâche répétitive
et barbante de deux heures, je vais à la place passer deux jours à créer
un programme qui le fera pour moi. Avec l’impression d’avoir gagné du
temps. Lorsqu’une mise à jour d’un logiciel que j’utilise est annoncée,
je suis intéressé, voire, parfois, excité par l’attrait de la nouveauté.
L’immense majorité de l’humanité n’est pas dans mon cas. Mais
l’infrastructure informatique mondiale est conçue par des gens comme
moi. Des gens qui aiment chipoter et qui, consciemment ou non, forcent
leurs utilisateurs à devenir comme eux.
Ce chipotage auquel je prenais naturellement du plaisir nous est
désormais imposé uniformément. Nous devons tout le temps mettre à jour
notre ordinateur, nous habituer aux changements d’interface, regarder
les notifications du système lui-même nous annonçant des mises à jour.
Les systèmes informatiques, y compris votre montre connectée et votre
téléphone, ont été conçus par des geeks comme moi qui aiment la
nouveauté, qui aiment améliorer sans cesse. Ces geeks sont désormais
noyautés par des designers qui justifient leur salaire en changeant
constamment les interactions, en annonçant en fanfare un nouveau logo.
Voire en créant le débat sur l’introduction ou le retrait d’une nouvelle
fonctionnalité.
Toutes ces actions ne sont pas anodines. Elles servent à mettre les
plateformes elle-même au centre de l’attention. Les modifications des
algorithmes Facebook ou le changement de l’icône d’Instagram sont
désormais des faits de société qui font la une des plus grands médias.
Ce ne sont pas des outils, contrairement à ce qu’ils prétendent. Ce sont
des superorganismes qui cherchent à monopoliser l’attention et le
pouvoir. Les dénoncer ne fait que les renforcer. La seule lutte valable
c’est la seule action qu’ils redoutent : l’indifférence.
C’est exactement l’effet qu’à eu sur moi la suppression de mes comptes.
La plupart des plateformes me sont devenues indifférentes. Je ne suis
plus un critique acerbe de Facebook, de Twitter ou de LinkedIn : je n’y
suis plus, ces plateformes n’ont plus rien à voir avec moi.
En tant que développeur logiciel, cette expérience m’a également ouvert
les yeux sur la direction globale prise par l’industrie : le non-respect
de l’utilisateur. Non seulement ses données sont exploitées, mais le
logiciel est souvent intrusif. Les changements permanents empêchent
l’utilisateur d’apprendre, de se former, d’acquérir des réflexes. Il est
devenu impossible de maitriser l’outil parce que l’outil change
constamment, il échappe au contrôle de l’utilisateur. La migration vers
ce qu’on appelle "le cloud" ne fait qu’accentuer de manière dramatique
cette tendance. L’outil est mis à jour sans aucun contrôle de
l’utilisateur. Les données sont arbitrairement confisquées, que ce soit
temporairement ("problème technique"), de manière permanente ("compte
supprimé pour un non-respect non précisé de clauses de toute façon
illisibles") ou lors d’une extorsion ("l’espace des comptes gratuits est
désormais réduit, upgradez vers notre offre professionnelle pour
récupérer les fonctionnalités auxquelles vous êtes désormais habitué").
Dans l’école primaire de mes enfants, des initiations à l’informatique
enseignent… à créer des présentations PowerPoint. En Belgique, les sites
officiels du gouvernement qui ont besoin de situer précisément votre
adresse utilisent… Google Maps. Ma commune annonce le don de matériel
informatique aux associations en précisant qu’elle fournira également
une licence Windows récente. D’une manière générale, il est communément
admis que chaque citoyen "normal" dispose d’un compte Google, compte
connecté à un appareil contrôlé soit par Apple, soit par Google. Un
appareil auquel nous devons en permanence donner le droit de contrôler
notre temps et notre emploi du temps.
Si j’ai abandonné Whatsapp, de plus en plus de mes contacts sont sur
Signal. Et Signal n’échappe pas à la "malédiction de la messagerie", à
savoir que tout message reçu mérite une réponse immédiate. La
propriétaire de la maison que je louais s’est emportée de ne pas
recevoir de réponse à ses messages Signal parce que j’ai eu le malheur
de couper mon téléphone durant 24h pour cause de maladie. À l’opposé,
consultant mon téléphone en voyage pour vérifier l’heure d’un train, il
m’est arrivé de recevoir des messages stressants, mais absolument non
urgents, me décentrant complètement du moment présent. Ou d’être informé
qu’une mise à jour devait absolument avoir lieu juste au moment où je
souhaitais trouver en urgence un numéro de téléphone.
Le fil conducteur de toutes ces interactions est que nous n’avons plus
aucun contrôle sur ces couches technologiques. Nous n’en sommes plus des
utilisateurs, nous en sommes les ressources exploitées, les victimes. Et
nous inculquons à nos enfants à faire de même. Nous nous transmettons
une pression sociale permanente les uns aux autres. Avoir le dernier
modèle avec les dernières fonctionnalités, la dernière app, le dernier
mot dans la discussion. Nous acceptons la grossièreté ultime qu’est une
notification intrusive. Ces notifications qui interrompent nos
conversations, nos pensées, nos moments, nos méditations, notre travail
et que nous infligeons aux autres, n’acceptant plus la moindre latence
avant d’obtenir une réponse.
Ces interruptions permanentes nous empêchent de penser et de réaliser
que nous ne contrôlons plus rien, que notre travail lui-même n’est plus
qu’une série de microtâches reliées de plus en plus faiblement. Nous
perdons toute perspective et c’est bien là l’objectif le plus abject des
plateformes monopolistiques. Comme l’explique Danièle Linhart dans « La
comédie humaine du travail », cette perte de relation entre les tâches
est, dans le monde professionnel, une volonté managériale explicite, une
taylorisation du travail intellectuel : l’employé est un rouage qui doit
agir sans penser de manière à être facilement remplaçable et à ne pas
remettre en question les décisions hiérarchiques.
Depuis que j’ai décidé de me consacrer à l’écriture, je réalise combien
mon temps de vie est compté. Lorsque je souhaite écrire, les outils
informatiques deviennent des adversaires. Ils alimentent mes démons en
tentant de me distraire de la tâche que je me suis fixée. Mais ils se
permettent également de l’interrompre techniquement. Une plateforme sur
laquelle se trouve une ressource dont j’ai besoin me dit soudain que mon
mot de passe n’est plus valable. Après quelques minutes à vérifier, je
contacte le support qui me répond prestement qu’un problème rend
certains comptes indisponibles, que ce sera réglé dans quelques heures.
Sans aucune malveillance, mes outils viennent de me couper dans mon
élan, de me faire perdre au mieux une heure, au pire une journée.
Depuis trois ans, beaucoup de mes écrits sont désormais réalisés à la
machine à écrire mécanique. Parfois, les tiges se coincent ou le
mécanisme d’enroulement du ruban se grippe. Pourtant, j’arrive à chaque
fois à résoudre le problème en quelques secondes sans perdre ma
concentration, sans perdre le fil de mes idées. Mes mains agissent sur
un problème mécanique sans interférer avec mon cerveau.
Sur mon ordinateur, j’accomplis l’essentiel de mes tâches en ligne de
commande. Mes écrits, qu’ils soient originaux ou retranscrits depuis un
tapuscrit, sont réalisés dans Vim, un éditeur dont les commandes de base
sont plus âgées que moi. Il m’a fallu quelques semaines d’apprentissage
conscient, mais, depuis, Vim est une extension de mes doigts. Je ne
réfléchis plus : j’écris.
Le design des interfaces modernes a permis aux utilisateurs de se passer
de quelques heures d’apprentissage. Mais ces heures donnaient en réalité
une réelle compréhension, offraient un réel pouvoir, participaient à
l’élaboration d’un modèle mental de l’outil. Elles sont désormais
diluées en changements aléatoires arbitraires tout au long de la
carrière de l’utilisateur. Il n’y a plus de modèle mental, juste des
gestes à apprendre par cœur, nous transformant en la version
informatique de Charlie Chaplin dans « Les temps modernes ».
Je ne sais pas quelle sera la prochaine plateforme web à la mode. Je
n’ai aucune idée du framework que tous les développeurs aduleront
l’année prochaine. Mais j’ai la certitude que, dans trente ans, je
pourrai toujours taper sur mes machines à écrire mécaniques, utiliser
Vim et faire tourner des scripts Bash ou Python pour générer mon blog et
des PDFs à envoyer aux éditeurs.
Ce faisant, je suis passé du côté obscur de la force geek. Je suis
redevenu l’utilisateur novice que les nouveautés en informatique
n’intéressent pas. Les mises à jour m’ennuient, car je me demande le
temps qu’elles vont me faire perdre. Je n’ai pas besoin de nouveaux
logiciels, mes besoins sont comblés.
L’informatique technique m’est devenue inintéressante. Elle m’ennuie.
J’ai l’impression d’avoir lu mille fois les annonces marketing annonçant
le nouveau système à la mode. Le problème de base de l’informatique
peut pourtant désormais être considéré comme résolu : nous savons
comment nous envoyer des textes, des images et du son.
La solution est tellement bien connue que toute l’industrie qui nous
entoure consiste essentiellement à complexifier cette solution pour que
ce ne soit pas trop facile et que les acteurs économiques puissent nous
soutirer des rentes sur nos échanges de bits.
Une nouvelle question se pose, passionnante : comment nous envoyer du
texte, des images et du son de la manière la plus simple, la plus
efficace, la plus indépendante, la plus pérenne et la plus libre
possible ?
Une question qui n’est plus technologique, cet aspect étant résolu, mais
sociologique, morale, éducationnelle, collaborative, éthique, voire
écologique. Une question qui remet en cause certains fondements
économiques de notre société. Une question qui s’inscrit dans la durée.
Après soixante années d’explosion technologique, l’informatique est
arrivée à un plateau. Nous n’avons plus besoin d’innovation, mais de
stabilisation. De démocratisation. D’une nouvelle informatique.
L’informatique est et reste ma passion. La nouvelle informatique.
La nouvelle informatique est une science humaine, une exploration en
profondeur de l’humanité et de sa psyché. La nouvelle informatique est
un projet d’ingénierie visant à construire une plateforme libre et
libératrice dont la durée de vie se compterait en décennies, en siècles.
La nouvelle informatique est un projet d’émancipation, d’éducation, de
collaboration, d’échange.
La nouvelle informatique est également une lutte. Une lutte pour la
création d’un nouveau type de superorganisme qui n’aurait pas pour
objectif la maximisation de l’exploitation des ressources.
Une lutte pour la survie de l’humanité.
Photo par CEphoto, Uwe Aranas.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Olivetti_Teleprinter_T1.jpg
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15 Mar '24
LECTURES : UNE SOCIÉTÉ DE MENSONGES
by Ploum on 2024-03-15
https://ploum.net/2024-03-15-lectures-mensonges.html
Productivisme
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En lisant ce simplissime et magnifique texte de Bruno Leyval décrivant
la condition ouvrière, je ne peux m’empêcher d’avoir « Tranche de vie »
de François Béranger en tête. Et de prendre pleinement conscience à quel
point le fonctionnement en pause des usines est inhumain.
Ouvriers (brunoleyval)
gemini://gemlog.blue/users/brunoleyval/1708774999.gmi
Le travail de nuit est nécessaire pour plein de raisons : la santé, la
sécurité, l’aide aux personnes. Ou bien dans l’agriculture, dans le soin
de tout ce qui est vivant, des plantes aux animaux. Mais que dire du
fait qu’on force des humains à travailler de nuit et se détruire
irrémédiablement la santé pour fabriquer des bagnoles ou empaqueter des
petits pois dont personne ne voudrait s’il n’y avait pas ce matraquage
incessant du marketing ? Qui est ce « on » qui force ? Les patrons ? Les
politiciens ? Ou nous-mêmes, les consommateurs ?
Surveillance généralisée
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Les caméras de surveillance partout, ça ne peut pas faire de tort, hein
? Y compris dans les distributeurs automatiques. Et puis voilà qu’à
cause d’un bug, la population étudiante d’une université canadienne
découvre que les vendeurs automatiques de chocolats font de la
reconnaissance faciale. Le visage de chaque client est scanné, à son
insu, et des statistiques sur l’âge, le genre et potentiellement plein
d’autres choses sont envoyées au département marketing. Afin de nous
vendre les merdes produites par les travailleurs passant leurs nuits sur
des chaînes de production.
Big Candy Is Watching You: Facial Recognition In Vending Machines Upsets
University (hackaday.com)
https://hackaday.com/2024/02/27/big-candy-is-watching-you-facial-recognitio…
La question qui se pose : mais qui a accès à ces millions de données qui
sont capturées autour de nous en permanence, que ce soit par notre
montre, notre voiture, une caméra de surveillance ou un distributeur de
boissons ?
Aram Sinnreich et Jesse Gilbert ont trouvé la réponse. Elle est simple :
tout le monde. Il suffit de payer et ce n’est vraiment pas très cher.
Spying on Trump's Mar-a-Lago Club Was Easy. Is Your Privacy Safe?
(www.rollingstone.com)
https://www.rollingstone.com/culture/culture-features/data-brokers-trump-te…
Et même si vous n’avez aucun engin connecté, que vous faites très
attention, aux États-Unis il est possible d’acheter les données
concernant toutes les personnes se rendant à une adresse. Votre maison
par exemple. Et savoir d’où elles viennent. Quel est leur niveau de vie.
Mais, dans ce cas-ci, le fabriquant du distributeur tente de rassurer :
la machine respecte les lois, y compris le RGPD européen.
En fait, non. Le RGPD ne permet pas le scan de visage sans consentement.
Mais si l’entreprise dit respecter le RGPD, qui ira vérifier ? Et
comment vérifier ?
En utilisant le RGPD, j’ai fait effacer plus de 300 comptes en ligne à
mon nom (ça m’a pris trois ans). Après plusieurs années, certains
comptes soi-disant effacés ont recommencé à m’envoyer des
« newsletters ». Donc, en fait, rien n’était effacé du tout. Mention
spéciale au restaurant de sushis qui avait remplacé mon login "ploum"
par "deleted_ploum" et prétendait que tout était effacé alors que
j’avais encore accès au compte via le cookie de mon ordinateur. Ou le
site d’immobilier qui a soudainement commencé à m’envoyer
journalièrement les résultats d’une recherche que j’avais enregistrée…
il y a 10 ans ! (et je ne pouvais pas me désinscrire vu que j’avais
officiellement effacé mon compte depuis plus de deux ans).
Le marketing est, par définition, du mensonge. Les gens travaillant dans
le marketing sont des menteurs. Dans les écoles de marketing, on apprend
à mentir, le plus outrageusement possible. Tout ce qu’ils disent doit
être considéré comme un mensonge. Nous sommes entourés d’un nuage de
mensonges. Toute notre société est construite sur le rejet de toute
forme de vérité.
Lorsqu’un menteur est pris en flagrant délit, ce n’est pas le mensonge
détecté le problème. C’est, au contraire de réaliser tous les autres
mensonges que nous n’avons jamais détectés.
Les hallucinations de Turing
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Le test de Turing dit qu’une intelligence artificielle est véritablement
intelligente si on ne peut pas distinguer ce qu’elle écrit de ce
qu’écrirait un humain. Turing n’avait pas envisagé que l’immense
majorité des écrits humains seraient des piles de mensonges produits par
des départements marketing. Dans tout ce débat, ce qui m’impressionne
n’est pas tellement l’intelligence de nos ordinateurs, mais la bêtise
humaine…
Oops! We Automated Bullshit. (www.cst.cam.ac.uk)
https://www.cst.cam.ac.uk/blog/afb21/oops-we-automated-bullshit
Ce n’est même pas caché. Quand un journaliste de The Verge fait un
article pour dire qu’une imprimante fonctionne bien (parce qu’elle
imprime et pis c’est tout, ce qui est un truc de dingue dans le monde
moderne), il est obligé de rajouter, de son propre aveu, du bullshit
généré par ChatGPT afin que l’article paraisse sérieux aux yeux de
Google. Lui, il le reconnait et préviens de ne pas lire. Mais pour un
article comme cela, combien ne le disent pas ?
Best printer 2023: just buy this Brother laser printer everyone has,
it’s fine (www.theverge.com)
https://www.theverge.com/23642073/best-printer-2023-brother-laser-wi-fi-its…
Les modèles de langage larges (LLM) sont condamnés à « halluciner », le
terme politiquement correct pour « raconter absolument n’importe quoi ».
Exactement comme les départements marketing. Ou comme les religions ou
n’importe quelle superstition. L’être humain a une propension à aimer le
grand n’importe quoi et à y trouver un sens arbitraire (c’est le
phénomène de paréidolie, qui permet notamment de voir des formes dans
les nuages).
Donc, ma question : vous espériez quoi, très sincèrement, des
intelligences artificielles ?
Les mensonges que nous nous racontons
=====================================
Et vous espérez quoi de l’humanité ? Non seulement nous passons notre
temps à nous mentir, mais à « débattre » nos propres actions qui ne
devraient même pas être discutables.
Allez, je vous donne un exemple de comportement que nous trouvons
« normal » simplement parce que nous sommes trop crétins pour dire aux
marketeux qu’ils sont de dangereux menteurs psychopathes et que donc, on
se dit qu’ils ne doivent pas avoir toujours complètement tort.
> Oui, je veux sauver la planète ! Chaque jour, je prends sur mon
salaire pour faire un don de dix ou vingt euros à une énorme
organisation multinationale qui fait travailler les enfants dans des
conditions horribles et qui est responsable de près de 1% de toutes les
émissions de CO2 de la planète. Sans compter les polluants : je
participe chaque jour à l’une des plus importantes sources de pollution
des nappes phréatiques et des océans.
>
> C’est pour ça que je les soutiens chaque jour. Ça me coûte cher, mais
je continue ! Et en les soutenant, je participe à tuer 8 millions de
personnes chaque année, à causer 50x plus de cancers en France que
n’importe quelle autre pollution et je participe activement à empirer
toutes les maladies respiratoires dans mon entourage, surtout les plus
jeunes.
>
> Bref, je fume.
>
> En plus, je pue. Je dérange tout le monde, mais personne n’ose me le
dire, car c’est « ma liberté ». Les non-fumeurs sont tellement bien
élevés, ils n’osent pas me dire que, si, ça les dérange que je m’en
grille un. Alors, j’emmerde les non-fumeurs, j’emmerde les asthmatiques,
j’emmerde la planète, car fumer, c’est ma liberté. Donner mon argent à
l’une des entreprises les plus polluantes du monde, c’est ma liberté.
Rendre asthmatiques mes enfants, c’est ma liberté. D’ailleurs, je vais
manifester pour le climat en m’en grillant une !
We Need to Talk About Tobacco and the Environment (exposetobacco.org)
https://exposetobacco.org/news/effects-of-tobacco-on-environment/
Tabac sur le site de l’OMS (www.who.int)
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/tobacco
Le tabac est un exemple très symptomatique : il est hyper dangereux,
hyper polluant, hyper nocif y compris pour les non-fumeurs et n’a aucune
justification pratique. Aucune, zéro, nada. L’interdiction de la vente
de tabac aux jeunes ne devrait même pas être discutable. L’interdiction
de fumer à moins de cent mètres d’un mineur devrait vous paraître une
évidence.
Ce n’est pas le cas. Et beaucoup trouvent que simplement dire à un
fumeur « tu pues, tu m’empestes » c’est « pas très respectueux », mais
que se taper une crise d’asthme ou un cancer de tabagisme passif, c’est
« normal ». Socialement, je ne comprends pas comment on ne considère pas
un type qui allume une clope en public comme quelqu’un qui enlève son
pantalon et se met à déféquer au milieu de la rue : comme un gros
dégueulasse qui n’a aucune éducation et qui empeste son environnement
(avec la différence que la merde n’est pas cancérigène).
Pour mettre en rapport, le tabac c’est trois crises du COVID chaque
année. Rien que les morts annuels du tabagisme passif sont au même
niveau que les victimes du COVID. Mais, contrairement au COVID, on ne
prend aucune mesure alors que celles-ci sont faciles et évidentes. Pire,
on encourage activement notre jeunesse à fumer !
Il faut en déduire que tant qu’on tolère la vente et la fumée dans
l’espace public, c’est qu’on n’a pas envie de sauver la planète ni la
vie des humains. Voilà, au moins les choses sont claires. Ce n’est pas
qu’on ne peut pas. On ne veut pas. Point. C’est bon ? On peut arrêter de
faire semblant et détacher les capuchons des bouteilles en plastique ?
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Lectures : petite écologie de l’éducation et de l’informatique
by Ploum.net (billets en français uniquement) 05 Mar '24
by Ploum.net (billets en français uniquement) 05 Mar '24
05 Mar '24
LECTURES : PETITE ÉCOLOGIE DE L’ÉDUCATION ET DE L’INFORMATIQUE
by Ploum on 2024-03-05
https://ploum.net/2024-03-05-lectures-education-informatique-ecologie.html
De l’importance de l’écriture manuelle
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L’écriture à la main, que ce soit avec un stylo, un crayon, un marqueur
ou ce que vous voulez est une étape primordiale dans le développement du
cerveau et dans la compréhension future de la langue écrite.
Handwriting but not typewriting leads to widespread brain connectivity:
a high-density EEG study with implications for the classroom
(www.frontiersin.org)
https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2023…
La littérature à ce sujet semble unanime, mais l’étude suscitée va
encore plus loin en mesurant l’activité neuronale lors de l’écriture à
la main ou avec un clavier. Il n’y a pas photo : l’apprentissage de
l’écriture se fait donc d’abord, et c’est essentiel, en écrivant à la
main et en déchiffrant différentes écritures.
Ensuite, si l’outil informatique vous intéresse, je conseille très
fortement d’apprendre la dactylographie. Cela ne demande que quelques
semaines d’efforts et cela change complètement l’interaction avec un
ordinateur. Pour rappel, la dactylographie sur un clavier se base sur
deux principes fondamentaux :
Premièrement, chaque touche correspond à un doigt particulier. On
n’utilise pas les doigts au hasard.
Deuxièmement, la dactylographie doit impérativement s’apprendre à
l’aveugle. Il ne s’agit pas de connaître par cœur la disposition du
clavier ou de la visualiser. Il s’agit de créer un réflexe musculaire,
un mouvement d’un doigt particulier pour chaque lettre.
C’est comme ça que j’ai appris à taper en Bépo et c’est, je pense, le
meilleur investissement en temps que j’aie jamais fait de toute ma vie.
Le fait de taper à l’aveugle et au rythme de ma pensée a transformé
l’écriture en une véritable extension de mon cerveau. Je n’écris pas ce
à quoi je réfléchis, mes pensées se contentent d’apparaitre sur l’écran.
Le bépo sur le bout des doigts (ploum.net)
https://ploum.net/216-le-bepo-sur-le-bout-des-doigts/index.html
Je tape tout en Bépo dans Vim car Vim me permet d’étendre les
automatismes dactylographiques aux actions sur le texte lui-même : se
déplacer, supprimer, remplacer, copier-coller. Mes enfants sont peut-
être encore jeunes pour se mettre à Vim, mais si jamais une envie de Vim
(une envim quoi) vous titille, je vous conseille le court manuel de
Vincent Jousse.
Vim pour les humains (vimebook.com)
https://vimebook.com/fr
Digitalisation de l’éducation
=============================
La « digitalisation » à l’aveugle des salles de classe est une hérésie
absolue. Surtout que l’immense majorité des professeurs sont
complètement incompétents en informatique et ne comprennent pas eux-
mêmes ce qu’est un ordinateur (ce qui est normal et attendu, ils n’ont
jamais été formés à cela).
Dans l’école primaire de mes enfants, ils sont tout fiers de proposer
des séances d’explications… de PowerPoint !
Alors, deux petits rappels importants :
Premièrement, apprendre à utiliser des logiciels commerciaux, ce n’est
pas de l’informatique. C’est de l’utilisation d’un outil commercial qui
n’est pas généralisable et donc foncièrement inutile sur le long terme.
Les enfants ont appris à cliquer sur deux boutons ? À la prochaine
version, les boutons seront ailleurs et les enfants n’auront aucune
connaissance intuitive de leur outil. Et c’est sans doute parce que le
professeur n’en a aucune lui-même, mais c’était le prof de l’école qui
« aime bien l’informatique », qui clique sur des .exe sans transpirer à
grosses gouttes, du coup on lui confie ce rôle.
En deuxième lieu, si vous voulez qu’un enfant se débrouille avec
n’importe quel logiciel, il y a une solution très simple : laissez-le
faire. Sérieusement, laissez-le chipoter, essayer, faire n’importe quoi.
Dans le cas du PowerPoint, je suis certain que si on laisse une classe
une heure avec le logiciel, elle en saura plus que l’adulte qui peine.
Mettez-leur en main des ordinateurs où ils ont le droit de « tout
casser ».
Après, il y’a un énorme problème avec la génération actuelle à qui on
fourgue une tablette dès la couveuse : ils n’ont jamais chipoté. Ils
sont nés avec des appareils avec des grosses icônes sur lesquelles il
suffit de cliquer pour acheter des applications. Des appareils qui sont
conçus à dessein pour empêcher de comprendre comment ils fonctionnent et
qui ne peuvent pas être « cassés ». Les outils propriétaires sont, par
essence, des boîtes noires qui se veulent arbitraires et
incompréhensibles.
Ce n’est pas de l’informatique. Ce n’est pas une connaissance utile. Ce
n’est pas le rôle de l’école de s’occuper de cela.
Je réfléchis beaucoup à une méthode d’enseignement de l’informatique. Et
j’en suis arrivé à une conclusion : apprendre les bases de
l’informatique doit se faire sans ordinateur. Il y a tant de choses
amusantes à faire sur un tableau noir : compter en binaire, écrire des
petits algorithmes, créer des groupes d’enfants appliquant chacun un
algorithme et voir ce qui se passe si on se passe des « données » dans
un ordre plutôt qu’un autre…
Le concept de boîte noire
=========================
L’ingénieur tente d’utiliser une boîte noire avec laquelle il a appris à
interagir grâce au scientifique. Le scientifique, lui, cherche à
comprendre comment fonctionne l’intérieur de la boîte noire (qui
contient elle-même d’autres boîtes noires).
Méfiez-vous des gens qui vous vendent des boîtes noires, mais sont
étonnés à l’idée que vous demandiez ce qu’il y a à l’intérieur.
The black box (njms.ca)
gemini://njms.ca/gemlog/2024-02-23.gmi
Réseaux sociaux
===============
Outre comprendre l’informatique, il est vrai que les nouvelles
générations doivent apprendre à vivre dans un monde de réseaux sociaux.
Mais, une fois encore, la plupart des adultes ne comprennent rien et
tentent d’imposer leur vision étriquée de ce qu’ils n’ont pas compris.
J’écrivais qu’un véritable réseau social ne peut pas être un succès.
Tout le monde ne peut pas être dessus, sinon ce n’est plus vraiment un
réseau social.
Stop Trying to Make Social Networks Succeed (ploum.net)
https://ploum.net/2023-07-06-stop-trying-to-make-social-networks-succeed.ht…
Winter traduit très bien ce sentiment avec ses mots : sur chaque
plateforme, nous avons une identité différente, une créativité qui
s’accompagne parfois d’une grande pudeur.
Facebook as Containment Field: Rebuilding the Partition (winter)
gemini://rawtext.club/~winter/gemlog/2024/2-26.gmi
Après tout, lorsque j’ai créé ce blog, j’ai évité consciencieusement
toute référence à mon nom officiel pour pouvoir m’exprimer sans crainte
d’être jugé par mes proches. Ce n’est que petit à petit que j’ai pu
prendre l’assurance de lier l’identité de Ploum avec celle de Lionel
Dricot. J’ai tenu deux autres sites web, aujourd’hui disparus, dont un
qui était un blog avant la lettre, sous des identités qui n’ont jamais
été liées à moi. Dans son livre « Mémoires Vives », Edward Snowden
insiste sur cet aspect multi-identitaire fondamental à sa vocation.
Aaron Swart a également utilisé ces outils pour contribuer à définir la
norme RSS en cachant qu’il était encore adolescent.
Cet apprentissage, ces libertés et ces explorations de ses propres
identités sont malheureusement complètement perdus dans la vocation des
réseaux sociaux centralisateurs qui imposent une et une seule identité.
La seule chose que les jeunes peuvent faire désormais, c’est de créer un
compte sous un faux nom "réaliste", ce qui les incite à se faire passer
pour un camarade et, de ce fait, à se porter préjudice l’un à l’autre,
au grand dam des établissements scolaires et des parents qui doivent
prendre des mesures énergiques pour dire que « Ça ne se fait pas
d’usurper l’identité d’un autre ».
Non, ça ne se fait pas. Mais ça se fait de s’inventer des identités. De
se créer des univers différents, qui interagissent dans des communautés
différentes.
Et nous avons revendu cette liberté contre la possibilité d’être fliqué
par la publicité avec l’obligation d’avoir notre vrai nom partout parce
que « c’était plus facile ».
Bloat JavaScript
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Et même sur le côté « plus facile », nous nous sommes fait avoir par le
côté « boîte noire sans cesse changeante ».
Niki, blogueur sur tonsky.me, s’est amusé à calculer la quantité de
JavaScript que chargent les sites principaux… par défaut ! Sur le
« minimaliste » Medium, c’est 3Mo. Sur LinkedIn, c’est 31Mo.
JavaScript Bloat in 2024 (tonsky.me)
https://tonsky.me/blog/js-bloat/
Pour rappel, il y a zéro JavaScript sur ploum.net. En fait, pour un
rendu relativement similaire (du texte aligné au milieu d’un écran),
vous devriez télécharger 1000 fois plus de données pour lire un de mes
billets sur Medium et 10.000 fois plus de données pour lire un de mes
billets sur LinkedIn.
En plus du temps de téléchargement, le processeur de votre appareil
serait mis à rude épreuve pendant quelques dixièmes de secondes voire
des secondes tout court, augmentant la consommation d’électricité (de
manière significative) et vous donnant une légère impression de lenteur
ou de difficulté lors de l’affichage. Si vous avez un appareil un peu
ancien ou une connexion un peu mauvaise, ces difficultés sont
multipliées exponentiellement.
Ah oui. En plus de tout, sur Medium et LinkedIn, vous êtes complètement
pistés et les données de votre lecture vont grossir les milliers de
bases de données marketing.
Il y a même des chances que, pour lire l’article sur Medium ou LinkedIn,
vous utilisiez le mode « lecture » de votre navigateur ou d’un logiciel
quelconque. Mode qui après avoir tout téléchargé et tout calculé va
tenter d’extraire le contenu de l’article pour l’afficher dans un style
similaire à ploum.net.
Tous ces allers et retours alors qu’il est tellement simple, en temps
que webmaster, d’offrir le texte directement, sans fioriture. De
simplifier la vie de tout le monde…
Gaspillage et sécurité
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Ces systèmes sont donc plus lourds, plus énergivores, beaucoup plus
compliqués à produire. Pourquoi les produit-on ?
Keynote Touraine Tech 2023 : Pourquoi ? (ploum.net)
https://ploum.net/2023-03-30-tnt23-pourquoi.html
Mais ce n’est pas tout ! Leur complexité augmente la surface d’attaque
potentielle et donc le nombre de failles de sécurité. Une joie pour les
script-kiddies. Sauf que plus besoin des script-kiddies, les
intelligences artificielles peuvent désormais automatiquement exploiter
les failles de sécurité.
Schneier on Security (www.schneier.com)
https://www.schneier.com/blog/archives/2024/02/ais-hacking-websites.html/
On va donc avoir, d’une part, des sites de spam/SEO générés
automatiquement et, d’autre part, des sites légitimes qui se sont fait
pirater et sur lesquels a été injecté du contenu spam/SEO.
Voilà, voilà, ne me dites pas que je ne vous avais pas prévenu.
Splitting the Web (ploum.net)
https://ploum.net/2023-08-01-splitting-the-web.html
Écologie
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Le plus difficile, dans tout cela, c’est certainement la pression
sociale. Si on aime vivre en ermite comme moi, c’est simple de refuser
Whatsapp, Google. Mais lorsqu’on est ado, on se fout de ces principes.
On veut faire partie du groupe. Avoir un iPhone. Être sur Tiktok. Jouer
au dernier jeu à la mode en parlant du dernier Youtubeur sponsorisé par
une marque d’alcool ou de tabac. Porter des fringues de marque produit
par des enfants dans des caves en Thaïlande.
Pour l’adolescence, les préceptes moraux et les interdictions sont là
pour être contournés (et c’est une bonne chose). Tout ce que nous
pouvons offrir, c’est l’éducation. La compréhension des enjeux et des
conséquences des actes posés dans leur univers de vie.
Bref, dans l’informatique comme dans tout autre domaine, nous devons
enseigner l’écologie.
Mais encore faut-il que nous la comprenions nous-mêmes.
Nous vivons dans un monde où l’eau de pluie est désormais contaminée par
des polluants dangereux… partout sur la planète ! Il n’existe plus une
goutte d’eau de pluie qui soit considérée comme potable.
Rainwater unsafe to drink due to chemicals: study (phys.org)
https://phys.org/news/2022-08-rainwater-unsafe-due-chemicals.html
Alors, peut-être que nous devons accepter n’avoir pas de leçons
écologiques à donner à nos enfants…
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