
De la soumission au technofascisme religieux
by Ploum.net (billets en français uniquement) 19 Feb '25
by Ploum.net (billets en français uniquement) 19 Feb '25
19 Feb '25
DE LA SOUMISSION AU TECHNOFASCISME RELIGIEUX
by Ploum on 2025-02-19
https://ploum.net/2025-02-19-technofascisme-religieux.html
Les générateurs de code stupide
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Sur Mastodon, David Chisnall fait le point sur une année d’utilisation
de GitHub Copilot pour coder. Et le résultat est clair : si, au début,
il a l’impression de gagner du temps en devant moins taper sur son
ordinateur, ce temps est très largement perdu par les heures voire les
jours nécessaires à déboguer des bugs subtils qui ne seraient jamais
arrivés s’il avait écrit le code lui-même en premier lieu ou, au pire,
qu’il aurait pu détecter beaucoup plus vite.
Thread Mastodon de David Chisnall
https://mamot.fr/@david_chisnall@infosec.exchange/113690087179982501
Il réalise alors que la difficulté et le temps passé sur le code n’est
pas d’écrire le code, c’est de savoir quoi et comment l’écrire. S’il
faut relire le code généré par l’IA pour le comprendre, c’est plus
compliqué pour le programmeur que de tout écrire soi-même.
« Oui, mais pour générer le code pas très intelligent »
Là, je rejoins David à 100% : si votre projet nécessite d’écrire du code
bête qui a déjà été écrit mille fois ailleurs, c’est que vous avez un
problème. Et le résoudre en le faisant écrire par une IA est à peu près
la pire des choses à faire.
Comme je le dis en conférence : ChatGPT apparait utile pour ceux qui ne
savent pas taper sur un clavier. Vous voulez être productif ? Apprenez
la dactylographie !
les bulles (conférence à Rennes Breizhcamp 2024)
https://ploum.net/Comprendre
Là où ChatGPT est très fort, par contre, c’est de faire semblant
d’écrire du code. En proposant des tableaux d’avancement de son travail,
en prétendant que tout est bientôt prêt et sera sur WeTransfer. C’est
évidemment bidon : ChatGPT a appris à arnaquer !
Julien Paster raconte sur X comment son kiné s’est fait arnaqué par
ChatGPT (xcancel.com)
https://xcancel.com/JulienPasteur1/status/1891896422397563217?mx=2
Bref, ChatGPT est devenu le parfait Julius.
Mon collègue Julius (ploum.net)
https://ploum.net/2024-12-23-julius-fr.html
Ed Zitron enfonce encore plus le clou à ce sujet : les ChatGPTs et
consorts sont des « succès » parce que toute la presse ne fait qu’en
parler en termes élogieux, que ce soit par bêtise ou par corruption.
Mais, en réalité, le nombre d’utilisateurs payants est incroyablement
faible et, comme Trump, Sam Altman s’adresse à nous en considérant que
nous sommes des débiles qui avalons les plus gros mensonges sans
broncher. Et les médias et les CEOs applaudissent…
The Generative AI Con (www.wheresyoured.at)
https://www.wheresyoured.at/longcon/
Débiles, nous le sommes peut-être complètement. Plusieurs dizaines
d’articles scientifiques mentionnent désormais la « miscroscopie
électronique végétative ». Ce terme ne veut rien dire. Quelle est son
origine ?
Il vient tout simplement d’un article de 1959 publié sur deux colonnes,
mais qui est entré dans le corpus comme une seule colonne !
As a nonsense phrase of shady provenance makes the rounds, Elsevier
defends its use (retractionwatch.com)
https://retractionwatch.com/2025/02/10/vegetative-electron-microscopy-finge…
Ce que cette anecdote nous apprend c’est que, premièrement, les
générateurs de conneries sont encore plus mauvais qu’on ne l’imagine,
mais, surtout, que notre monde est déjà rempli de cette merde ! Les LLMs
ne font qu’appliquer au contenu en ligne ce que l’industrie a fait pour
le reste : les outils, les vêtements, la bouffe. Produire le plus
possible en baissant la qualité autant que possible. Puis en l’abaissant
encore plus.
Condorcet, les réseaux sociaux et les producteurs de merde (ploum.net)
https://ploum.net/condorcet-les-reseaux-sociaux-et-les-producteurs-de-merde…
La suppression des filtres
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L’imprimerie fait passer la communication de "One to one" à "One to
many", ce qui rend obsolète l’Église catholique, l’outil utilisé en
occident pour que les puissants imposent leur discours à la population.
La première conséquence de l’imprimerie sera d’ailleurs le
protestantisme qui revendique explicitement la capacité pour chacun
d’interpréter la parole de Dieu et donc de créer son propre discours à
diffuser, le "One to many".
Comme le souligne Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris, « la presse
tuera l’église ».
Lectures 4 : un tournant civilisationnel (voir la section
"L’imprimerie")
https://ploum.net/lectures-4-un-tournant-civilisationnel/index.html
Conséquences directes de l’imprimerie : la Renaissance puis les
Lumières. Toute personne qui réfléchit peut diffuser ses idées et
s’inspirer de celles qui sont diffusées. Chaque humain ne doit plus
réinventer la roue, il peut se baser sur l’existant. L’éducation prend
le pas sur l’obéissance.
Après quelques siècles de « One to many » apparait l’étape suivante :
Internet. Du « One to many » on passe au « Many to many ». Il n’y a plus
aucune limite pour diffuser ses idées : tout le monde peut le faire
envers tout le monde.
Il faudra la construire sans eux… (ploum.net)
https://ploum.net/il-faudra-la-construire-sans-eux/index.html
Une conséquence logique qui m’avait échappé à l’époque du billet
précédent, c’est que si tout le monde veut parler, plus personne
n’écoute. Comme beaucoup, j’ai cru que le « many to many » serait
incroyablement positif. La triste réalité est que l’immense majorité
d’entre nous n’avons pas grand-chose à dire, mais que nous voulons quand
même nous faire entendre. Alors nous crions. Nous générons du bruit.
Nous étouffons ce qui est malgré tout intéressant.
L’investissement nécessaire pour imprimer un livre ainsi que le faible
retour direct constitue un filtre. Ne vont publier un livre que ceux qui
veulent vraiment le faire.
La pérennité de l’objet livre et la relative lenteur de sa transmission
implique également un second filtre : les livres les moins intéressants
seront vite oubliés. C’est d’ailleurs pourquoi nous idéalisons parfois
le passé, tant en termes de littérature que de cinématographie ou de
musique : parce que ne nous sont parvenus que les meilleurs, parce que
nous avons oublié les sombres merdes qui firent un flop ou eurent un
succès éphémère.
Bien que très imparfait et filtrant probablement de très bonnes choses
que nous avons malheureusement perdues, la barrière à l’entrée et la
dilution temporelle nous permettaient de ne pas sombrer dans la
cacophonie.
L’échec de la démocratisation de la parole
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Internet, en permettant le « many to many » sans aucune limite a rendu
ces deux filtres inopérants. Tout le monde peut poster pour un coût nul.
Pire : les mécanismes d’addiction des plateformes ont rendu plus facile
de poster que de ne pas poster. Le support numérique rend également
floue la frontière temporelle : un contenu est soit parfaitement
conservé, soit disparait totalement. Cela entraine que de vieux contenus
réapparaissent comme s’ils étaient neufs et personne ne s’en rend
compte. Le filtre temporel a totalement disparu.
De possible, le « many to many » s’est transformé en obligation. Pour
exister, nous devons être vus, entendus. Nous devons avoir une audience.
Prendre des selfies et les partager. Recevoir des likes qui nous sont
vendus bien cher.
Le « many to many » s’est donc révélé une catastrophe, peut-être pas
dans son principe, mais dans sa mise en œuvre. Au lieu d’une seconde
renaissance, nous entrons en décadence, dans un second moyen-âge. La
frustration de pouvoir s’exprimer, mais de ne pas être entendu est
grande.
Olivier Ertzscheid va même plus loin : pour lui, ChatGPT permet
justement d’avoir l’impression d’être écouté alors que personne ne nous
écoute plus. Du « many to many », nous sommes passés au « many to
nobody ».
Google, Wikipédia et ChatGPT. Les trois cavaliers de l’apocalypse (qui
ne vient pas). (affordance.framasoft.org)
https://affordance.framasoft.org/2025/02/google-wikipedia-et-chatgpt-les-tr…
Utiliser ChatGPT pour obtenir des infos se transforme en utiliser
ChatGPT pour obtenir confirmation à ses propres croyances, comme le
relève le journaliste politique Nils Wilcke.
Pouet de Nils Wilcke sur Mastodon
https://mamot.fr/@paul_denton@mastodon.social/114013674404801094
J’en ai marre de le répéter, mais ChatGPT et consorts sont des
générateurs de conneries explicitement conçus pour vous dire ce que vous
avez envie d’entendre. Que « ChatGPT a dit que » puisse être un argument
politique sur un plateau télévisé sans que personne ne bronche est
l’illustration d’un crétinisme total généralisé.
Le Techno-Fascisme religieux
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La « Many to nobody » est en soi un retour à l’ordre ancien. Plus
personne n’écoute la populace. Seuls les grands seigneurs disposent de
l’outil pour imposer leur vue. L’Église catholique a été remplacée par
la presse et les médias, eux-mêmes remplacés par les réseaux sociaux et
ChatGPT. ChatGPT qui n’est finalement qu’une instance automatisée d’un
prêtre qui vous écoute en confession avant de vous dire ce qui est bien
et ce qui est mal, basé sur les ordres qu’il reçoit d’en haut.
Dans un très bon billet sur le réseau Gemini, small patata réalise que
l’incohérence du fascisme n’est pas un bug, c’est son mode de
fonctionnement, son essence. Une incohérence aléatoire et permanente qui
permet aux esprits faibles de voir ce qu’ils ont envie de voir par
paréidolie et qui brise les esprits les plus forts. En brisant toute
logique et cohérence, le fascisme permet aux abrutis de s’affranchir de
l’intelligence et de prendre le contrôle sur les esprits rationnels. Le
légendaire pigeon qui chie sur l’échiquier et renverse les pièces avant
de déclarer victoire.
Poison as Praxis (gemini.patatas.ca)
gemini://gemini.patatas.ca/posts/poison-as-praxis.gmi
L’incohérence de ChatGPT n’est pas un bug qui sera résolu ! C’est au
contraire ce qui lui permet d’avoir du succès avec les esprits faibles
qui, en suivant des formations de « prompt engineering », ont
l’impression de reprendre un peu de contrôle sur leur vie et d’acquérir
un peu de pouvoir sur la réalité. C’est l’essence de toutes les
arnaques : prétendre aux personnes en situation de faiblesse
intellectuelle qu’ils vont miraculeusement retrouver du pouvoir.
Small patata fait le lien avec les surréalistes qui tentèrent de lutter
artistiquement contre le fascisme et voit dans le surréalisme une
manière beaucoup plus efficace de lutter contre les générateurs de
conneries.
Il faut dire que face à un générateur mondial de conneries, fasciste,
centralisé, ultra capitaliste et bénéficiant d’une adulation religieuse,
je ne vois pas d’autre échappatoire que le surréalisme.
Brandissons ce qui nous reste d’humanité ! Aux âmes citoyens !
> Image reprise du gemlog de small patatas: Le triomphe du surréalisme,
Max Ernst (1937)
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LE SUCCÈS EXISTE-T-IL ?
by Ploum on 2025-02-18
https://ploum.net/2025-02-18-le-succes.html
La notion de succès d’un blog
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Un blogueur que j’aime beaucoup, Gee, revient sur ses 10 ans de
blogging. Cela me fascine de voir l’envers du décor des autres
créateurs. Gee pense avoir fait l’erreur de ne pas profiter de la vague
d’enthousiasme qu’à connu son Geektionnerd et de ne pas en avoir profité
pour faire plus de promo.
[GB10ans] 0. Auteur en burnout (grisebouille.net)
https://grisebouille.net/gb10ans-0-auteur-en-burnout/
Je ne suis pas d’accord avec Gee : il a très bien fait de continuer sa
vie sans se préoccuper du succès. Les vagues d’enthousiasme vont et
viennent, elles sont très brèves. Le public passe très vite à autre
chose. Partir en quête du buzz permanent est la recette absolue pour se
perdre. C’est un métier à part entière : le marketing. Trop d’artistes
et de créateurs se sont détournés vers le marketing, espérant obtenir
une fraction du succès obtenu par des gens sans talents autre que le
marketing.
Mais vous oubliez que la perception du succès elle-même fait partie du
plan marketing. Vous pensez qu’un tel a du succès ? Vous n’en savez
rien. Vous ne savez même pas définir « succès ». C’est une intuition
confuse. Faire croire qu’on a du succès fait partie du mensonge !
Pour beaucoup de gens de mon entourage éloigné, je suis soudainement
devenu un écrivain à succès parce que… je suis passé à la télé à une
heure de grande écoute. Pour ces gens-là qui me connaissent, je suis
passé de « type qui écrit de vagues livres dont personne n’a entendu
parler » à « véritable écrivain connu qui passe à la télé ». Pour ceux,
et ils sont nombreux, qui ont délégué à la télévision le pouvoir
d’ordonner les individus au rang de « célébrité », j’ai du succès. Pour
eux, je ne peux rien rêver de plus si ce n’est, peut-être, passer
régulièrement à la télé et devenir une « vedette ».
Dans ma vie quotidienne et aux yeux de toutes les (trop rares) personnes
qui n’idolâtre pas inconsciemment la télévision, ces passages à la télé
n’ont strictement rien changé. J’ai certainement vendu quelques
centaines de livres en plus. Mais ai-je du « succès » pour autant ?
Il y a quelques mois, j’étais invité comme expert pour le tournage d’une
émission télé sur l’importance de protéger ses données personnelles en
ligne. Lors d’une pause, j’ai demandé au présentateur ce qu’il faisait
d’autre dans la vie. Il m’a regardé, étonné, et m’a répondu : « Je
présente le JT ». Ça ne devait plus lui arriver très souvent de ne pas
être reconnu. La moitié de la Belgique doit savoir qui il est. Nous
avons rigolé et j’ai expliqué que je n’avais pas la télévision.
Question : cette personne a-t-elle du « succès » ?
Le succès est éphémère
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À 12 ans, en vacances avec mes parents, je trouve un livre abandonné sur
une table de la réception de l’hôtel. « Tantzor » de Paul-Loup Sulitzer.
Je le dévore et je ne suis visiblement pas le seul. Paul-Loup Sulitzer
est l’écrivain à la mode du moment. Selon Wikipédia, il a vendu près de
40 millions de livres dans 40 langues, dont son roman le plus connu :
« Money ». Il vit alors une vie de milliardaire flamboyant.
Trente ans plus tard, ruiné, il publie la suite de Money: « Money 2 ».
Il s’en écoulera moins de 1.300 exemplaires. Adoré, adulé, moqué,
parodié des centaines de fois, Sulitzer est tout simplement tombé dans
l’oubli le plus total.
Si le « succès » reste une notion floue et abstraite, une chose est
certaine : il doit s’entretenir en permanence. Il n’est jamais
véritablement acquis. Si on peut encore comprendre la notion de « faire
fortune » comme « avoir plus d’argent que l’on ne peut en dépenser » (et
donc ne plus avoir besoin d’en gagner), le succès lui ne se mesure pas.
Il ne se gère pas de manière rationnelle.
Quels indicateurs ?
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Dans son billet, Gee s’étonne également d’avoir reçu beaucoup moins de
propositions pour le concours des 5 ans du blog que pour celui du
premier anniversaire. Malgré une audience supposée supérieure.
De nouveau, le succès est une affaire de perception. Quel succès
voulons-nous ? Des interactions intéressantes ? Des interactions
nombreuses (ce qui est contradictoire avec la précédente) ? Des ventes ?
Du chiffre d’affaires ? Des chiffres sur un compteur de visite comme les
sites web du siècle précédent ?
Il n’y a pas une définition de succès. En fait, je ne connais personne,
moi le premier, qui soit satisfait de son succès. Nous sommes, par
essence humaine, éternellement insatisfaits. Nous sommes jaloux de ce
que nous croyons voir chez d’autres (« Il passe à la télé ! ») et déçus
de nos propres réussites (« Je suis passé à la télé, mais en fait, ça
n’a rien changé à ma vie »).
Écrire dans le vide
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C’est peut-être pour cela que j’aime tant le réseau Gemini. C’est le
réseau anti-succès par essence. En publiant sur Gemini, on a réellement
l’impression que personne ne va nous lire, ce qui est donne une réelle
liberté.
Certains de mes posts de blog font le buzz sur le web. Je n’ai pas de
statistiques, mais je vois qu’ils tournent sur Mastodon, qu’ils font la
première page sur Hacker News. Mais si je n’allais pas sur Hacker News
ni sur Mastodon, je ne le saurais pas. J’aurais tout autant l’impression
d’ếcrire dans le vide que sur Gemini.
À l’opposé, certains de mes billets ne semblent pas attirer les "likes",
"partages", "votes" et autres "commentaires". Pourtant, je reçois de
nombreux emails à leur sujet. De gens qui veulent creuser le sujet,
réfléchir avec moi. Ou me remercier pour cette réflexion. C’est
particulièrement le cas avec le réseau Gemini qui semble attirer des
personnes qui sont dans l’échange direct. Moi-même il m’arrive souvent
de dégainer mon client mail pour répondre spontanément à un billet
personnel lu sur Gemini. La réaction la plus fréquente à ces messages
est : « Wow, je ne pensais pas que quelqu’un me lisait ! ».
Je vous pose la question : quel type de billet a, selon vous, le plus de
« succès » ?
Est-ce que la notion de succès a réellement un sens ? Peut-on avoir
assez de succès ?
Pour donner un peu de succès financier à Gee
https://ptilouk.net/#soutien
Sortilèges & Sindycats, le roman de Gee qui mériterait plus de succès !
https://pvh-editions.com/product/sortileges-and-syndicats-une-fantastique-l…
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11 Feb '25
À LA RECHERCHE DE LA DÉCONNEXION PARFAITE
by Ploum on 2025-02-11
https://ploum.net/2025-02-11-deconnexion_parfaite.html
Une rétrospective de ma quête de concentration
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Une première déconnexion
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À la fin de l’année 2018, épuisé par la promotion de la compagne Ulule
de mon livre « Les aventures d’Aristide, le lapin cosmonaute » et
prenant conscience de mon addiction aux réseaux sociaux, je décide de me
« déconnecter ».
Un bien grand mot pour m’interdire pendant 3 mois l’utilisation des
réseaux sociaux et des sites d’actualité.
En partance pour ma déconnexion… (ploum.net)
https://ploum.net/en-partance-pour-ma-deconnexion/index.html
Je suis déconnecté ! (ploum.net)
https://ploum.net/je-suis-deconnecte/index.html
Le premier effet va se faire sentir très vite avec la désinstallation de
l’app que j’utilise le plus à l’époque : Pocket.
Le jour où j’ai désinstallé mon app préférée ! (ploum.net)
https://ploum.net/le-jour-ou-jai-desinstalle-mon-app-preferee/index.html
L’expérience est avant tout une prise de conscience. Je découvre que,
dès que je m’ennuie, j’ouvre machinalement un navigateur web sans même y
réfléchir. C’est littéralement un réflexe.
1 mois de déconnexion, premier bilan (ploum.net)
https://ploum.net/1-mois-de-deconnexion-premier-bilan/index.html
Je commence à percevoir la différence entre l’information et le
« bruit ». L’hyperconnexion est, comme le tabac, une assuétude et une
pollution. Une notion qui deviendra essentielle dans ma réflexion.
Le silence au milieu du bruit (ploum.net)
https://ploum.net/le-silence-au-milieu-du-bruit/index.html
L’humeur d’un déconnecté (ploum.net)
https://ploum.net/lhumeur-dun-deconnecte/index.html
Si je tente de subir moins de bruit, mon épouse me fait remarquer que je
tente toujours d’en générer en postant sur des réseaux que je ne lis
plus. Je suis incohérent.
De la pollution mentale et de la quête d’égo (ploum.net)
https://ploum.net/de-la-pollution-mentale-et-de-la-quete-dego/index.html
Comme souvent dans ce genre d’expérience, on en sort sans aucune envie
de se « reconnecter ». Mais je vais, bien entendu, très vite reprendre
mes anciennes habitudes.
3 mois de déconnexion : bilan final (ploum.net)
https://ploum.net/3-mois-de-deconnexion-bilan-final/index.html
Le problème de l’hyperconnexion est désormais clair dans ma tête. Je
suis addict et cette addiction m’est néfaste à tous les points de vue.
Sous les réseaux sociaux, un monde post-déconnexion (ploum.net)
https://ploum.net/sous-les-reseaux-sociaux-un-monde-post-deconnexion/index.…
La période technosolutionniste
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Face à la réalisation de l’ampleur du problème, mon premier réflexe est
de trouver une solution technique, technologique. Beaucoup de personnes
sont dans le même cas et, si cette étape est loin de suffire, elle est
indispensable : faire du tri dans les outils numériques que nous
utilisons. Je me rends compte que l’univers Apple, que je fréquente à
l’époque, ayant reçu un MacBook de mon employeur, est à la fois
contraire à mes valeurs et complètement incompatible avec une forme de
sobriété numérique, car poussant à la consommation. Cette dichotomie
entre ma philosophie et mon vécu entraine une tension que je tente
d’évacuer par la surconnexion. Il est temps pour moi de revenir
entièrement sous Linux.
À la poursuite du minimalisme numérique (ploum.net)
https://ploum.net/a-la-poursuite-du-minimalisme-numerique/index.html
Linux et minimalisme numérique (ploum.net)
https://ploum.net/linux-et-minimalisme-numerique/index.html
J’achète également un téléphone qui est tellement merdique et bugué que
je n’ai jamais envie de l’utiliser (non, ne l’achetez pas).
Se passer d’écran avec un téléphone e-ink (ploum.net)
https://ploum.net/se-passer-decran-avec-un-telephone-e-ink/index.html
Concrètement, cette première déconnexion a également été l’opportunité
de terminer mon feuilleton « Printeurs » ainsi que d’écrire quelques
nouvelles. Celui-ci intéresse un éditeur et je publie mon premier roman
en 2020.
Printeurs, le premier roman imprimé en 3D (ploum.net)
https://ploum.net/printeurs-le-premier-roman-imprime-en-3d/index.html
Une autre action concrète que j’entreprends est de supprimer au maximum
de comptes en ligne. Je ne le sais pas encore, mais je vais en découvrir
et en supprimer près de 500 et cela va me prendre près de trois ans.
Pour la plupart, j’ai oublié qu’ils existent, mais pour certains,
l’étape est significative.
Je ne suis plus à vendre sur Linkedin (ploum.net)
https://ploum.net/je-ne-suis-plus-a-vendre-sur-linkedin/index.html
En parallèle, je découvre le protocole minimaliste Gemini. Suite à
l’utilisation de ce protocole, une idée commence à me trotter dans la
tête : travailler complètement déconnecté. J’ai en effet découvert que
bloquer certains sites n’est pas suffisant : je trouve automatiquement
des alternatives sur lesquelles procrastiner, alternatives qui sont même
parfois moins intéressantes. J’ai donc envie d’explorer une déconnexion
totale. Je commence à rédiger mon journal personnel à la machine à
écrire.
Gemini, le protocole du slow web (ploum.net)
https://ploum.net/gemini-le-protocole-du-slow-web/index.html
The Offline-First Quest (ploum.net)
https://ploum.net/2021-01-10.html
Offline-First, Typewriters, Emails and Gemini (ploum.net)
https://ploum.net/2021-01-12.html
Looking for offline-first tools (ploum.net)
https://ploum.net/2021-09-24.html
Seconde déconnexion : une tentative d’année déconnectée
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Le 1er janvier 2022, trois ans après la fin de ma première déconnexion,
je me lance dans une tentative d’année complètement déconnectée. L’idée
est de n’utiliser mon ordinateur que déconnecté dans mon bureau, de le
synchroniser une fois par jour. Le tout est rendu possible par un
logiciel que j’ai développé dans les derniers mois de 2021 : Offpunk.
Offpunk, an offline-first browser
https://offpunk.net
Évidemment, la connexion est nécessaire pour certaines actions que je me
propose de chronométrer et d’enregistrer. J’écris, en direct, le compte-
rendu de cette déconnexion et, contre toute attente, ces écrits semblent
passionner les lecteurs.
1er janvier 2022, quelques minutes après minuit (ploum.net)
https://ploum.net/1er-janvier-2022-quelques-minutes-apres-minuit/index.html
3 janvier 2022, qu’est-ce qu’une déconnexion ? (ploum.net)
https://ploum.net/3-janvier-2022-quest-ce-quune-deconnexion/index.html
Chapitre 3 : Le manque (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-3-le-manque/index.html
Chapitre 4 : les messageries instantanées (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-4-les-messageries-instantanees/index.html
Chapitre 5 : le plaisir coupable de l’exploration (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-5-le-plaisir-coupable-de-lexploration/index.html
Chapitre 6 : la machine à cliquer se rebelle contre le superorganisme
(ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-6-la-machine-a-cliquer-se-rebelle-contre-le-supe…
Chapitre 7 : l’hystérie médiatique (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-7-lhysterie-mediatique/index.html
Chapitre 8 : l’artiste déconnecté (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-8-lartiste-deconnecte/index.html
Mieux préparée et beaucoup plus ambitieuse (trop ?), cette déconnexion
est finalement un échec après moins de 6 mois.
Chapitre 9 : l’échec (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-9-lechec/index.html
La leçon est dure : il n’est quasiment pas possible de se déconnecter de
manière structurelle dans la société actuelle. Nous sommes tout le temps
sollicités pour accomplir des actions en ligne, actions qui nécessitent
du temps, mais pas toujours de la concentration. Tout est désormais
optimisé pour que nous soyons en ligne.
Ma déconnexion est un échec. Le livre de cette déconnexion est inachevé.
Un autre manuscrit sur lequel je travaille durant cette déconnexion est
dans un état inutilisable. Cependant, j’ai profité de ce temps pour
écrire quelques nouvelles et finaliser mon recueil « Stagiaire au
spatioport Omega 3000 et autres joyeusetés que nous réserve le futur ».
…et autres joyeusetés que nous réserve le futur (ploum.net)
https://ploum.net/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html
Conséquence directe de cette déconnexion, mon compte Whatsapp disparait.
Mon compte Twitter suit bientôt également.
Le suicide de mon compte WhatsApp (ploum.net)
https://ploum.net/le-suicide-de-mon-compte-whatsapp/index.html
Chapitre 10 : la suppression des comptes en ligne (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-10-la-suppression-des-comptes-en-ligne/index.html
Pourquoi j’ai supprimé mon compte Twitter (et pourquoi vous pouvez
probablement en faire autant sans hésiter) (ploum.net)
https://ploum.net/2023-10-29-le-droit-de-supprimer-twitter.html
J’ai également pris conscience que mon blog Wordpress n’est plus du tout
en phase avec ma philosophie. En parallèle de mon travail sur Offpunk,
je réécris complètement mon blog pour en faire un outil « offline ».
La fin d’un blog et la dernière version de ploum.net (ploum.net)
https://ploum.net/2022-12-04-fin-du-blog-et-derniere-version.html
Le second retour à la normalité
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Début 2023, je m’isole pour commencer l’écriture de Bikepunk qui
paraitra en 2024. J’alterne entre les périodes de déconnexion totale et
des périodes d’hyperconnexion.
Bikepunk, les chroniques du flash
https://bikepunk.fr
Le seul réseau social où j’ai gardé un compte, Mastodon, commence à
attirer l’attention. J’y suis très présent et, philosophiquement, je ne
peux que soutenir et encourager toutes les personnes cherchant à quitter
X et Meta. Je retombe dans l’hyperconnexion. Une hyperconnexion éthique,
mais une hyperconnexion tout de même.
Pendant deux ans, j’utilise l’extension Firefox LeechBlock qui permet de
n’autoriser qu’un temps limité par jour sur certains sites web. Cela
fonctionne pas trop mal pendant un temps jusqu’au moment où j’acquiers
le réflexe de désactiver le plugin sans même y penser.
Comme tous les trois ans, il est temps pour moi de lancer un nouveau
cycle et de m’interroger sur mes usages.
Un de mes apprentissages principaux est que toute modification de mon
comportement mental doit s’accompagner chez moi par une modification
physique. Mon esprit suit les réflexes de mon corps. Je tape encore
parfois machinalement dans la barre d’adresse Firefox les premières
lettres de sites procrastinatoires sur lesquels je n’ai plus été depuis
dix ans !
Le second apprentissage est que la radicalité implique une rechute plus
forte. La connexion est nécessaire tous les jours, de manière
imprévisible. Je ne souhaite pas m’isoler, mais concevoir une manière de
fonctionner durable. Créer de nouveaux réflexes.
Une troisième déconnexion
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Pour ma « déconnexion 2025 », j’ai donc pris une grande décision : j’ai
acheté un fauteuil pour remplacer ma chaise de bureau. Pendant toutes
mes études et mes premières années professionnelles, je n’avais que des
chaises de récupération. Au printemps 2008, disposant d’un salaire
stable et d’un appartement, j’achète une chaise de bureau neuve : le
premier prix de chez Ikea. Cette chaise, rafistolée avec des coussins
défoncés dont mes beaux-parents ne voulaient plus, était encore celle
que j’utilisais jusqu’il y a quelques jours. Ce nouveau fauteuil est
donc un très grand changement pour moi.
Et je me suis promis de ne l’utiliser qu’en étant déconnecté.
Pour ce faire, je désactive le wifi dans le Bios de mon ordinateur. J’ai
également organisé un « bureau debout » dans un coin de la pièce, bureau
debout où arrive un câble RJ-45. Si je veux me connecter, je dois donc
physiquement me lever et brancher un câble. Tout ce que je dois faire en
ligne s’effectue désormais en étant debout. Lorsque je suis assis (ou
vautré, pour être plus exact), je suis déconnecté.
J’ai également pris d’autres petites mesures. En premier lieu, mes todos
ne sont plus stockés sur mon ordinateur, mais sur des fiches sur un
tableau de liège. Un comble pour qui se rappelle que j’ai passé
plusieurs années à développer le logiciel « Getting Things GNOME ».
Je revois aussi la gestion de mon email. J’adore recevoir des emails et
de mes lecteurs et j’ai beaucoup de mal à ne pas y répondre. Puis à
répondre à la réponse de ma réponse. Avec le succès de Bikepunk, mon
courrier s’est étoffé et je me retrouve parfois à la fin de la journée
en réalisant que j’ai… « répondu à mes emails ». Des discussions certes
enrichissantes, mais chronophages. Dans bien des cas, je répète dans
plusieurs mails ce qui pourrait être un billet de blog. Considérez que
j’ai lu votre mail, mais que ma réponse alimentera mes prochains billets
de blogs. Certains billets futurs traiteront de thèmes que je n’aborde
pas d’habitude, mais pour lesquels je reçois énormément de questions.
Sur Mastodon, que je ne consulte plus que debout, j’ai pris la décision
de mettre tous les comptes que je suis dans une liste, liste que j’ai
configurée pour qu’elle ne s’affiche pas dans ma timeline. Quand je
consulte Mastodon, je ne vois donc que mes posts à moi et je dois
accomplir une action en plus si je veux voir ce qui se dit (ce que je ne
fais plus tous les jours). Comme avant, les notifications sont
régulièrement « vidées ».
Si vous voulez suivre ce blog, privilégiez le flux RSS ou bien mes deux
newsletters:
Newsletter avec mes billets francophones
https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/
Newsletter avec mes billets en anglais
https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/
À la recherche de l’ennui.
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Déconnexion est un bien grand mot pour simplement dire que je ne serai
plus connecté 100% du temps. Mais telle est l’époque où nous vivons. Cal
Newport parle de l’incroyable productivité de l’écrivain Brandon
Sanderson qui a créé une entreprise de 70 personnes uniquement dédiée à
une seule activité : le laisser écrire le plus possible !
Let Brandon Cook (calnewport.com)
https://calnewport.com/let-brandon-cook/
Si l’exemple est extrême, Cal s’étonne de ce qu’on ne voit pas plus de
structures qui cherchent à favoriser la concentration et la créativité.
Dans un âge où l’hyperdistraction permanente est la norme, il est
nécessaire de se battre et de développer les outils pour se concentrer.
Et s’ennuyer. Surtout s’ennuyer. Car pour réfléchir et créer, l’ennui
est primordial.
D’ailleurs, si je ne m’étais pas ennuyé, je n’aurais jamais écrit ce
billet ! Nous dresserons le bilan dans 3 ans pour ma quatrième
déconnexion…
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De la décadence technologique et des luddites technophiles
by Ploum.net (billets en français uniquement) 06 Feb '25
by Ploum.net (billets en français uniquement) 06 Feb '25
06 Feb '25
DE LA DÉCADENCE TECHNOLOGIQUE ET DES LUDDITES TECHNOPHILES
by Ploum on 2025-02-06
https://ploum.net/2025-02-06-decadence-technologique.html
La valeur de texte brut
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Thierry s’essaie à publier son blog sur le réseau Gemini, mais a du mal
avec le format minimaliste. Qui est justement pour moi la meilleure
partie du protocole Gemini.
La low-tech peut-elle coexister avec la high-tech ? (tcrouzet.com)
https://tcrouzet.com/2025/01/29/low-tech/
Le format Gemini impose, comme dans un livre, du texte pur. Il est
possible d’ajouter un titre, des sous-titres, des liens, des citations,
mais avec une particularité importante : cela doit concerner toute la
ligne, pas une simple partie de texte. Les liens doivent donc être sur
leur propre ligne plutôt que de se perdre et foisonner dans le texte.
Comme ils interrompent la lecture entre deux paragraphes, ils doivent
être explicités et justifiés plutôt que d’être cachés au petit bonheur
du clic.
Il est également impossible de mettre de l’italique ou du gras dans son
texte. Ce qui est une excellente chose. Comme le rappelle Neal
Stephenson dans son « In the beginning was the command line », les
mélanges gras/italiques aléatoires n’ont rien à faire dans un texte.
Prenez un livre et tentez de trouver du texte en gras dans le corps du
texte. Il n’y en a pas et pour une bonne raison : cela ne veut rien
dire, cela perturbe la lecture. Mais lorsque Microsoft Word est apparu,
il a rendu plus facile de mettre en gras que de faire des titres
corrects. Tout comme le clavier azerty a soudainement fait croire qu’il
ne fallait pas mettre d’accent sur les majuscules, l’outil technologique
a appauvri notre rapport au texte.
Car le besoin d’attirer l’attention au milieu d’un texte est un aveu
d’insécurité de l’auteur. Le texte doit exister par lui-même. C’est au
lecteur de choisir ce qu’il veut mettre en avant en surlignant, pas à
l’auteur. Orner un texte d’artifices inutiles pour tenter de combler les
vides porte un nom : la décadence.
Le gras, le word art, le Comic San MS, les powerpoints envoyés par mail,
tous sont des textes décadents qui tentent de camoufler la vacuité ou
l’inanité du contenu.
La décadence inexorable de la tech
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Le texte n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Thierry se pose également beaucoup de questions sur les notions low-tech
et high-tech, notamment dans le médical. Mais le terme « low-tech » est
selon moi trompeur. Je suis un luddite technophile. Contrairement à ce
que la légende prétend, les luddites n’étaient pas du tout opposés à la
technologie. Ils étaient opposés à la propriété technologique par la
classe bourgeoise, ce qui transformait les artisans spécialisés en
interchangeables esclaves des machines. Les luddites n’ont pas tenté de
détruire des métiers à tisser technologiques, mais des machines que
leurs patrons utilisaient pour les exploiter.
Le retour de la vengeance des luddites technophiles (ploum.net)
https://ploum.net/2024-08-26-luddites-technophiles.html
De la même manière, je ne suis pas opposé aux réseaux sociaux
centralisés ni aux chatbots parce que c’est « high tech », mais parce
que ce sont des technologies qui sont activement utilisées pour nous
appauvrir, tant intellectuellement que financièrement. C’est même leur
seul objectif avoué.
Que l’IA soit utilisée pour détecter plus précocement des cancers, je
trouve l’idée formidable. Mais je sais également qu’elle est impossible
dans le contexte actuel. Pas d’un point de vue technique. Mais parce
que, bien utilisée, elle coûtera plus cher que pas d’IA du tout. En
effet, l’IA peut aider en détectant des cancers que le médecin a ratés.
Il faut donc un double diagnostic, tant du médecin que de l’IA et se
poser des questions lorsque les deux sont en désaccord. Il faut payer le
coût de l’IA en plus du surplus du travail du médecin, car il devra
faire plus d’heures vu qu’il devra revoir les diagnostics « divergents »
pour trouver son erreur ou celle de l’IA. L’IA est un outil qui peut
être utile si on accepte qu’il coûte beaucoup plus cher.
Ça, c’est la théorie.
En pratique, une telle technologie est vendue sous prétexte de « faire
des économies ». Elle va forcément induire un relâchement attentionnel
des médecins et, pour justifier les coûts, une diminution du temps
consacré à chaque diagnostic humain. Perdant de l’expérience et de
l’habitude, le diagnostic des médecins va devenir de moins en moins sûr
et, par effet ricochet, les nouveaux médecins vont être de moins en
moins bien formés. Les cancers indétectés par l’IA ne le seront plus par
les humains. L’IA étant entrainée sur les diagnostics réalisés par des
humains, elle va également devenir de moins en moins compétente et
s’autovalider. Au final, nul besoin d’être grand clerc pour voir que si
la technologie est intéressante, son utilisation dans notre contexte
socio-économique ne peut que se révéler catastrophique et n’est
intéressante que pour les vendeurs d’IA.
Le mensonge high tech
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Les partisans du « low tech » ont l’intuition que la « high tech »
cherche à les exploiter. Ils ont raison sur le fond, pas sur la cause.
Ce n’est pas la technologie le nœud du problème, mais sa décadence.
La course à la technologie est une bulle bâtie sur un mensonge. L’idée
n’est pas de construire quelque chose de durable, mais de faire croire
qu’on va le construire pour attirer des investisseurs. Les entreprises
du NASDAQ sont devenues une énorme pyramide de Ponzi. Elles tentent de
se soutenir l’une l’autre à coup de millions, mais perdent toutes
énormément d’argent, ce qu’elles arrivent à cacher grâce au cours de la
bourse.
Godot Isn't Making it (www.wheresyoured.at)
https://www.wheresyoured.at/godot-isnt-making-it/
D’ailleurs, des recherches sérieuses confirment mon intuition : au plus
on comprend ce qu’il y a derrière « l’intelligence artificielle », au
moins on en veut. L’IA est littéralement un piège à ignorants. Et les
producteurs l’ont très bien compris : ils ne veulent pas que l’on
comprenne ce qu’ils font.
Knowing less about AI makes people more open to having it in their lives
- new research (theconversation.com)
https://theconversation.com/knowing-less-about-ai-makes-people-more-open-to…
Ed Zitron continue sur sa lancée avec l’inattendue arrivée de DeepSeek,
le ChatGPT chinois qui est simplement 30 fois moins cher. À la question
« Pourquoi OpenAI et les autres n’ont pas réussi à faire moins cher »,
il propose la réponse rétrospectivement évidente : « Parce que ces
entreprises n’avaient aucun intérêt à faire moins cher. Au plus elles
perdent de l’argent, au plus elles justifient que ce qu’elles font est
cher, au plus elles attirent les investisseurs et effraient de
potentiels compétiteurs ». En bref : parce qu’elles sont complètement
décadentes !
Deep Impact (www.wheresyoured.at)
https://www.wheresyoured.at/deep-impact/
Cory Doctorow parle souvent de merdification, je propose plutôt de
parler de « décadence technologique ». Nous produisons la technologie la
plus chère, la plus complexe et la moins écologique possible par simple
réflexe. Comme pour les orgies romaines, la complexité et le coût ne
sont plus des obstacles, mais les objectifs premiers que nous cherchons
à atteindre.
Ceci explique aussi pourquoi la technologie se retourne complètement
contre ses utilisateurs. Dernièrement, une dame d’un certain âge voulait
me montrer sur son téléphone un post vu sur son compte Facebook. La
moitié de son gigantesque écran de téléphone était littéralement une
publicité fixe pour une voiture. Dans la seconde moitié de l’écran, la
dame scrollait et alternait entre d’autres pubs pour des voitures et ce
qui était probablement du contenu. Son téléphone était doté d’un écran
gigantesque, mais seule une fraction de celui-ci était au service de
l’utilisateur. Et encore, pas complètement.
La bagnole est en soi le parfait exemple de décadence : d’outil, elle
est devenue un symbole qui doit être le plus gros, le plus lourd, le
plus voyant possible. Ce qui entraine une complexité infernale tant en
termes d’espace public que d’espace privé. Les maisons des dernières
décennies sont, pour la plupart, bâties comme des pièces autour d’un
garage. Les villes comme des bâtiments autour de nœuds routiers. La
voiture est devenue le véritable citoyen des villes, les humains n’en
sont que les servants. Le Web suit la même trajectoire avec les robots
remplaçant les voitures.
La frénésie envers l’intelligence artificielle est l’archétype de cette
décadence. Car si les nouveaux outils ont clairement une utilité et
peuvent clairement aider dans certains contextes, nous sommes dans une
situation inverse : trouver un problème auquel appliquer l’outil .
Retour au concept d’utilité
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C’est également la raison pour laquelle Gemini me passionne tellement.
C’est l’outil le plus direct pour transmettre le texte de mon cerveau à
celui d’un lecteur. En ouvrant la porte au gras, à l’italique puis aux
images et au JavaScript, le Web est devenu une jungle décadente. Les
auteurs y publient puis, sans se soucier d’être lus, consultent
avidement les statistiques de clics et de likes. Le texte est de plus en
plus optimisé pour ces statistiques. Avant d’être automatisés par des
robots, robots qui pour s’entrainer vont consulter les textes en ligne
et générer automatiquement des clics.
La boucle de la décadence technologique est bouclée : les contenus sont
lus et générés par les mêmes machines. Les bourgeois capitalistes
propriétaires ont réussi à automatiser totalement tant leurs ouvriers
(les créateurs de contenus) que leurs clients (ceux qui font du clic).
Je ne veux pas servir les propriétaires de plateforme. Je ne veux pas
consommer ce fade et inhumain contenu automatisé. Je tente de comprendre
les conséquences de mes usages technologiques pour en tirer le maximum
d’utilité avec le moins de conséquences négatives possible.
Face à la décadence technologique, je suis devenu un luddite
technophile.
Photo by Anne Fehres and Luke Conroy & AI4Media CC-BY 4.0
https://betterimagesofai.org/images?artist=AnneFehresandLukeConroy&title=Hu…
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