POUR UNE MÉMOIRE COMMUNE NUMÉRIQUE
by Ploum on 2024-07-21
https://ploum.net/2024-07-21-memoire-commune-numerique.html
L’amnésie d’Internet
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Internet est un lieu d’échange, mais sa mémoire est volatile. Nous avons
tous connu des sites qui disparaissent, des ressources qui deviennent
inaccessibles. Personnellement, j’ai perdu tous mes sites web avant ce
blog. J’ai perdu tout ce que j’ai posté sur les réseaux sociaux,
particulièrement Google+ où j’étais très actif.
Cela m’a servi de leçon. La simplification à outrance de ce blog est une
manière pour moi de le pérenniser.
La fin d’un blog et la dernière version de ploum.net (ploum.net)
https://ploum.net/2022-12-04-fin-du-blog-et-derniere-version.html
Tout le monde ne pense pas comme moi ou ne réalise pas l’importance de
l’archivage.
Toutes les archives du site de MTV, la chaine télé musicale qui a marqué
ma génération, viennent d’être irrémédiablement effacées.
Paramount Erases Archives of MTV Website, Wipes Music, Culture History
After 30 Plus Years (www.showbiz411.com)
https://www.showbiz411.com/2024/06/25/paramount-shuts-down-mtv-website-wipe…
Cela va continuer. Avec le Web en 91 puis les smartphones en 2007,
Internet s’est complètement insinué dans la société et la vie de tous
les humains. Mais c’est très récent. Tellement récent que nous n’avons
aucun recul sur ce que cela signifie sur le long terme.
Rappelons que les protocoles à la base d’Internet ont été conçus en
imaginant que le stockage serait cher, mais que la bande passante serait
bon marché. Internet est donc un réseau de routage de paquets sans
aucune capacité de mémoire. Mémoriser ne fait pas partie de sa structure
intrinsèque. Le réseau est conçu pour échanger et oublier.
Ironiquement, l’inverse s’est passé : le stockage est devenu meilleur
marché que la bande passante. Mais la technologie ne s’est pas adaptée.
Les humains non plus. Nous échangeons à toute vitesse des informations
que nous oublions tout aussi vite.
Il n’y a, à ce jour, qu’une seule technologie qui a fait ses preuves
pour nous souvenir et améliorer notre mémoire collective dans la durée :
l’écriture. Les livres. Les livres qui, à l’exception d’incendies
dramatiques, résistent aux millénaires, aux multiples lectures, aux
annotations, à l’écorchage de leurs pages.
Internet et les livres resteront toujours complémentaires. Le premier
pour nous mettre en contact et nous permettre d’échanger en temps réel.
Les seconds pour nous permettre de nous souvenir et d’échanger à travers
les années et les siècles.
La mémoire de la ligne de commande
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Sur Internet, on passe son temps à réinventer la roue alors que la
solution existe probablement. D’où cette question provocante, mais
incroyablement pertinente : pourquoi ne pas utiliser SSH pour tout ?
Why aren’t we using SSH for everything? (shazow.net)
https://shazow.net/posts/ssh-how-does-it-even/
Exemple avec un chat qui enfonce les Slack et autres Teams tout en ne
nécessitant rien d’autre qu’un client ssh.
quackduck/devzat: The devs are over here at devzat, chat over SSH!
(github.com)
https://github.com/quackduck/devzat
SSH all the things!
On me rétorquera que c’est plus compliqué. Je réponds que pas du tout.
Il faut juste apprendre tout comme nous avons appris à cliquer sur des
liens. Il faut arrêter de prendre les utilisateurs pour des nuls et
expliquer des choses qui pourront leur servir toute leur vie.
Une fois le principe de base d’une ligne de commande compris, un
ordinateur devient une machine incroyable qui obéit aux ordres qu’on lui
donne et non plus une boîte noire magique dont il faut deviner ce
qu’elle veut qu’on fasse. La ligne de commande contrôle l’ordinateur là
où le GUI contrôle l’utilisateur.
Retenir une ligne de commande est très simple : il suffit de l’écrire
quelque part. Par exemple dans un livre. Retenir une action à accomplir
dans une interface graphique est très difficile. De toute façon, elle
change tout le temps.
Autre point sous-estimé : une ligne de commande se partage très
simplement. La ligne de commande est, par essence, sociale. Le GUI est
solitaire. Comme cette fois où j’ai tenté, par téléphone, d’aider ma
mère à installer un logiciel sous Ubuntu. Comme je n’arrivais pas à lui
dire où cliquer, j’ai fini par lui faire lancer un terminal et lui
dicter la commande. Ça a fonctionné du premier coup (j’ai juste dû lui
prévenir que c’était normal que son mot de passe ne s’affiche pas, qu’il
fallait le taper à l’aveugle).
GUIs are Antisocial (mtlynch.io)
https://mtlynch.io/notes/guis-are-antisocial/
Software Supply Chain contre Communs numériques
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Dans un billet précédent, j’explique que contribuer à l’open source doit
être vu comme une contribution aux communs et, de ce fait, il faut
favoriser les licences Copyleft qui imposent de reverser aux communs
toute modification/contribution ultérieure.
On Open Source and the Sustainability of the Commons (ploum.net)
https://ploum.net/2024-07-01-opensource_sustainability.html
Ces 20 dernières années sont une leçon que si l’Open Source a gagné,
c’est essentiellement parce que les grosses entreprises utilisent l’Open
Source comme un gigantesque réservoir de main-d’œuvre gratuit. Elles
vont même jusqu’à se plaindre quand un logiciel casse leur produit alors
même qu’elles n’ont jamais acheté ce logiciel ni contribué.
Thomas Depierre pointe l’erreur de logique: les entreprises parlent de
« Supply Chain » (chaine des fournisseurs), mais lorsqu’on écrit du code
Open Source, on n’est pas un fournisseur. Et on n’a pas spécialement
envie de le devenir. Un truc que les entreprises ont du mal à comprendre
« Si on a ce code dans notre produit, il provient soit de chez nous,
soit d’un fournisseur, non ? ». Et bien non.
I am not a supplier (www.softwaremaxims.com)
https://www.softwaremaxims.com/blog/not-a-supplier
The software supply chain is something they've done to themselves
(njms.ca)
gemini://njms.ca/gemlog/2024-07-04.gmi
La meilleure solution est pour moi d’utiliser des licences copyleft et,
plus spécifiquement la licence AGPL qui impose le copyleft y compris
pour les utilisateurs réseau. En clair, s’il est prouvé que Google
utilise du code copyleft dans son moteur de recherche, n’importe quel
utilisateur a le droit dé réclamer le code de tout le moteur Google.
Inutile de dire que les entreprises sont terrifiées à cette idée et
qu’elles fuient le code GPL/AGPL comme la peste. C’est la raison pour
laquelle le noyau Linux, sous GPL, est complètement isolé du reste du
système dans Android. À part Linux, Apple, Google et Microsoft
considèrent le GPL comme un véritable cancer. Les serveurs Netflix ou la
PlayStation Sony sont sous FreeBSD par crainte de la GPL. macOS se base
également sur BSD en évitant le monde Linux par peur d’être contaminé à
la GPL.
Ils ont tellement peur qu’ils accusent les licences copyleft d’être
« restrictives ». Non. La seule restriction que vous impose le copyleft,
c’est de vous interdire d’ajouter des restrictions à vos utilisateurs.
Il est interdit d’interdire.
Copyleft licenses are not “restrictive” (drewdevault.com)
https://drewdevault.com/2024/04/19/2024-04-19-Copyleft-is-not-restrictive.h…
Alors, oui, au plus il y aura du code sous licence AGPL, au moins les
entreprises considéreront les développeurs open source comme des
fournisseurs. Plus il y aura de code sous licence copyleft, plus large
sera notre mémoire commune numérique.
TL;DR: release your code under the AGPL
Bon, après, je dis AGPL, mais je suis seulement en train de découvrir
qu’en droit européen, il est bien possible que l’EUPL soit préférable.
Mais, dans l’esprit, les deux sont équivalentes.
How does FSF considers EUPL? (joinup.ec.europa.eu)
https://joinup.ec.europa.eu/collection/eupl/discussion/how-does-fsf-conside…
PETIT DICTIONNAIRE DU SPAMMEUR
by Ploum on 2024-07-03
https://ploum.net/2024-07-03-dico-du-spam.html
Le but de la publicité est de vous faire consommer plus. Donc de vous
faire polluer plus. C’est, écologiquement, une activité criminelle et
moralement injustifiable.
Mais il y a pire que la destruction de la planète ! Après tout, détruire
la planète, tout le monde le fait. C’est devenu banal.
Ce qui est unique à la publicité, c’est l’envahissement permanent de
notre espace mental, de nos inbox, de tous nos canaux de communication.
On parle alors de « spam ».
Le spam est à la fois un crime écologique à l’échelle de la planète et
une atteinte morale envers l’individu.
Pour s’acheter une façade de respectabilité, les criminels se sont
contentés de changer de nom. Voici donc un petit dictionnaire pour vous
aider à y voir clair.
Ce n’est pas parce que vous appelez vos spams autrement que vous n’êtes
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pas un enfoiré de spammeur
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Agence marketing : Entreprise spécialisée dans la production de spam
Spécialiste marketing : spammeur
Mailing : spam
Cold-mailing : spam (et assumé comme tel)
Communication : spam
Stratégie de com : série de nombreux spams
Newsletter : spam (sauf lorsque les abonnés ont explicitement et
volontairement fait des démarches pour recevoir les emails. Si vous avez
obtenu une liste d’adresses email pour votre newsletter d’une source
externe, vous êtes un spammeur. Si l’abonnement se fait en oubliant de
cocher une case, vous êtes un spammeur. Si vous n’êtes pas certain, vous
êtes un spammeur.)
Influenc·eur·euse : diffuseur de spam, mais qui a l’air cool
Partenariat : contrat liant une agence marketing et l’influenc·eur·euse
Ambassad·eur·rice : influenc·eur·euse qui vient de signer un partenariat
Vous êtes probablement le méchant du film
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Si vous participez à l’une des activités ci-dessus, c’est que vous
pourrissez la vie des autres pour nous tenter de convaincre de pourrir à
notre tour la planète. Vous êtes une cause majeure du problème.
Oui, vous, qui envoyez des newsletters à toutes les personnes qui sont
passées dans votre magasin, votre hôtel ou un train de votre réseau :
vous êtes un·e enfoiré·e de spammeur.
Si vous vous en gargarisez sur LinkedIn avec les termes ci-dessus,
avouez qu’on peut difficilement faire autre chose que de vous demander
d’aller vous faire foutre.
Et si vous trouvez que ce billet exagère, qu’on ne peut pas mettre tout
le monde dans le même bateau, qu’il faut bien que vous fassiez votre
boulot : vous êtes un·e enfoiré·e de spammeur, mais vous ne l’assumez
pas. Oui, vous êtes le méchant du film et vous êtes trop hypocrite pour
oser vous l’avouer.
À lire aussi: Désabonnez-moi ! (ploum.net)
gemini://ploum.net/desabonnez-moi/index.gmi
Photo par Rkoblizek
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dog_excrement_under_feet.jpg