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18 Sep '25
DE LA MYSTIFICATION DE LA GRANDE IDÉE
by Ploum on 2025-09-18
https://ploum.net/2025-09-18-idees-mystifiees.html
et de la négation de l’expérience
=================================
Festival Hypermondes à Mérignac
===============================
Je dédicacerai ce samedi 20 et dimanche 21 septembre à Mérignac, dans le
cadre du festival Hypermondes. Je participe également à une table ronde
le dimanche. Et pour tout vous dire, j’ai sacrément le trac, car je
serai entouré de noms qui peuplent ma bibliothèque et dont j’ai lu et
relu les livres : Pierre Bordage, J.C. Dunyach, Pierre Raufast,
Catherine Dufour, Laurent Genefort… Sans oublier Shuiten et Peeters, qui
ont marqué mon adolescence et surtout, mon idole, le plus grand
scénariste BD de ce siècle, Alain Ayrolles (parce que pour le siècle
précédent, c’est Gosciny).
Les Hypermondes (hypermondes.fr)
https://hypermondes.fr/
Bref, je me sens tout petit au milieu de ces géants alors n’hésitez pas
à venir me faire un coucou pour que je me sente moins seul sur le
stand !
Festival Hypermondes - Mérignac - Mobilizon (mobilizon.fr)
https://mobilizon.fr/events/b2677c80-1693-4473-be22-f3a0f3ca67a6
La mythologie de l’idée
=======================
Dans le film « Glass Onion » (Rian Johnson, 2022), un milliardaire de la
Tech, parodie de ZuckerMusk, invite des amis sur son île privée pour une
sorte de cluedo géant. Qui dégénère évidemment lorsqu’un véritable crime
est commis.
Ce que j’ai beaucoup aimé dans ce film, c’est l’insistance sur un point
trop souvent oublié : ce n’est pas parce qu’on est riche et/ou célèbre
qu’on est intelligent. Et ce n’est pas parce qu’on arrive à faire croire
au public qu’on est surintelligent, au point de le croire soi-même,
qu’on l’est réellement.
Bref, c’est une belle remise à leur place du monde des milliardaires,
des influenceurs, starlettes et tout ce qui gravite autour.
Néanmoins, un point particulier m’a chagriné : toute une partie de
l’intrigue repose sur savoir qui a eu le premier l’idée de la startup
qui fera le succès du milliardaire, idée qui est littéralement
griffonnée sur une serviette en papier.
C’est très amusant dans le film, mais comme je l’ai déjà dit : une idée
seule ne vaut rien !
Votre idée ne vaut rien (ploum.net)
https://ploum.net/votre-idee-ne-vaut-rien/index.html
L’idée n’est que l’étincelle initiale d’un projet, mais le résultat
final sera impacté par les milliers de décisions et d’adaptations prises
en cours de route.
Le rôle de l’architecte
=======================
Si vous n’avez jamais fait construire de maison, vous pensez peut-être
que vous décrivez la maison de vos rêves à un architecte. Celui-ci vous
propose un plan. Vous validez, les ingénieurs et les ouvriers s’emparent
du plan et la maison se construit.
Sauf qu’en réalité, vous êtes incapable de décrire la maison de vos
rêves. Vos intuitions sont toutes contradictoires. Ce que j’appelle le
syndrome de « la maison de plain-pied sur deux étages ». Et quand bien
même vous avez réfléchi en profondeur, l’architecte va pointer tout un
tas de problèmes pratiques avec vos idées. De choses auxquelles vous
n’avez pas pensé. C’est très joli toutes ces vitres, mais comment allez-
vous les entretenir ?
Il va falloir faire des compromis, prendre des décisions. Et une fois le
plan validé, les décisions continueront sur le chantier. À cause des
imprévus ou des milliers de petits problèmes qui n’apparaissaient pas
sur le plan. Voulez-vous vraiment un évier à cet endroit vu que la porte
s’ouvre dessus ?
Au final, la maison de vos rêves sera très différente de ce que vous
avez imaginé. Pendant des années, vous lui trouverez des défauts. Mais
ces défauts sont des compromis que vous avez expressément choisis.
L’idée d’un roman
=================
En tant qu’écrivain, il m’arrive régulièrement de me voir poser la
question : « D’où te viennent toutes ces idées ? »
Comme si avoir l’idée était un problème. Des idées, j’en ai des
centaines dans mes tiroirs. Le travail n’est pas d’avoir l’idée, c’est
de faire le plan puis de transformer ce plan en construction.
J’ai plusieurs fois reçu des propositions de type : « J’ai une super
idée pour un roman, je te la partage, tu écris et on fais 50/50 ».
Vous imaginez un instant arriver chez un architecte avec un truc
griffonné et dire : « J’ai une super idée pour une maison, je vous la
montre, vous la construisez, vous trouvez un entrepreneur et on
partage » ?
Contrairement à Printeurs, que j’ai rédigé sans scénario préalable, j’ai
écrit Bikepunk avec une véritable structure. Je suis parti d’une idée
initiale. J’ai brainstormé avec Thierry Crouzet (nos échanges ont fait
naître le fameux flash de l’histoire). Puis j’ai creusé les personnages.
J’ai écrit une nouvelle dans cet univers (créant le personnage de Dale),
j’ai ensuite travaillé la structure pendant un mois avec un tableau de
liège sur lequel je punaisais des fiches. Enfin, je me suis mis à
l’écriture. Bien des fois, je me suis retrouvé confronté à des
incohérences, j’ai dû prendre des décisions.
Le résultat final ne ressemble en rien à ce que j’imaginais. Certaines
scènes clé de mon synopsis se sont révélées, à la relecture de simples
transitions. Des improvisations de dernières minutes semblent, au
contraire, avoir marqué toute une frange de lecteurices.
Bikepunk, le livre
https://bikepunk.fr/
Le code n’est qu’une série de décisions
=======================================
Une idée n’est qu’une étincelle qui peut potentiellement se propager, se
mélanger à d’autres. Mais, pour allumer un feu, la source initiale de
l’étincelle compte bien moins que le combustible.
L’invention qui a mit cela en exergue est certainement l’ordinateur. Car
un ordinateur est, par essence, une machine qui fait ce qu’on lui
demande.
Exactement ce qu’on lui demande. Ni plus ni moins.
L’humain a été confronté au fait qu’il est extrêmement compliqué de
savoir ce que l’on veut. Que c’est presque impossible de l’exprimer sans
ambiguïté. Que cela nécessite un langage dédié.
Un langage de programmation.
Et maitriser un langage de programmation demande un esprit tellement
analytique et rationnel qu’un métier s’est créé pour l’utiliser:
programmeur, codeuse, développeur. Le terme importe peu.
Mais, tout comme un architecte, une programmeuse doit en permanence
prendre des décisions qu’elle pense être les meilleures pour le projet.
Pour l’avenir. Ou bien elle identifie les paradoxes pour en discuter
avec le client. « Vous m’avez demandé une interface simple avec un seul
bouton tout en me spécifiant douze fonctionnalités qui doivent avoir un
accès direct avec un bouton dédié. On fait quoi ? » (cas vécu).
De la stupidité de croire en une IA productive
==============================================
Ce que je dis paraît peut-être évident, mais lorsque j’entends le nombre
de personnes qui parlent de « vibe programming », je me dis que beaucoup
trop de monde a été bercé avec le paradigme de « l’idée magique » comme
dans Onion Glass.
Les IAs sont perçues comme des machines magiques qui font ce que vous
voulez.
Sauf que, quand bien même elles seraient parfaites, vous ne savez pas ce
que vous voulez.
Les IA ne peuvent pas prendre correctement ces milliers de décisions.
Des algorithmes statistiques ne peuvent produire que des résultats
aléatoires. Vous ne pouvez pas juste émettre votre idée et voir le
résultat apparaître (ce qui est le fantasme des crétins-managers, cette
race d’idiots formés dans les écoles de management qui est persuadée que
les exécutants sont une charge dont il faudrait idéalement se passer).
La conjuration de la fierté ignorante (ploum.net)
https://ploum.net/2024-12-02-conjuration-fierte-ignorante.html
Le fantasme ultime est une machine « intuitive », qu’il ne faut pas
apprendre. Mais l’apprentissage n’est pas seulement technique.
L’expérience humaine est globale. Un architecte va penser aux problèmes
de la maison de vos rêves parce qu’il a déjà suivi vingt chantiers et eu
un aperçu des problèmes. Chaque nouveau livre d’un écrivain reflète son
expérience avec les précédents. Certaines décisions sont les mêmes,
d’autres, au contraire, sont différentes pour expérimenter.
Ne pas vouloir apprendre son outil, c’est la définition même de la
stupidité la plus crasse.
Penser qu’une IA pourrait remplacer un développeur, se montrer sa totale
incompétence quant au travail du développeur en question. Penser qu’une
IA peut écrire un livre ne peut provenir de gens qui ne lisent pas eux-
mêmes, qui ne voient que du papier imprimé.
Ce n’est pas que c’est techniquement impossible. D’ailleurs, beaucoup le
font parce que vendre du papier imprimé, ça peut être rentable avec le
bon marketing, peu importe ce qui est imprimé.
C’est juste que le résultat ne pourra jamais être satisfaisant. Tous les
compromis, les décisions seront le fruit d’un aléa statistique sur
lequel vous n’avez aucun contrôle. Les paradoxes ne seront pas résolus.
Bref, c’est et ce sera toujours de la merde.
Un business, c’est bien plus qu’une idée !
==========================================
Facebook n’était pas la première tentative de réseau social entre
étudiants. Amazon n’était pas le premier site de vente de livre en
ligne. Whatsapp était une application pour afficher sa disponibilité
pour un coup de fil à ses amis. Instagram servait à la base à partager
sa position. Microsoft n’avait jamais développé de système
d’exploitation lorsqu’ils ont vendu la licence DOS à IBM.
Bref, l’idée initiale ne vaut rien. Ce qui a fait le succès de ces
entreprises, ce sont les milliards de décisions prises à chaque instant,
les réajustements.
Prendre ces décisions est ce qui construit le succès, fût-il commercial,
artistique ou personnel. Croire qu’un ordinateur pourrait prendre ces
décisions à votre place c’est faire preuve non seulement de naïveté,
mais c’est également prouver totalement son incompétence dans le domaine
concerné.
Dans Onion Glass, ce point m’a particulièrement chagriné, car poussé à
l’absurde. Comme si une serviette avec trois traits de crayon pouvait
valoir des milliards.
Ce petit quelque chose en plus
==============================
Et si je me réjouis de fréquenter tant d’auteurs que j’admire à
Mérignac, ce n’est pas pour échanger des idées, mais m’imprégner de
leurs expériences, de leur personnalité qui leur fait construire des
œuvres que j’admire.
J’ai dû relire des dizaines et des dizaines de fois l’intégralité de
« De capes et de crocs », le chef d’œuvre de Masbou et Ayrolles.
À chaque relecture, je savoure chaque case. Je sens que les auteurs
s’amusent, se laissent porter, emporter par leurs personnages dans des
bifurcations a priori imprévues, improbables. Quelle IA aurait l’idée de
faire intervenir le caquètement d’un poulailler dans la complétion d’un
alexandrin ? Quel algorithme se pavanerait de la césure à l’hémistiche ?
L’humain et son expérience auront toujours quelque chose en plus,
quelque chose d’indéfinissable dont le mot m’échappe.
Ah si…
Quelque chose que, sans un pli, sans une tache, l’humain emporte malgré
lui…
Et c’est…
— C’est ?
Son panache !
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09 Sep '25
À LA RECHERCHE DE L’HUMANITÉ PERDUE…
by Ploum on 2025-09-09
https://ploum.net/2025-09-09-recherche_humanite_perdue.html
La mort ou le retour de la lucidité
===================================
Drmollytov est une bibliothécaire qui a été très gravement blessée dans
un accident de moto, accident où son mari a perdu la vie.
Après une période de convalescence et de deuil, elle tente de
reconstruire sa vie et, graduellement, elle prend conscience de la
frénésie consumériste dans laquelle est engagée toute personne
« normale ». Depuis le désir de shopping aux réseaux sociaux en passant
par les abonnements aux services de streaming.
Au plus elle fait du nettoyage dans sa vie, au plus elle retrouve du
temps et de l’énergie. Au moins elle éprouve le besoin « d’être vue ».
Il faut dire que de poster uniquement sur Gemini, ça n’aide pas pour la
visibilité !
view from the present (drmollytov.smol.pub)
gemini://drmollytov.smol.pub/2025-09-02
Rappel pour celleux qui ne savent pas ouvrir les liens Gemini comme ici
au-dessus : Gemini, le protocole du slow web (ploum.net)
https://ploum.net/gemini-le-protocole-du-slow-web/index.html
Une phrase m’a marquée sur son dernier billet posté sur Gemini : « Mon
seul regret avec les réseaux sociaux, c’est d’avoir été dessus tout
court. Ils ont vidé mon énergie mentale, dévoré mon temps et je suis
certaine qu’ils ont extrait une part de mon âme. » (traduction très
libre).
Je me rends compte qu’il ne suffit pas de se libérer des mécanismes
d’addiction des réseaux sociaux. Il faut également conscientiser à quel
point ils ont déformé, détruit, dénaturé nos pensées, nos relations
sociales, nos motivations. Pire : ils nous rendent objectivement
stupides ! Depuis 2010, le QI moyen est en train de descendre, ce qui
n’était jamais arrivé depuis l’invention du QI (quoi qu’on pense de cet
outil).
On the Reverse Flynn Effect (calnewport.com)
https://calnewport.com/on-the-reverse-flynn-effect/
Les réseaux sociaux sont intrinsèquement liés au smartphone. Ils ont
réellement explosé lorsqu’ils se sont optimisés pour la consommation
passive sur un petit écran tactile (chose à laquelle Zuckerberg ne
croyait pas du tout). À l’inverse, l’addiction aux réseaux sociaux a
créé une demande continue pour des smartphones toujours plus brillants
et prenant des photos toujours plus susceptibles de générer des likes.
Comme le souligne Jose Briones, ces interactions permanentes sur une
plaque de verre lisse, les écouteurs vissés sur les oreilles, nous font
perdre la conscience du tactile, de la matérialité.
Touch Me If You Can (josebriones.substack.com)
https://josebriones.substack.com/p/touch-me-if-you-can
Au-delà de notre addiction aux chiffres colorés
===============================================
Quand on a été addict, quand ou y a cru vraiment, quand on y a investi
énormément de soi, il ne suffit pas d’arrêter de fumer pour être en
bonne santé. Arrêter, ce n’est que le premier pas nécessaire et
indispensable. Mais il reste un long chemin à parcourir pour se
reconstruire par après, pour retrouver l’humain qui a été blessé,
enfoui.
L’être humain que, finalement, peu de monde a intérêt à ce que vous
retrouviez, mais qui est là, enfui sous des notifications incessantes,
sous la consultation compulsive de vos likes, de vos statistiques, de
vos abonnés. Pour Jose Briones, il a fallu plus de trois ans sans
smartphone pour que se calme son angoisse… de ne pas avoir de
smartphone !
Cela fait des années que je n’ai plus de statistiques sur les
fréquentations de ce blog. Parce que ce n’est pas très éthique, mais,
surtout, parce que cela me rendait fou, parce que ma santé mentale en
pâtissait incroyablement. Parce que je n’arrivais plus à être satisfait
de mon écriture autrement que par le nombre de lecteurs que ça me
ramenait. Parce que de simples statistiques détruisaient mon âme.
Comme le dit le blog This day’s portion, vous n’avez pas besoin de
statistiques !
You do not need “analytics” for your blog because you are neither a
military surveillance unit nor a commodity trading company
(www.thisdaysportion.com)
https://www.thisdaysportion.com/posts/contra-analytics/
Et si le réseau Mastodon est très loin d’être parfait, il est assez
simple d’y trouver une instance qui ne vous espionne pas. La majorité ne
le fait d’ailleurs pas. Au contraire de Bluesky qui traque toutes vos
interactions à travers la société Statsig. Statsig qui vient d’être
rachetée par OpenAI, le créateur de ChatGPT.
The Week in Social Media: I'm Still Convinced Mastodon's Going to
Outlive Everything (winter)
gemini://tilde.club/~winter/gemlog/2025/9-04.gmi
On dirait que Sam Altman tente de faire comme Musk et de gagner de
l’influence politique en noyautant les réseaux sociaux centralisés. On
s’est foutu de la gueule de Musk, mais force est de constater que ça a
très bien fonctionné. Et que, comme je le disais en 2023, ce n’est
qu’une question de temps avant que ça arrive à Bluesky qui n’est pas du
tout décentralisé, contrairement à ce que répète le marketing.
About Bluesky and Decentralisation (ploum.net)
https://ploum.net/2023-03-03-bluesky.html
Mais le pire avec toutes ces statistiques, toutes ces données, c’est que
nous sommes les premiers à vouloir les récolter et à nous vendre pour
les optimiser et les consulter sur de jolis graphiques colorés affichés
sur nos plaques de verre lisse et brillante.
L’inhumanité d’un monde qui se vend
===================================
Je ne cesse de répéter ce qu’articule justement Thierry Crouzet dans son
dernier article : les marketeux ont imposé leur vision du monde, forçant
les artistes, les intellectuels et les scientifiques à devenir des
commerciaux, ce qui est l’antithèse de leur nature profonde. Car
artistes, intellectuels et scientifiques ont en commun d’être dans une
quête, peut‑être illusoire, de vérité, d’absolu. Là où le marketing est,
par définition, l’art du mensonge, de la tromperie, de l’apparence et de
l’exploitation de l’humain.
Écrire sans se vendre : manifeste pour l’invisibilité (tcrouzet.com)
https://tcrouzet.com/2025/09/03/hurleurs-en-chef/
Cette destruction mentale enseignée dans les écoles de commerce est
également à l’œuvre avec l’IA. Il faudra des années pour que les
personnes addicts à l’IA puissent, si tout va bien, retrouver leur âme
d’humain, leur capacité de raisonnement autonome. Les développeurs qui
dépendent de Github sont en première ligne.
Github, l'IA et les fours à micro-ondes (mart-e.be)
https://mart-e.be/2025/08/github-lia-et-les-fours-a-micro-ondes
We need to talk about your Github addiction (ploum.net)
https://ploum.net/2023-02-22-leaving-github.html
En espérant que nous puissions arriver à redevenir des humains sans
devoir recourir à la solution extrême décrite par Thierry Bayoud et Léa
Deneuville dans l’excellente nouvelle « Chronique d’un crevard »,
nouvelle présente dans le Recueil de Nakamoto, que je recommande
chaudement et présenté ici par Ysabeau. Et, oui, les nouvelles sont sous
licence libre.
Note de lecture le Recueil de Nakamoto (nouvelles) (ysabeau)
https://linuxfr.org/users/ysabeau/journaux/note-de-lecture-le-recueil-de-na…
Le recueil de Nakamoto (pvh-editions.com)
https://pvh-editions.com/product/le-recueil-de-nakamoto
L’idée derrière Chronique d’un crevard m’a rappelé mon propre roman
Printeurs. Ça serait chouette de voir les deux univers se rejoindre
d’une manière ou d’une autre. Car c’est ça toute la beauté de la
création artistique libre.
Printeurs (pvh-editions.com)
https://pvh-editions.com/product/printeurs-papier
De l’art comme instinct de survie
=================================
De la création artistique tout court, devrais-je dire, jusqu’au moment
où les juristes d’entreprise ont réussi à convaincre les artistes qu’ils
devaient être des maniaques de la « protection de leur propriété
intellectuelle » ce qui les a transformés en victimes de la plus
formidable arnaque de ces dernières décennies. Tout comme les marketeux,
les juristes d’entreprise sont, par essence, des gens qui vont
t’exploiter. C’est leur métier !
Seule la technique change : les marketeux mentent et te promettent le
bonheur, les juristes menacent et corrompent. Les deux ne cherchent qu’à
augmenter le bénéfice de leur employeur. Les deux ont réussi à
convaincre les artistes d’éteindre leur humanité pour devenir eux-mêmes
marketeux et juriste, de faire du « personal branding » et de la
« propriété intellectuelle ».
À ce propos, Cory Doctorow explique très bien sur quelle illusion s’est
construite la fameuse « propriété intellectuelle » et à quel point ceux
qui l’ont conçue savaient très bien que c’était une arnaque à l’échelle
planétaire pour tenter de transformer le monde entier en une colonie
étatsunienne.
Pluralistic: Fingerspitzengefühl (08 Sep 2025) (pluralistic.net)
https://pluralistic.net/2025/09/08/process-knowledge/
Marketeux et juristes ont réussi à convaincre les artistes de haïr ce
qui fait la base de leur métier : leur public, renommés « pirates » dès
qu’ils ne passent pas entre les barrières Nadar du corporatisme de
surveillance. Ils ont réussi à convaincre les scientifiques de haïr ce
qui fait la base de leur métier : le partage sans restriction de la
connaissance. Le fait que la plus grande base de données scientifiques
du monde, Sci-hub, soit considérée comme pirate et interdite partout
dans le monde dit tout ce que vous avez besoin de savoir sur notre
société.
Le capitalisme de surveillance pourrit tout ce qu’il touche. Tout
d’abord en rendant difficile la vie des contestataires (ce qui est de
bonne guerre), mais, surtout, en achetant et corrompant les rebelles qui
réussissent malgré tout. Devenu millionnaire, cet artiste antisystème
deviendra le premier soutien du système en question et adaptera son
slogan : « Soyez rebelles, mais pas trop, achetez mes produits
dérivés ! ».
Tout comme le surréalisme a été la réponse artistique et intellectuelle
au fascisme, l’art seul peut sauver notre humanité. Un art brut,
tactile, sensoriel. Mais, avant toute chose, un art libre qui se
partage, qui se diffuse et qui envoie se faire foutre les notions de
propriétés virtuelles.
Un art qui se partage, mais force le public à partager également, à
retrouver l’essence de notre humanité : le partage.
* Photo d’illustration prise par Diegohnxiv et représentant une fresque
en l’honneur de SciHub à l’université de Mexico
* Printeurs et Le recueil de Nakamoto sont commandables chez votre
libraire indépendant préféré ! Les ebooks sont sur libgen, au moins pour
Printeurs. Je le sais, c’est moi qui l’ai uploadé.
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UNE VIE SANS NOTIFICATIONS
by Ploum on 2025-09-02
https://ploum.net/2025-09-02-mudita.html
> Avertissement : Cet article parle de mon expérience avec le Mudita
Kompakt, mais, n’étant pas lié à cette firme, je ne répondrai à aucune
question concernant cet appareil ni le Hisense A5. Tout ce que j’ai à
dire au sujet de cet appareil est dans ce billet. Pour le reste, voyez
les nombreuses vidéos et articles sur le Web ou rejoignez le forum de
Mudita.
Le grand problème du minimalisme numérique, c’est qu’il n’y a pas une
solution satisfaisante pour tout le monde. Sur les forums consacrés au
minimalisme numérique, chaque solution est critiquée pour faire « trop »
et, parfois par les mêmes personnes, pas assez.
J’ai vu des personnes en quête d’un dumbphone pour soigner leur
addiction à l’hyperconnexion se plaindre de ne pouvoir installer
Whatsapp et Facebook dessus. D’une manière générale, j’ai suffisamment
d’expérience dans l’industrie pour savoir que les humains sont très
mauvais pour déterminer leurs propres besoins, ce que j’appelle « le
syndrome de la maison de plain-pied à 3 étages ». Je veux tout, mais que
ce soit minimaliste.
L’addiction à l’écran
=====================
Il y a 6 ans, je pris conscience qu’une grande part de mon addiction à
mon smartphone venait de l’écran lui-même. Comme l’a dit un jour un
participant à un forum que je fréquente, les écrans sont devenus
tellement beaux, les couleurs tellement riches que l’image est plus
belle que la réalité. Regarder une photo de paysage aux couleurs
saturées et retouchée est plus beau que de regarder le paysage en
réalité, avec sa grisaille, son autoroute qui n’apparait pas dans le
cadre de la photo, sa pluie fine qui nous rentre dans le cou. Nous
n’utilisons plus nos smartphones pour faire quelque chose, ils font
partie de notre corps et de notre esprit.
📱 Why We Can’t Let Go (josebriones.substack.com)
https://josebriones.substack.com/p/why-we-cant-let-go
Dans mon cas personnel, se passer d’écran avec un dumbphone ne pouvait
convenir, car l’usage le plus important que je fais de mon téléphone est
de m’orienter à vélo et, alors que je suis au milieu de la nature, de
créer un itinéraire de retour à charger sur mon GPS. Ça et utiliser
Signal, le seul chat de ma vie quotidienne.
Reducing the digital clutter of chats (ploum.net)
https://ploum.net/2025-05-23-chats-digital-clutter.html
Pour être franc, le concept de dumbphone me dépasse un peu, car s’il y a
bien un truc dont je n’ai pas envie ni besoin, c’est d’être joignable
partout tout le temps. Si c’est pour laisser un dumbphone en silencieux
dans ma poche, autant ne rien prendre du tout !
Ma quête de sobriété numérique a donc commencé avec l’un des très rares
smartphones à écran e-ink, le Hisense A5 (à droite sur la photo
d’illustration).
Se passer d’écran avec un téléphone e-ink (ploum.net)
https://ploum.net/se-passer-decran-avec-un-telephone-e-ink/index.html
Le Hisense est un produit bon marché de piètre qualité, à destination du
marché chinois. S’il ne disposait d’aucun service Google, il est plein
de spywares chinois impossibles à désinstaller (mais que je tentais de
contenir avec le firewall Adguard, configuré aux petits oignons pendant
des heures).
Pendant six ans, j’ai utilisé exclusivement cet appareil. Lors de mon
premier voyage avec, un trip en train en Bretagne pour un projet de
livre, j’ai été en permanence anxieux à l’idée que « quelque chose se
passe mal, car je n’avais pas un vrai smartphone ». Mais, petit à petit,
je me suis surpris à moins l’utiliser que son prédécesseur, à accepter
ses limites. L’écran e-ink lié à la lenteur et aux bugs du logiciel en
partie en chinois ne me donnait pas du tout envie de l’utiliser. Très
vite, la couleur des écrans de smartphones m’est apparue comme violente,
agressive. Mais que je passe quelques minutes sur un tel écran et,
soudain, je retrouve un bon vieux shoot de dopamine, une envie de
l’utiliser pour faire quelque chose. Quoi ? Peu importe tant que je peux
garder les yeux rivés sur ces lumineuses formes mouvantes.
L’hyperconnexion permanente
===========================
Il m’est souvent arrivé de prétendre que le Hisense n’était pas un
smartphone pour éviter d’installer une app soi-disant indispensable pour
un service dont j’avais besoin ou, tout simplement, pour obtenir une
carte papier dans ces restaurants qui ont l’impression d’être à la
pointe de la technologie, car ils ont un QR code scotché sur la table.
Mais c’était un mensonge. Car le Hisense est, au fond, un smartphone des
plus classiques.
J’y avais mes emails, un navigateur web et même Mastodon, que j’ai très
vite supprimé, mais auquel je pouvais accéder via Firefox ou Inkbro,
navigateur optimisé pour les écrans e-ink.
Mon addiction va beaucoup mieux. J’ai perdu l’habitude d’avoir mon
smartphone tout le temps sur moi, ne le prenant pour sortir que si je
pense en avoir réellement besoin. Ça n’a l’air de rien, mais, pour
certains addicts, sortir sans téléphone est une véritable aventure.
Faire l’expérience est une excellente manière de réaliser à quel point
on est addict.
Hyperconnexion, addiction et obéissance (ploum.net)
https://ploum.net/2024-11-13-addiction-hyperconnexion-obeissance.html
Le Hisense a beau être gros et moche, lorsque je l’avais avec moi et que
j’avais un temps mort, je vérifiais si je n’avais pas reçu d’emails. Je
devais, comme tout smartphone, penser à le remettre en silencieux
lorsque j’avais activé la sonnerie, car je voulais être joignable, faire
les mises à jour des toutes les apps que je gardais, car je pouvais en
avoir potentiellement besoin. Bref, la gestion classique d’un
smartphone.
Cela me convenait, mais, les smartphones e-ink n’ayant jamais vraiment
percé, je me demandais comment j’allais remplacer un appareil qui
présentait des signes de faiblesse (batterie qui se vide soudainement,
chargement qui ne fonctionne plus que, intermittence).
C’est alors que j’ai été convaincu par le Kompakt de Mudita.
Mudita Kompakt, a minimalist E Ink® phone. (mudita.com)
https://mudita.com/products/phones/mudita-kompakt/
Mudita est une entreprise polonaise qui cherche à offrir des produits
favorisant la pleine conscience. Des réveils au design épuré, des
montres et un dumbphone, le Mudita Pure, qui me faisais grandement de
l’œil, car basé sur un système entièrement Open Source. Malheureusement,
le Pure était trop minimaliste pour moi, car ne permettant pas
d’utiliser mon GPS de vélo.
Puis est arrivé le Kompakt.
Basé sur Android, le Kompakt est techniquement un smartphone. En plus
petit. Et avec un écran e-ink d’une qualité bien moindre que le Hisense.
Et pourtant…
Premiers pas avec le Kompakt
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La première chose qui m’a frappée en déballant mon Kompakt, c’est que je
n’ai dû créer aucun compte, passer par aucune procédure autre que le
choix de la langue. Insérez une carte SIM, allumez et ça fonctionne.
Mudita fait très attention à la vie privée et ne propose aucun service
en ligne. Le téléphone est entièrement dégooglisé voire même
« décloudisé » (contrairement à, par exemple, Murena /e/OS). Pour la
première fois depuis des lustres, je ne devais pas combattre mon
téléphone, je ne devais pas le configurer, le transformer.
C’est incroyable comme ça m’a fait plaisir.
Pour être transparent, il faut préciser que les développeurs récupèrent
des données anonymisées de debug et que ce n’est, pour le moment, pas
désactivable. Une discussion à ce sujet est en cours sur le forum
Mudita.
Car, oui, Mudita dispose d’un forum de discussion auquel participe une
employée de la firme qui tente d’aider les utilisateurs et se fait le
relais vers les développeurs. Un truc qui était la base en 2010, mais
qui semble incroyable de nos jours.
Bref, je me suis senti un client respecté, pas une vache à lait. Et je
n’en reviens toujours pas.
Outre le forum, ce qui m’a frappé avec le Mudita, c’est qu’il pousse
réellement l’idée de minimalisme jusque dans ses retranchements.
L’application GPS permet de chercher une adresse et de faire un
itinéraire piéton, vélo ou voiture. Et c’est tout. Des options ? Aucune,
nada, nihil ! Et vous savez quoi ? Ça fonctionne ! Vu que c’est
OpenStreetMap, ça fonctionne très bien et j’ai désinstallé Comaps que
j’avais mis par réflexe. L’appareil photo… prend des photos et c’est
tout (on peut juste activer/désactiver le flash).
Trouver son chemin avec le Mudita Kompakt
https://ploum.net/files/mudita2.jpg
C’est comme ça pour toutes les applis : en 10 minutes, vous aurez fait
le tour de toutes les options et c’est incroyablement rafraichissant.
Bon, parfois, c’est limite trop. Le lecteur de musique affiche vos MP3
et les lit par ordre alphabétique. C’est tout. Ils ont promis
d’améliorer ça, mais, au fond, je trouve ça amusant d’être limité de
cette façon.
Les choses sérieuses
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Si Mudita n’offre aucun service en ligne, la meilleure manière
d’interagir avec son téléphone est le Mudita Center, un logiciel
compatible Windows/MacOS/Linux. Après l’avoir téléchargé, vous devez
brancher votre téléphone à votre ordinateur avec… retenez votre souffle…
un câble USB. (sur Debian/Ubuntu, vous devez être membre du groupe
"dialout". "sudo adduser ploum dialout", reboot et puis c’est bon)
Un câble ! En 2025 ! Incroyable, non ? Quand je vois comme j’ai dû me
battre avec le Freewrite d’Astrohaus qui force l’utilisation de son
cloud propriétaire, j’apprécie à outrance le fait de brancher mon
téléphone avec un câble.
Avec le Mudita Center, vous pouvez envoyer des fichiers sur l’appareil.
Les MP3 pour la musique, les epub ou les pdf, qui seront ouverts dans
l’appli E-reader. Pratique pour les billets de train et autres tickets
électroniques. Une section est réservée pour transférer les fichiers APK
que vous voulez « sideloader ». On s’est tellement fait entuber par
Google et Apple qu’on a perdu le droit d’utiliser le mot « installer »
en parlant d’un logiciel. Ce mot est désormais privatisé et il faut
« sideloader » (du moins tant que c’est encore légalement possible…).
Dans mon cas, je n’ai sideloadé qu’un seul APK : F-Droid. Avec F-Droid,
j’ai pu installer Molly (un client Signal), mon gestionnaire de mot de
passe, mon appli 2FA, le clavier Flickboard et Aurora Store. Avec Aurora
Store, j’ai pu installer Komoot, Garmin, Proton Calendar et l’app SNCB
pour les horaires de train. Pas de navigateur ni d’email cette fois ! Je
me suis quand même accordé l’application Wikipédia, pour tester.
Tout est petit, en noir et blanc (ça, j’avais déjà l’habitude), mais,
dans mon cas, tout fonctionne. Attention que ce ne sera peut-être pas
votre cas. Les applis qui ont besoin des services Google, comme Strava,
refuseront de se lancer (ce qui ne change pas de mon Hisense). Mon appli
bancaire nécessite une caméra à selfie (ce que le Kompakt n’a pas) et je
vais devoir trouver une solution de rechange.
Au fait, Mudita ne permet pas de personnaliser la liste des
applications. Celles-ci sont classées par ordre alphabétique. Pas de
raccourcis, pas d’options. Si c’est perturbant au début, cela se révèle
très vite très appréciable, car c’est, une fois encore, un truc de moins
à penser, une excuse de moins pour chipoter.
À noter qu’il est cependant possible de cacher des applications. Si vous
n’utilisez pas l’app de méditation, vous pouvez la cacher, tout
simplement. Simple et efficace.
Les notifications
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C’est lorsque j’ai reçu mon premier message Signal que j’ai réalisé un
truc étrange. J’ai bien entendu le son, mais je ne voyais pas de
notifications.
Et pour cause… Le Mudita Kompakt n’a pas de notifications ! L’écran
d’accueil vous montre si vous avez eu des appels ou des SMS, mais, pour
le reste, il n’y a pas de notifications du tout !
Mon premier réflexe a été d’investiguer l’installation d’un launcher
alternatif, InkOS, qui permet une plus grande configurabilité et des
notifications.
InkOS sur le forum Mudita
https://forum.mudita.com/t/inkos-text-based-launcher-with-notifications-for…
Mais… Attendez une seconde ! Que suis-je en train de faire ? Je cherche
à refaire un smartphone ! Et si je tentais d’utiliser le Mudita de la
manière pour laquelle il a été conçu ?Sans notifications !
Le seul réel problème avec cette approche c’est que les notifications
existent, mais que Mudita les cache. On les entend donc, mais on ne peut
pas savoir d’où elles proviennent.
Dans mon cas, c’est essentiellement Signal (enfin, Molly pour celleux
qui suivent). Dans Signal, j’ai donc configuré un profil de notification
qui soit silencieux sauf pour les membres de ma famille proche.
Si j’entends mon téléphone faire un son, je sais que c’est un message de
ma famille. Pour les autres, je ne les vois que lorsque je choisis
d’ouvrir Signal. Ce qui est exactement ce qu’un système de communication
devrait être.
Bien entendu, les choses se compliquent si vous avez plusieurs
applications qui envoient des notifications. Il est possible d’avoir
accès aux notifications et de les désactiver par applications en
utilisant "Activity Launcher" disponible sur F-Droid. C’est un peu du
chipotage, mais ça m’a permis de désactiver les notifications
« parasites » de tout ce qui n’est pas Signal.
Messages du forum Mudita expliquant comment utiliser Activity Launcher.
https://forum.mudita.com/t/inkos-text-based-launcher-with-notifications-for…
La vie sans notifications
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Lorsqu’on accepte ce mode de fonctionnement, le Mudita prend
soudainement tout son sens.
J’avais déjà fortement réduit les notifications sur le Hisense. Il était
d’ailleurs en silencieux la plupart du temps. Mais, à chaque fois que je
consultais l’écran, je voyais les petites icônes. Machinalement, je
glissais mon doigt pour faire apparaître le tiroir à notifications et
« vérifier » avant de glisser latéralement pour supprimer.
Bon sang que j’ai en horreur ces gestes de glissement des doigts, jamais
précis, jamais satisfaisant comme le bruit d’une touche qu’on enfonce.
Tiens, le Mudita ne permet d’ailleurs pas de « swiper » dans la liste
des applications. Il faut faire défiler avec une flèche. C’est minime,
mais j’apprécie !
Mais même si je n’avais pas de notifications sur le Hisense, je
vérifiais de temps en temps si je n’avais pas reçu un mail important. Je
vérifiais une information sur un site web.
Oh, rien de bien méchant. Une addiction parfaitement sous contrôle. Mais
une série de réflexes dont j’avais envie de nettoyer ma vie.
Avec le Mudita Kompakt, l’expérience est très perturbante.
Machinalement, je saisis l’appareil et… rien. Il n’y a rien à faire. La
seule chose que je peux vérifier, c’est Signal. Je suis ensuite forcé de
reposer ce petit écran.
Pas besoin non plus de mettre en silencieux ou en mode avion. Le Kompakt
dispose d’un switch hardware « Offline+ » qui désactive tous les
réseaux, tous les capteurs, y compris l’appareil photo et le micro. En
Offline+, rien ne rentre et rien ne sort de l’appareil. Et quand je suis
connecté, je sais que je n’aurai que les appels téléphoniques, les sms
et les messages Signal de ma famille proche.
C’est comme un nouveau monde…
Tout n’est pas parfait
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On ne va pas se leurrer, le Mudita Kompakt est loin d’être parfait. Il
est petit, mais un peu trop gros. Il y a des bugs comme l’alarme qui se
déclenche en retard ou pas du tout, comme l’appareil photo qui met près
de deux secondes entre la pression sur le bouton et la prise effective
de l’image (mais c’est déjà mieux que l’appareil photo du Hisense dont
la lentille s’est bloquée après quelques semaines d’utilisation, rendant
toutes mes photos irrémédiablement floues).
Le forum regorge d’utilisateurs insatisfaits. Pour certains car je pense
qu’il n’ont pas conscientisé les limites du minimalisme numérique, qu’il
espérait un smartphone complet avec un écran e-ink. Mais, dans d’autres
cas, c’est clairement à cause de bugs dans le système pour des cas
d’usage qui ne me concernent pas directement, comme les problèmes
Bluetooth alors que je suis tout heureux d’avoir un jack audio. Le
Kompakt utilise une version très fortement modifiée et dégooglisée
d’Android 12 (les téléphones Googe sont à Android 16). Le hardware lui-
même est assez ancien (plus que mon Hisense). Ce sont des détails qui
peuvent se révéler importants. La batterie, par exemple, tient 3/4
jours, ce qui n’est pas extraordinaire en comparaison avec le Hisense.
Une heure de hotspot wifi consomme 10% de batterie là où le Hisense n’en
perdait pas 3%.
L’application musicale est vraiment très minimalise !
https://ploum.net/files/mudita1.jpg
Malgré ses limites, l’appareil n’est pas bon marché et il est
probablement possible de configurer n’importe quel appareil Android pour
avoir un écran épuré et pas de notifications. Mais ce qui me plaît avec
le Mudita c’est justement le fait que je ne le configure pas. Que je ne
cherche pas à comprendre ce que je dois bloquer, que je ne passe pas du
temps à optimiser mon écran d’accueil ou le placement des applications.
Ça ne conviendra certainement pas à tout le monde. Il y a certainement
plein de défauts qui rendent le Kompakt inutilisable pour vous. Mais
pour mon petit cas personnel et pour mon mode de vie actuel, c’est un
vrai bonheur (à l’exception de cette saleté d’appli bancaire pour
laquelle je n’ai pas encore trouvé de solution).
Accepter de lâcher prise
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Car, oui, je vais rater des choses. Je verrai des mails urgents bien
plus tard. Je ne pourrai pas chercher une information rapide quand je
suis en déplacement. Je ne pourrai pas prendre de belles photos.
C’est le principe même ! Le minimalisme numérique c’est, par essence, ne
plus pouvoir tout faire tout le temps. C’est être forcé de s’ennuyer
dans les temps morts, de planifier certaines expéditions, de demander
une information autour de soi si nécessaire, de se dire, dans certaines
situations, que la vie aurait été plus facile avec un smartphone
traditionnel.
Si vous n’avez pas effectué à l’avance ce travail de faire le tri entre
ce qui est vraiment nécessaire pour vous, ne songez même pas à prendre
un téléphone minimaliste comme le Kompakt. Ce téléphone me convient
parce que ça fait des années que je réfléchis à ce sujet et parce qu’il
est compatible avec mon mode de vie et mes obligations.
À la recherche de la déconnexion parfaite (ploum.net)
https://ploum.net/2025-02-11-deconnexion_parfaite.html
Si vous idéalisez le minimalisme sans réfléchir aux conséquences, vous
serez frustrés à la première friction, à la première perte de cette
facilité omniprésente qu’est le smartphone. Le minimalisme numérique est
également un concept très personnel. Quand je vois le nombre d’appareils
connectés que je possède, j’ai du mal à dire que je suis un
« minimaliste ». Je cherche juste à conscientiser et à faire en sorte
que chaque appareil ait pour moi un bénéfice très clair avec le moins
possible de désavantages (comme mon GPS de vélo ou mon analyseur de
qualité d’air). Je ne suis pas vraiment minimaliste, je pense juste que
le smartphone traditionnel a sur ma vie un impact négatif très important
que je cherche à minimiser.
Certain·es me disent qu’ils n’ont pas le choix. Comme le dit très bien
Jose Briones, c’est faux. Nous avons, pour le moment, le choix. C’est
juste que ce n’est pas un choix facile et qu’il faut assumer les
conséquences, accepter de changer son mode de vie pour cela.
Is Offline the new luxury? (josebriones.substack.com)
https://josebriones.substack.com/p/is-offline-the-new-luxury
L’obligation du smartphone
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Et, justement, ce qui est le plus effrayant avec cette démarche de
tenter de minimiser l’usage du smartphone, c’est de réaliser à quel
point il devient presque obligatoire d’en avoir un, à quel point ce
choix devient de plus en plus ténu. Des services commerciaux, mais
également des administrations publiques considèrent que vous avez
obligatoirement un smartphone récent, que vous disposez d’un compte
Google, d’une connexion Internet permanente, d’une batterie bien chargée
et que vous êtes d’accord d’installer une énième application dessus et
de créer un compte en ligne pour quelque chose d’aussi mondain que de
payer un emplacement de parking ou accéder à un événement. Un contrôleur
de train me confiait récemment que la SNCB planifiait de supprimer le
ticket papier pour mettre en avant l’usage de l’app et du smartphone.
Sur les forums minimalistes, j’ai même découvert une catégorie
d’utilisateurs qui possèdent un smartphone classique pour aller au
travail, par simple peur d’être moqué ou de passer pour un rebelle
auprès de leurs collègues. De la même manière, certains refusent
d’installer Signal ou d’effacer leur compte Facebook par crainte que
cela puisse paraître suspect. Une chose me semble claire : si c’est la
peur de potentiellement paraître suspect qui vous retient, il est urgent
d’agir maintenant, tant que cette suspicion n’est que potentielle.
Installez Signal et GrapheneOS ou /e/OS maintenant pour avoir l’excuse,
dans le futur, de dire que ça fait des mois ou des années que vous
fonctionnez comme cela.
I'll only buy devices with GrapheneOS (www.jonashietala.se)
https://www.jonashietala.se/blog/2025/08/28/ill_only_buy_devices_with_graph…
Dans le cas du smartphone, je constate avec effroi que s’il est
théoriquement possible de ne jamais en avoir eu, il est extrêmement
difficile de revenir en arrière. Les banques, par exemple, empêchent
souvent de revenir à une méthode d’authentification sans smartphone une
fois que celle-ci a été activée !
Je souris quand je pense aux fois où mon refus du smartphone m’a valu
une réflexion de type : « Ah ? Vous n’êtes pas à l’aise avec les
nouvelles technologies ? ». Souvent, je ne réponds pas. Ou je me
contente d’un « si, justement… ». Au moins, avec le Mudita, je pourrai
le brandir et affirmer haut et fort : je n’ai pas de smartphone !
Vous et moi, nous savons que ce n’est techniquement pas tout à fait
vrai, mais ceux qui veulent imposer l’ubiquité du smartphone GoogApple
sont, par définition, des ignares technologiques. Ils n’y verront que du
feu… Et, pour un temps, ils seront encore forcés de s’adapter,
d’accepter que, non, tout le monde n’a pas tout le temps un smartphone.
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