LE SUCCÈS EXISTE-T-IL ?
by Ploum on 2025-02-18
https://ploum.net/2025-02-18-le-succes.html
La notion de succès d’un blog
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Un blogueur que j’aime beaucoup, Gee, revient sur ses 10 ans de
blogging. Cela me fascine de voir l’envers du décor des autres
créateurs. Gee pense avoir fait l’erreur de ne pas profiter de la vague
d’enthousiasme qu’à connu son Geektionnerd et de ne pas en avoir profité
pour faire plus de promo.
[GB10ans] 0. Auteur en burnout (grisebouille.net)
https://grisebouille.net/gb10ans-0-auteur-en-burnout/
Je ne suis pas d’accord avec Gee : il a très bien fait de continuer sa
vie sans se préoccuper du succès. Les vagues d’enthousiasme vont et
viennent, elles sont très brèves. Le public passe très vite à autre
chose. Partir en quête du buzz permanent est la recette absolue pour se
perdre. C’est un métier à part entière : le marketing. Trop d’artistes
et de créateurs se sont détournés vers le marketing, espérant obtenir
une fraction du succès obtenu par des gens sans talents autre que le
marketing.
Mais vous oubliez que la perception du succès elle-même fait partie du
plan marketing. Vous pensez qu’un tel a du succès ? Vous n’en savez
rien. Vous ne savez même pas définir « succès ». C’est une intuition
confuse. Faire croire qu’on a du succès fait partie du mensonge !
Pour beaucoup de gens de mon entourage éloigné, je suis soudainement
devenu un écrivain à succès parce que… je suis passé à la télé à une
heure de grande écoute. Pour ces gens-là qui me connaissent, je suis
passé de « type qui écrit de vagues livres dont personne n’a entendu
parler » à « véritable écrivain connu qui passe à la télé ». Pour ceux,
et ils sont nombreux, qui ont délégué à la télévision le pouvoir
d’ordonner les individus au rang de « célébrité », j’ai du succès. Pour
eux, je ne peux rien rêver de plus si ce n’est, peut-être, passer
régulièrement à la télé et devenir une « vedette ».
Dans ma vie quotidienne et aux yeux de toutes les (trop rares) personnes
qui n’idolâtre pas inconsciemment la télévision, ces passages à la télé
n’ont strictement rien changé. J’ai certainement vendu quelques
centaines de livres en plus. Mais ai-je du « succès » pour autant ?
Il y a quelques mois, j’étais invité comme expert pour le tournage d’une
émission télé sur l’importance de protéger ses données personnelles en
ligne. Lors d’une pause, j’ai demandé au présentateur ce qu’il faisait
d’autre dans la vie. Il m’a regardé, étonné, et m’a répondu : « Je
présente le JT ». Ça ne devait plus lui arriver très souvent de ne pas
être reconnu. La moitié de la Belgique doit savoir qui il est. Nous
avons rigolé et j’ai expliqué que je n’avais pas la télévision.
Question : cette personne a-t-elle du « succès » ?
Le succès est éphémère
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À 12 ans, en vacances avec mes parents, je trouve un livre abandonné sur
une table de la réception de l’hôtel. « Tantzor » de Paul-Loup Sulitzer.
Je le dévore et je ne suis visiblement pas le seul. Paul-Loup Sulitzer
est l’écrivain à la mode du moment. Selon Wikipédia, il a vendu près de
40 millions de livres dans 40 langues, dont son roman le plus connu :
« Money ». Il vit alors une vie de milliardaire flamboyant.
Trente ans plus tard, ruiné, il publie la suite de Money: « Money 2 ».
Il s’en écoulera moins de 1.300 exemplaires. Adoré, adulé, moqué,
parodié des centaines de fois, Sulitzer est tout simplement tombé dans
l’oubli le plus total.
Si le « succès » reste une notion floue et abstraite, une chose est
certaine : il doit s’entretenir en permanence. Il n’est jamais
véritablement acquis. Si on peut encore comprendre la notion de « faire
fortune » comme « avoir plus d’argent que l’on ne peut en dépenser » (et
donc ne plus avoir besoin d’en gagner), le succès lui ne se mesure pas.
Il ne se gère pas de manière rationnelle.
Quels indicateurs ?
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Dans son billet, Gee s’étonne également d’avoir reçu beaucoup moins de
propositions pour le concours des 5 ans du blog que pour celui du
premier anniversaire. Malgré une audience supposée supérieure.
De nouveau, le succès est une affaire de perception. Quel succès
voulons-nous ? Des interactions intéressantes ? Des interactions
nombreuses (ce qui est contradictoire avec la précédente) ? Des ventes ?
Du chiffre d’affaires ? Des chiffres sur un compteur de visite comme les
sites web du siècle précédent ?
Il n’y a pas une définition de succès. En fait, je ne connais personne,
moi le premier, qui soit satisfait de son succès. Nous sommes, par
essence humaine, éternellement insatisfaits. Nous sommes jaloux de ce
que nous croyons voir chez d’autres (« Il passe à la télé ! ») et déçus
de nos propres réussites (« Je suis passé à la télé, mais en fait, ça
n’a rien changé à ma vie »).
Écrire dans le vide
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C’est peut-être pour cela que j’aime tant le réseau Gemini. C’est le
réseau anti-succès par essence. En publiant sur Gemini, on a réellement
l’impression que personne ne va nous lire, ce qui est donne une réelle
liberté.
Certains de mes posts de blog font le buzz sur le web. Je n’ai pas de
statistiques, mais je vois qu’ils tournent sur Mastodon, qu’ils font la
première page sur Hacker News. Mais si je n’allais pas sur Hacker News
ni sur Mastodon, je ne le saurais pas. J’aurais tout autant l’impression
d’ếcrire dans le vide que sur Gemini.
À l’opposé, certains de mes billets ne semblent pas attirer les "likes",
"partages", "votes" et autres "commentaires". Pourtant, je reçois de
nombreux emails à leur sujet. De gens qui veulent creuser le sujet,
réfléchir avec moi. Ou me remercier pour cette réflexion. C’est
particulièrement le cas avec le réseau Gemini qui semble attirer des
personnes qui sont dans l’échange direct. Moi-même il m’arrive souvent
de dégainer mon client mail pour répondre spontanément à un billet
personnel lu sur Gemini. La réaction la plus fréquente à ces messages
est : « Wow, je ne pensais pas que quelqu’un me lisait ! ».
Je vous pose la question : quel type de billet a, selon vous, le plus de
« succès » ?
Est-ce que la notion de succès a réellement un sens ? Peut-on avoir
assez de succès ?
Pour donner un peu de succès financier à Gee
https://ptilouk.net/#soutien
Sortilèges & Sindycats, le roman de Gee qui mériterait plus de succès !
https://pvh-editions.com/product/sortileges-and-syndicats-une-fantastique-l…
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11 Feb '25
À LA RECHERCHE DE LA DÉCONNEXION PARFAITE
by Ploum on 2025-02-11
https://ploum.net/2025-02-11-deconnexion_parfaite.html
Une rétrospective de ma quête de concentration
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Une première déconnexion
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À la fin de l’année 2018, épuisé par la promotion de la compagne Ulule
de mon livre « Les aventures d’Aristide, le lapin cosmonaute » et
prenant conscience de mon addiction aux réseaux sociaux, je décide de me
« déconnecter ».
Un bien grand mot pour m’interdire pendant 3 mois l’utilisation des
réseaux sociaux et des sites d’actualité.
En partance pour ma déconnexion… (ploum.net)
https://ploum.net/en-partance-pour-ma-deconnexion/index.html
Je suis déconnecté ! (ploum.net)
https://ploum.net/je-suis-deconnecte/index.html
Le premier effet va se faire sentir très vite avec la désinstallation de
l’app que j’utilise le plus à l’époque : Pocket.
Le jour où j’ai désinstallé mon app préférée ! (ploum.net)
https://ploum.net/le-jour-ou-jai-desinstalle-mon-app-preferee/index.html
L’expérience est avant tout une prise de conscience. Je découvre que,
dès que je m’ennuie, j’ouvre machinalement un navigateur web sans même y
réfléchir. C’est littéralement un réflexe.
1 mois de déconnexion, premier bilan (ploum.net)
https://ploum.net/1-mois-de-deconnexion-premier-bilan/index.html
Je commence à percevoir la différence entre l’information et le
« bruit ». L’hyperconnexion est, comme le tabac, une assuétude et une
pollution. Une notion qui deviendra essentielle dans ma réflexion.
Le silence au milieu du bruit (ploum.net)
https://ploum.net/le-silence-au-milieu-du-bruit/index.html
L’humeur d’un déconnecté (ploum.net)
https://ploum.net/lhumeur-dun-deconnecte/index.html
Si je tente de subir moins de bruit, mon épouse me fait remarquer que je
tente toujours d’en générer en postant sur des réseaux que je ne lis
plus. Je suis incohérent.
De la pollution mentale et de la quête d’égo (ploum.net)
https://ploum.net/de-la-pollution-mentale-et-de-la-quete-dego/index.html
Comme souvent dans ce genre d’expérience, on en sort sans aucune envie
de se « reconnecter ». Mais je vais, bien entendu, très vite reprendre
mes anciennes habitudes.
3 mois de déconnexion : bilan final (ploum.net)
https://ploum.net/3-mois-de-deconnexion-bilan-final/index.html
Le problème de l’hyperconnexion est désormais clair dans ma tête. Je
suis addict et cette addiction m’est néfaste à tous les points de vue.
Sous les réseaux sociaux, un monde post-déconnexion (ploum.net)
https://ploum.net/sous-les-reseaux-sociaux-un-monde-post-deconnexion/index.…
La période technosolutionniste
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Face à la réalisation de l’ampleur du problème, mon premier réflexe est
de trouver une solution technique, technologique. Beaucoup de personnes
sont dans le même cas et, si cette étape est loin de suffire, elle est
indispensable : faire du tri dans les outils numériques que nous
utilisons. Je me rends compte que l’univers Apple, que je fréquente à
l’époque, ayant reçu un MacBook de mon employeur, est à la fois
contraire à mes valeurs et complètement incompatible avec une forme de
sobriété numérique, car poussant à la consommation. Cette dichotomie
entre ma philosophie et mon vécu entraine une tension que je tente
d’évacuer par la surconnexion. Il est temps pour moi de revenir
entièrement sous Linux.
À la poursuite du minimalisme numérique (ploum.net)
https://ploum.net/a-la-poursuite-du-minimalisme-numerique/index.html
Linux et minimalisme numérique (ploum.net)
https://ploum.net/linux-et-minimalisme-numerique/index.html
J’achète également un téléphone qui est tellement merdique et bugué que
je n’ai jamais envie de l’utiliser (non, ne l’achetez pas).
Se passer d’écran avec un téléphone e-ink (ploum.net)
https://ploum.net/se-passer-decran-avec-un-telephone-e-ink/index.html
Concrètement, cette première déconnexion a également été l’opportunité
de terminer mon feuilleton « Printeurs » ainsi que d’écrire quelques
nouvelles. Celui-ci intéresse un éditeur et je publie mon premier roman
en 2020.
Printeurs, le premier roman imprimé en 3D (ploum.net)
https://ploum.net/printeurs-le-premier-roman-imprime-en-3d/index.html
Une autre action concrète que j’entreprends est de supprimer au maximum
de comptes en ligne. Je ne le sais pas encore, mais je vais en découvrir
et en supprimer près de 500 et cela va me prendre près de trois ans.
Pour la plupart, j’ai oublié qu’ils existent, mais pour certains,
l’étape est significative.
Je ne suis plus à vendre sur Linkedin (ploum.net)
https://ploum.net/je-ne-suis-plus-a-vendre-sur-linkedin/index.html
En parallèle, je découvre le protocole minimaliste Gemini. Suite à
l’utilisation de ce protocole, une idée commence à me trotter dans la
tête : travailler complètement déconnecté. J’ai en effet découvert que
bloquer certains sites n’est pas suffisant : je trouve automatiquement
des alternatives sur lesquelles procrastiner, alternatives qui sont même
parfois moins intéressantes. J’ai donc envie d’explorer une déconnexion
totale. Je commence à rédiger mon journal personnel à la machine à
écrire.
Gemini, le protocole du slow web (ploum.net)
https://ploum.net/gemini-le-protocole-du-slow-web/index.html
The Offline-First Quest (ploum.net)
https://ploum.net/2021-01-10.html
Offline-First, Typewriters, Emails and Gemini (ploum.net)
https://ploum.net/2021-01-12.html
Looking for offline-first tools (ploum.net)
https://ploum.net/2021-09-24.html
Seconde déconnexion : une tentative d’année déconnectée
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Le 1er janvier 2022, trois ans après la fin de ma première déconnexion,
je me lance dans une tentative d’année complètement déconnectée. L’idée
est de n’utiliser mon ordinateur que déconnecté dans mon bureau, de le
synchroniser une fois par jour. Le tout est rendu possible par un
logiciel que j’ai développé dans les derniers mois de 2021 : Offpunk.
Offpunk, an offline-first browser
https://offpunk.net
Évidemment, la connexion est nécessaire pour certaines actions que je me
propose de chronométrer et d’enregistrer. J’écris, en direct, le compte-
rendu de cette déconnexion et, contre toute attente, ces écrits semblent
passionner les lecteurs.
1er janvier 2022, quelques minutes après minuit (ploum.net)
https://ploum.net/1er-janvier-2022-quelques-minutes-apres-minuit/index.html
3 janvier 2022, qu’est-ce qu’une déconnexion ? (ploum.net)
https://ploum.net/3-janvier-2022-quest-ce-quune-deconnexion/index.html
Chapitre 3 : Le manque (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-3-le-manque/index.html
Chapitre 4 : les messageries instantanées (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-4-les-messageries-instantanees/index.html
Chapitre 5 : le plaisir coupable de l’exploration (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-5-le-plaisir-coupable-de-lexploration/index.html
Chapitre 6 : la machine à cliquer se rebelle contre le superorganisme
(ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-6-la-machine-a-cliquer-se-rebelle-contre-le-supe…
Chapitre 7 : l’hystérie médiatique (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-7-lhysterie-mediatique/index.html
Chapitre 8 : l’artiste déconnecté (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-8-lartiste-deconnecte/index.html
Mieux préparée et beaucoup plus ambitieuse (trop ?), cette déconnexion
est finalement un échec après moins de 6 mois.
Chapitre 9 : l’échec (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-9-lechec/index.html
La leçon est dure : il n’est quasiment pas possible de se déconnecter de
manière structurelle dans la société actuelle. Nous sommes tout le temps
sollicités pour accomplir des actions en ligne, actions qui nécessitent
du temps, mais pas toujours de la concentration. Tout est désormais
optimisé pour que nous soyons en ligne.
Ma déconnexion est un échec. Le livre de cette déconnexion est inachevé.
Un autre manuscrit sur lequel je travaille durant cette déconnexion est
dans un état inutilisable. Cependant, j’ai profité de ce temps pour
écrire quelques nouvelles et finaliser mon recueil « Stagiaire au
spatioport Omega 3000 et autres joyeusetés que nous réserve le futur ».
…et autres joyeusetés que nous réserve le futur (ploum.net)
https://ploum.net/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html
Conséquence directe de cette déconnexion, mon compte Whatsapp disparait.
Mon compte Twitter suit bientôt également.
Le suicide de mon compte WhatsApp (ploum.net)
https://ploum.net/le-suicide-de-mon-compte-whatsapp/index.html
Chapitre 10 : la suppression des comptes en ligne (ploum.net)
https://ploum.net/chapitre-10-la-suppression-des-comptes-en-ligne/index.html
Pourquoi j’ai supprimé mon compte Twitter (et pourquoi vous pouvez
probablement en faire autant sans hésiter) (ploum.net)
https://ploum.net/2023-10-29-le-droit-de-supprimer-twitter.html
J’ai également pris conscience que mon blog Wordpress n’est plus du tout
en phase avec ma philosophie. En parallèle de mon travail sur Offpunk,
je réécris complètement mon blog pour en faire un outil « offline ».
La fin d’un blog et la dernière version de ploum.net (ploum.net)
https://ploum.net/2022-12-04-fin-du-blog-et-derniere-version.html
Le second retour à la normalité
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Début 2023, je m’isole pour commencer l’écriture de Bikepunk qui
paraitra en 2024. J’alterne entre les périodes de déconnexion totale et
des périodes d’hyperconnexion.
Bikepunk, les chroniques du flash
https://bikepunk.fr
Le seul réseau social où j’ai gardé un compte, Mastodon, commence à
attirer l’attention. J’y suis très présent et, philosophiquement, je ne
peux que soutenir et encourager toutes les personnes cherchant à quitter
X et Meta. Je retombe dans l’hyperconnexion. Une hyperconnexion éthique,
mais une hyperconnexion tout de même.
Pendant deux ans, j’utilise l’extension Firefox LeechBlock qui permet de
n’autoriser qu’un temps limité par jour sur certains sites web. Cela
fonctionne pas trop mal pendant un temps jusqu’au moment où j’acquiers
le réflexe de désactiver le plugin sans même y penser.
Comme tous les trois ans, il est temps pour moi de lancer un nouveau
cycle et de m’interroger sur mes usages.
Un de mes apprentissages principaux est que toute modification de mon
comportement mental doit s’accompagner chez moi par une modification
physique. Mon esprit suit les réflexes de mon corps. Je tape encore
parfois machinalement dans la barre d’adresse Firefox les premières
lettres de sites procrastinatoires sur lesquels je n’ai plus été depuis
dix ans !
Le second apprentissage est que la radicalité implique une rechute plus
forte. La connexion est nécessaire tous les jours, de manière
imprévisible. Je ne souhaite pas m’isoler, mais concevoir une manière de
fonctionner durable. Créer de nouveaux réflexes.
Une troisième déconnexion
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Pour ma « déconnexion 2025 », j’ai donc pris une grande décision : j’ai
acheté un fauteuil pour remplacer ma chaise de bureau. Pendant toutes
mes études et mes premières années professionnelles, je n’avais que des
chaises de récupération. Au printemps 2008, disposant d’un salaire
stable et d’un appartement, j’achète une chaise de bureau neuve : le
premier prix de chez Ikea. Cette chaise, rafistolée avec des coussins
défoncés dont mes beaux-parents ne voulaient plus, était encore celle
que j’utilisais jusqu’il y a quelques jours. Ce nouveau fauteuil est
donc un très grand changement pour moi.
Et je me suis promis de ne l’utiliser qu’en étant déconnecté.
Pour ce faire, je désactive le wifi dans le Bios de mon ordinateur. J’ai
également organisé un « bureau debout » dans un coin de la pièce, bureau
debout où arrive un câble RJ-45. Si je veux me connecter, je dois donc
physiquement me lever et brancher un câble. Tout ce que je dois faire en
ligne s’effectue désormais en étant debout. Lorsque je suis assis (ou
vautré, pour être plus exact), je suis déconnecté.
J’ai également pris d’autres petites mesures. En premier lieu, mes todos
ne sont plus stockés sur mon ordinateur, mais sur des fiches sur un
tableau de liège. Un comble pour qui se rappelle que j’ai passé
plusieurs années à développer le logiciel « Getting Things GNOME ».
Je revois aussi la gestion de mon email. J’adore recevoir des emails et
de mes lecteurs et j’ai beaucoup de mal à ne pas y répondre. Puis à
répondre à la réponse de ma réponse. Avec le succès de Bikepunk, mon
courrier s’est étoffé et je me retrouve parfois à la fin de la journée
en réalisant que j’ai… « répondu à mes emails ». Des discussions certes
enrichissantes, mais chronophages. Dans bien des cas, je répète dans
plusieurs mails ce qui pourrait être un billet de blog. Considérez que
j’ai lu votre mail, mais que ma réponse alimentera mes prochains billets
de blogs. Certains billets futurs traiteront de thèmes que je n’aborde
pas d’habitude, mais pour lesquels je reçois énormément de questions.
Sur Mastodon, que je ne consulte plus que debout, j’ai pris la décision
de mettre tous les comptes que je suis dans une liste, liste que j’ai
configurée pour qu’elle ne s’affiche pas dans ma timeline. Quand je
consulte Mastodon, je ne vois donc que mes posts à moi et je dois
accomplir une action en plus si je veux voir ce qui se dit (ce que je ne
fais plus tous les jours). Comme avant, les notifications sont
régulièrement « vidées ».
Si vous voulez suivre ce blog, privilégiez le flux RSS ou bien mes deux
newsletters:
Newsletter avec mes billets francophones
https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/
Newsletter avec mes billets en anglais
https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/
À la recherche de l’ennui.
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Déconnexion est un bien grand mot pour simplement dire que je ne serai
plus connecté 100% du temps. Mais telle est l’époque où nous vivons. Cal
Newport parle de l’incroyable productivité de l’écrivain Brandon
Sanderson qui a créé une entreprise de 70 personnes uniquement dédiée à
une seule activité : le laisser écrire le plus possible !
Let Brandon Cook (calnewport.com)
https://calnewport.com/let-brandon-cook/
Si l’exemple est extrême, Cal s’étonne de ce qu’on ne voit pas plus de
structures qui cherchent à favoriser la concentration et la créativité.
Dans un âge où l’hyperdistraction permanente est la norme, il est
nécessaire de se battre et de développer les outils pour se concentrer.
Et s’ennuyer. Surtout s’ennuyer. Car pour réfléchir et créer, l’ennui
est primordial.
D’ailleurs, si je ne m’étais pas ennuyé, je n’aurais jamais écrit ce
billet ! Nous dresserons le bilan dans 3 ans pour ma quatrième
déconnexion…
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De la décadence technologique et des luddites technophiles
by Ploum.net (billets en français uniquement) 06 Feb '25
by Ploum.net (billets en français uniquement) 06 Feb '25
06 Feb '25
DE LA DÉCADENCE TECHNOLOGIQUE ET DES LUDDITES TECHNOPHILES
by Ploum on 2025-02-06
https://ploum.net/2025-02-06-decadence-technologique.html
La valeur de texte brut
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Thierry s’essaie à publier son blog sur le réseau Gemini, mais a du mal
avec le format minimaliste. Qui est justement pour moi la meilleure
partie du protocole Gemini.
La low-tech peut-elle coexister avec la high-tech ? (tcrouzet.com)
https://tcrouzet.com/2025/01/29/low-tech/
Le format Gemini impose, comme dans un livre, du texte pur. Il est
possible d’ajouter un titre, des sous-titres, des liens, des citations,
mais avec une particularité importante : cela doit concerner toute la
ligne, pas une simple partie de texte. Les liens doivent donc être sur
leur propre ligne plutôt que de se perdre et foisonner dans le texte.
Comme ils interrompent la lecture entre deux paragraphes, ils doivent
être explicités et justifiés plutôt que d’être cachés au petit bonheur
du clic.
Il est également impossible de mettre de l’italique ou du gras dans son
texte. Ce qui est une excellente chose. Comme le rappelle Neal
Stephenson dans son « In the beginning was the command line », les
mélanges gras/italiques aléatoires n’ont rien à faire dans un texte.
Prenez un livre et tentez de trouver du texte en gras dans le corps du
texte. Il n’y en a pas et pour une bonne raison : cela ne veut rien
dire, cela perturbe la lecture. Mais lorsque Microsoft Word est apparu,
il a rendu plus facile de mettre en gras que de faire des titres
corrects. Tout comme le clavier azerty a soudainement fait croire qu’il
ne fallait pas mettre d’accent sur les majuscules, l’outil technologique
a appauvri notre rapport au texte.
Car le besoin d’attirer l’attention au milieu d’un texte est un aveu
d’insécurité de l’auteur. Le texte doit exister par lui-même. C’est au
lecteur de choisir ce qu’il veut mettre en avant en surlignant, pas à
l’auteur. Orner un texte d’artifices inutiles pour tenter de combler les
vides porte un nom : la décadence.
Le gras, le word art, le Comic San MS, les powerpoints envoyés par mail,
tous sont des textes décadents qui tentent de camoufler la vacuité ou
l’inanité du contenu.
La décadence inexorable de la tech
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Le texte n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Thierry se pose également beaucoup de questions sur les notions low-tech
et high-tech, notamment dans le médical. Mais le terme « low-tech » est
selon moi trompeur. Je suis un luddite technophile. Contrairement à ce
que la légende prétend, les luddites n’étaient pas du tout opposés à la
technologie. Ils étaient opposés à la propriété technologique par la
classe bourgeoise, ce qui transformait les artisans spécialisés en
interchangeables esclaves des machines. Les luddites n’ont pas tenté de
détruire des métiers à tisser technologiques, mais des machines que
leurs patrons utilisaient pour les exploiter.
Le retour de la vengeance des luddites technophiles (ploum.net)
https://ploum.net/2024-08-26-luddites-technophiles.html
De la même manière, je ne suis pas opposé aux réseaux sociaux
centralisés ni aux chatbots parce que c’est « high tech », mais parce
que ce sont des technologies qui sont activement utilisées pour nous
appauvrir, tant intellectuellement que financièrement. C’est même leur
seul objectif avoué.
Que l’IA soit utilisée pour détecter plus précocement des cancers, je
trouve l’idée formidable. Mais je sais également qu’elle est impossible
dans le contexte actuel. Pas d’un point de vue technique. Mais parce
que, bien utilisée, elle coûtera plus cher que pas d’IA du tout. En
effet, l’IA peut aider en détectant des cancers que le médecin a ratés.
Il faut donc un double diagnostic, tant du médecin que de l’IA et se
poser des questions lorsque les deux sont en désaccord. Il faut payer le
coût de l’IA en plus du surplus du travail du médecin, car il devra
faire plus d’heures vu qu’il devra revoir les diagnostics « divergents »
pour trouver son erreur ou celle de l’IA. L’IA est un outil qui peut
être utile si on accepte qu’il coûte beaucoup plus cher.
Ça, c’est la théorie.
En pratique, une telle technologie est vendue sous prétexte de « faire
des économies ». Elle va forcément induire un relâchement attentionnel
des médecins et, pour justifier les coûts, une diminution du temps
consacré à chaque diagnostic humain. Perdant de l’expérience et de
l’habitude, le diagnostic des médecins va devenir de moins en moins sûr
et, par effet ricochet, les nouveaux médecins vont être de moins en
moins bien formés. Les cancers indétectés par l’IA ne le seront plus par
les humains. L’IA étant entrainée sur les diagnostics réalisés par des
humains, elle va également devenir de moins en moins compétente et
s’autovalider. Au final, nul besoin d’être grand clerc pour voir que si
la technologie est intéressante, son utilisation dans notre contexte
socio-économique ne peut que se révéler catastrophique et n’est
intéressante que pour les vendeurs d’IA.
Le mensonge high tech
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Les partisans du « low tech » ont l’intuition que la « high tech »
cherche à les exploiter. Ils ont raison sur le fond, pas sur la cause.
Ce n’est pas la technologie le nœud du problème, mais sa décadence.
La course à la technologie est une bulle bâtie sur un mensonge. L’idée
n’est pas de construire quelque chose de durable, mais de faire croire
qu’on va le construire pour attirer des investisseurs. Les entreprises
du NASDAQ sont devenues une énorme pyramide de Ponzi. Elles tentent de
se soutenir l’une l’autre à coup de millions, mais perdent toutes
énormément d’argent, ce qu’elles arrivent à cacher grâce au cours de la
bourse.
Godot Isn't Making it (www.wheresyoured.at)
https://www.wheresyoured.at/godot-isnt-making-it/
D’ailleurs, des recherches sérieuses confirment mon intuition : au plus
on comprend ce qu’il y a derrière « l’intelligence artificielle », au
moins on en veut. L’IA est littéralement un piège à ignorants. Et les
producteurs l’ont très bien compris : ils ne veulent pas que l’on
comprenne ce qu’ils font.
Knowing less about AI makes people more open to having it in their lives
- new research (theconversation.com)
https://theconversation.com/knowing-less-about-ai-makes-people-more-open-to…
Ed Zitron continue sur sa lancée avec l’inattendue arrivée de DeepSeek,
le ChatGPT chinois qui est simplement 30 fois moins cher. À la question
« Pourquoi OpenAI et les autres n’ont pas réussi à faire moins cher »,
il propose la réponse rétrospectivement évidente : « Parce que ces
entreprises n’avaient aucun intérêt à faire moins cher. Au plus elles
perdent de l’argent, au plus elles justifient que ce qu’elles font est
cher, au plus elles attirent les investisseurs et effraient de
potentiels compétiteurs ». En bref : parce qu’elles sont complètement
décadentes !
Deep Impact (www.wheresyoured.at)
https://www.wheresyoured.at/deep-impact/
Cory Doctorow parle souvent de merdification, je propose plutôt de
parler de « décadence technologique ». Nous produisons la technologie la
plus chère, la plus complexe et la moins écologique possible par simple
réflexe. Comme pour les orgies romaines, la complexité et le coût ne
sont plus des obstacles, mais les objectifs premiers que nous cherchons
à atteindre.
Ceci explique aussi pourquoi la technologie se retourne complètement
contre ses utilisateurs. Dernièrement, une dame d’un certain âge voulait
me montrer sur son téléphone un post vu sur son compte Facebook. La
moitié de son gigantesque écran de téléphone était littéralement une
publicité fixe pour une voiture. Dans la seconde moitié de l’écran, la
dame scrollait et alternait entre d’autres pubs pour des voitures et ce
qui était probablement du contenu. Son téléphone était doté d’un écran
gigantesque, mais seule une fraction de celui-ci était au service de
l’utilisateur. Et encore, pas complètement.
La bagnole est en soi le parfait exemple de décadence : d’outil, elle
est devenue un symbole qui doit être le plus gros, le plus lourd, le
plus voyant possible. Ce qui entraine une complexité infernale tant en
termes d’espace public que d’espace privé. Les maisons des dernières
décennies sont, pour la plupart, bâties comme des pièces autour d’un
garage. Les villes comme des bâtiments autour de nœuds routiers. La
voiture est devenue le véritable citoyen des villes, les humains n’en
sont que les servants. Le Web suit la même trajectoire avec les robots
remplaçant les voitures.
La frénésie envers l’intelligence artificielle est l’archétype de cette
décadence. Car si les nouveaux outils ont clairement une utilité et
peuvent clairement aider dans certains contextes, nous sommes dans une
situation inverse : trouver un problème auquel appliquer l’outil .
Retour au concept d’utilité
===========================
C’est également la raison pour laquelle Gemini me passionne tellement.
C’est l’outil le plus direct pour transmettre le texte de mon cerveau à
celui d’un lecteur. En ouvrant la porte au gras, à l’italique puis aux
images et au JavaScript, le Web est devenu une jungle décadente. Les
auteurs y publient puis, sans se soucier d’être lus, consultent
avidement les statistiques de clics et de likes. Le texte est de plus en
plus optimisé pour ces statistiques. Avant d’être automatisés par des
robots, robots qui pour s’entrainer vont consulter les textes en ligne
et générer automatiquement des clics.
La boucle de la décadence technologique est bouclée : les contenus sont
lus et générés par les mêmes machines. Les bourgeois capitalistes
propriétaires ont réussi à automatiser totalement tant leurs ouvriers
(les créateurs de contenus) que leurs clients (ceux qui font du clic).
Je ne veux pas servir les propriétaires de plateforme. Je ne veux pas
consommer ce fade et inhumain contenu automatisé. Je tente de comprendre
les conséquences de mes usages technologiques pour en tirer le maximum
d’utilité avec le moins de conséquences négatives possible.
Face à la décadence technologique, je suis devenu un luddite
technophile.
Photo by Anne Fehres and Luke Conroy & AI4Media CC-BY 4.0
https://betterimagesofai.org/images?artist=AnneFehresandLukeConroy&title=Hu…
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Et si on arrêtait d’être de bons petits consultantsobéissants ?
by Ploum.net (billets en français uniquement) 29 Jan '25
by Ploum.net (billets en français uniquement) 29 Jan '25
29 Jan '25
ET SI ON ARRÊTAIT D’ÊTRE DE BONS PETITS CONSULTANTS OBÉISSANTS ?
by Ploum on 2025-01-29
https://ploum.net/2025-01-29-bon_consultant.html
Le cauchemar des examens
========================
Régulièrement, je me réveille la nuit avec une boule dans le ventre et
une bouffée de panique à l’idée que je n’ai pas étudié mon examen à
l’université. Cela fait 20 ans que je n’ai plus passé d’examen et
pourtant j’en suis encore traumatisé.
Du coup, j’essaye de proposer à mes étudiants un examen le moins
stressant possible. Si un étudiant n’est vraiment nulle part, je profite
de l’adrénaline inhérente à un examen pour tenter de lui inculquer les
concepts. Parfois, je demande à un étudiant d’enseigner la matière à
l’autre. J’impose toute de même certaines règles vestimentaires : la
cravate est interdite, mais tout le reste est encouragé. J’ai déjà eu
des étudiants en peignoir, un étudiant en costume traditionnel de son
pays, et toujours insurpassé, une étudiante en costume complet de Minnie
(avec les oreilles, le maquillage, les chaussures, la totale !). Cette
année j’ai eu droit… à une banane !
Un étudiant passe son examen déguisé en banane.
https://ploum.net/files/banane_exam.jpg
Le monopole de l’East India Company
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J’encourage également les étudiants à venir avec leur propre sujet
d’examen.
Un de mes étudiants m’a proposé cet article qui compare Google avec
l’East India Company qui, comme tous les empires, a fini par s’écrouler
sous son propre poids. J’aime l’analogie et la morale : on ne gagne le
pouvoir qu’en se faisant des ennemis. C’est lorsqu’on croit avoir le
plus de pouvoirs qu’on a le plus d’ennemis qui n’ont rien à perdre et
qui veulent se venger. Trump, Facebook, Google. Ils sont au sommet. Mais
chaque jour les rangs des rebelles sont étoffés par ceux qui ont cru que
leur allégeance et leur soumission leur offriraient une fraction de
pouvoir ou de richesse avant d’être déçus. Car le pouvoir absolu ne se
partage pas. Il ne se partage, par définition, jamais.
Google Is Now the East India Company of the Internet (substack.com)
https://substack.com/home/post/p-153427851
Bon, l’article est fort naïf sur certains aspects. Il dit par exemple
qu’AT&T n’a pas exploité sa position dominante parce qu’il suivait une
certaine éthique. C’est faux. AT&T n’a pas exploité sa position
dominante tout simplement parce que l’entreprise était sous la menace
d’un procès pour abus de position dominante. La crainte du procès est ce
qui a permis le succès d’UNIX (développé par AT&T) et d’Internet.
Lorsque IBM a commencé à avoir une position dominante dans le marché
informatique naissant, la crainte d’un procès est ce qui a permis la
standardisation du PC que l’on connait aujourd’hui et ce qui a permis
l’apparition de l’industrie logicielle où s’est engouffrée Microsoft.
Mais je vous ai déjà raconté cette histoire :
L’histoire du logiciel : entre collaboration et confiscation des
libertés (ploum.net)
https://ploum.net/lhistoire-du-logiciel-entre-collaboration-et-confiscation…
Malheureusement, tout change dans les années 1980 avec la présidence de
Reagan (le Trump de l’époque). Ses conseillers instaurent l’idée que les
monopoles ne sont finalement pas si nocifs, ils sont même plutôt bons
pour l’économie (surtout les économies des politiciens qui ont des
actions dans ces monopoles). Du coup, on va beaucoup moins les
poursuivre, voire les encourager. De là les succès de Microsoft, Google
et Facebook qui, malgré les procès, n’ont pas été scindés ni n’ont
jamais dû adapter leurs pratiques.
La terrifiante hégémonie des monopoles (ploum.net)
https://ploum.net/la-terrifiante-hegemonie-des-monopoles/index.html
Si vous lisez ceci, ça vous parait sans doute absurde : comment peut-on
justifier que les monopoles ne sont pas nocifs juste pour enrichir les
politiciens ? Quelle astuce utiliser ?
Le secret ? Il n’y a pas d’astuce. Pas besoin de se justifier. Il suffit
de le faire. Et pour tous les aspects pratiques de n’importe quelle loi,
aussi absurde et injuste soit-elle, il suffit de se passer des
fonctionnaires scrupuleux et de tout faire faire par des cabinets de
consultance. Enfin, surtout un : McKinsey.
McKinsey et la naïveté de la bonté
==================================
Étudiant, j’ai participé à une soirée d’embauche de McKinsey. Bon, je
n’avais pas trop d’espoir, car ils annonçaient ne prendre que celleux
avec les meilleurs points (ce dont j’étais loin), mais je me suis dit
qu’on ne savait jamais. Je n’avais aucune idée de ce qu’était McKinsey
ni de ce qu’ils faisaient, je savais juste que c’était une sorte de
Graal vu qu’ils ne prenaient que les meilleurs.
Assis dans un auditoire, j’ai assisté à la présentation de « cas »
réels. Une employée de McKinsey, qui a annoncé avoir fait les mêmes
études que moi quelques années auparavant (mais avec de bien meilleurs
résultats), a présenté son travail. Il s’agissait de réaliser la fusion
de deux entités dont les noms avaient été cachés. Sur l’écran
s’affichait des colonnes de « ressources » pour chaque entité puis
comment la fusion permettait d’économiser les ressources.
J’étais d’abord un peu perdu dans le jargon. J’ai posé quelques
questions et finis par comprendre que les « ressources » étaient des
employé·e·s. Que ce que je voyais était avant tout un plan de
licenciement brutal. J’ai interrompu la présentation pour demander
comment étaient pris en compte les aspects éthiques. J’ai eu droit à une
réponse standard comme quoi « l’éthique était primordiale chez McKinsey,
qu’ils suivaient des règles strictes ». J’ai insisté, j’ai creusé. Parmi
la cinquantaine d’étudiants participants, j’étais le seul à prendre la
parole, j’étais le seul à m’étonner (j’en ai discuté après avec
d’autres, personne ne semblait avoir vu le problème). J’ai demandé à la
présentatrice de me donner un exemple d’une des fameuses règles de
l’éthique McKinsey. Et j’ai obtenu cette réponse qui est restée gravée
dans ma mémoire : « Un consultant McKinsey doit toujours favoriser
l’intérêt de son client, quoi qu’il arrive ».
Après la présentation, je suis allé trouver la consultante en question.
Autour d’un petit four, j’ai insisté une fois de plus sur l’éthique.
Elle m’a ressorti le même blabla. Je lui ai alors dit que je ne parlais
pas de ça. Que toutes ses colonnes de chiffres étaient des personnes qui
allaient perdre leur emploi, que la fusion allait avoir un impact
économique important sur des milliers de familles et que je me demandais
comment cet aspect était envisagé.
Elle a ouvert la bouche. Son visage s’est décomposé. Et la brillante
ingénieure qui avait réussi les études les plus difficiles avec les
meilleurs points m’a répondu :
« Je n’avais jamais pensé à ça… »
Même les personnes soi-disant les plus intelligentes ne pensent pas.
Elles obéissent. « Ne recruter que les meilleurs » n’était pas une
technique de recrutement, mais bien une manière de créer un élitisme de
façade qui empêchait les heureux élus de se poser des questions.
« Je n’avais jamais pensé à ça… »
=================================
À mon examen, j’ai eu une étudiante particulièrement brillante. Je lui
ai dit que, vu sa compréhension hyper fine, j’attendais d’elle qu’elle
questionne plus les choses, qu’elle réagisse surtout face à d’autres,
moins brillants, mais plus sûrs d’eux. Elle est clairement plus
intelligente que moi alors pourquoi n’intervient-elle pas pour me
signaler lorsque je suis incohérent ? Le monde a besoin de gens
intelligents qui posent des questions. Elle s’est défendue : « Mais on
m’a toujours appris à faire le contraire ! ».
Dans un très bon article, Garrison Lovely revient sur la stratégie de
McKinsey.
> Le fait que les personnes qui avaient participé à une manifestation
contre Trump soient ensuite des pièces centrales [en temps que
consultants McKinsey] de sa politique de déportation est, en un sens,
tout ce qu’il faut savoir.
> McKinsey exécute, ne fait pas de politique
L’auteur interroge sur ce qui aurait empêché McKinsey d’optimiser la
fourniture de fils barbelés des camps de concentration. La réponse tombe
: "McKinsey a des valeurs". Des valeurs qui sont enseignées et répétées
lors des "Values Days". 20 ans après ma propre expérience d’une soirée
McKinsey, rien n’a changé.
Confessions of a McKinsey Whistleblower (www.thenation.com)
https://www.thenation.com/article/society/mckinsey-whistleblower-confession…
La naïveté du bien
==================
Le problème des gens bons et subtils, c’est qu’ils n’arrivent pas à
imaginer que l’arnaque est fondamentalement malhonnête et pas subtile.
Ils cherchent à comprendre, à expliquer, à justifier.
Il n’y a rien à comprendre : le malhonnête cherche son profit de manière
directe et non subtile. C’est tellement évident que même les plus
subtils laissent passer en se disant que ça cache « autre chose ».
Je vois passer des messages qui disent que Trump ou Musk font des choses
illégales. Qu’ils ne respectent pas les règles.
Ben justement. C’est le principe.
Que Trump ne peut décemment pas avoir triché aux élections parce que
« quelqu’un » se serait opposé. Quelqu’un ? Mais qui ? Ceux qui
obéissent à leurs chefs sans poser de questions parce que c’est leur
boulot ? Ceux qui ont peur de perdre leur place et qui préfèrent ménager
celui qui a gagné les élections ? Ceux qui, au contraire, se disent
qu’ils peuvent faire une bonne affaire en brossant le vainqueur dans le
sens du poil ?
Si Trump avait été condamné pour son implication dans l’insurrection du
6 janvier, tout le monde lui serait tombé dessus et se serait disputé sa
dépouille. Mais même les juges impliqués savaient qu’il pouvait
redevenir président. Qu’il utiliserait son pouvoir pour punir toute
personne impliquée dans sa condamnation. Il était moins risqué de
soutenir Trump que le contraire. La majorité des gens, même les plus
puissants, surtout les plus puissants, sont des moutons terrorisés par
le bâton et à l’affut de la moindre petite carotte.
Les seuls qui peuvent s’indigner sont celleux qui ont un sens moral
fort, qui n’ont rien à perdre, qui n’ont rien à gagner, qui ont la force
et l’énergie de s’indigner, le temps pour le faire et les réseaux pour
se faire entendre. J’insiste sur le « et » logique. Il faut que toutes
ces conditions soient remplies. Et force est de constater que ça ne fait
pas beaucoup de monde.
Surtout quand on réalise que ce « pas beaucoup de monde » est
majoritairement peuplé d’idéalistes qui ne veulent pas croire que la
personne en face puisse être à ce point dénuée de sens moral et de
scrupule. Alors, comme des crétins, ils tentent de se faire entendre…
sur X ou sur Facebook, des plateformes qui appartiennent à ceux qu’ils
cherchent à combattre.
Celleux qui se plaignent sur ces plateformes ont l’impression d’être
actifs, mais ils sont algorithmiquement enfermés dans leur petite bulle
où iels n’auront aucun impact sur le reste du monde.
« Bon » et « bête » ça commence par la même lettre. On a ce qu’on
mérite. Le simple fait d’avoir gardé un compte sur X après le rachat par
Elon Musk était un vote virtuel pour Trump. Tout le monde le savait.
Vous le saviez. Vous ne pouviez pas ne pas le savoir. C’est juste que,
comme un bon consultant McKinsey, vous vous disiez que « ça n’était pas
si grave que ça ». Qu’ « il y a des règles, non ? ». Si vous me lisez,
vous êtes, comme beaucoup, une bonne personne et donc incapable
d’imaginer qu’Elon Musk puisse avoir simplement et très ouvertement
manipulé son réseau social pour favoriser Trump.
Mieux vaut tard que jamais
==========================
Mais il n’est jamais trop tard pour réagir. Le 1er février est annoncé
comme le « Global Switch Day ». Vous êtes invités à migrer de X vers
Mastodon.
Le 1er février, migrez de X vers Mastodon
https://ploum.net/files/x_mastodon.png
Mastodon qui devient une fondation. Ça fait plaisir de voir qu’Eugen, le
créateur de Mastodon qui tout un temps s’enorgueillait du titre de « CEO
de Mastodon » se rend compte que cette pression est énorme, qu’il ne
joue pas dans la même cour et que Mastodon est un bien commun. En se
faisant appeler « CEO », Meta le flattait pour obtenir sa coopération.
Eugen semble avoir compris qu’il se perdait. Excellente interview de
Renaud, développeur Mastodon.
Quitter X, mais pour Mastodon ou BlueSky ? (basta.media)
https://basta.media/mastodon-bien-commun-surtout-vu-environnement-mediatiqu…
Thierry Crouzet fait la comparaison avec les résistants.
Le technofascisme est-il une fatalité ? (tcrouzet.com)
https://tcrouzet.com/2025/01/24/technofascisme/
En parallèle, Dansup développe Pixelfed, qui ressemble à Instagram. Ce
qui est génial c’est que vous pouvez suivre des gens sur Mastodon depuis
Pixelfed et vice-versa (enfin, en théorie, faudra qu’on en reparle, car,
depuis Pixelfed, vous ne verrez pour le moment que les messages
Mastodon contenant une image, j’espère que ça évoluera).
Pixelfed a attiré tellement de gens dégoutés par Meta (propriétaire
d’Instagram) que Dansup s’est vu assailli par les investisseurs désireux
de mettre des sous dans son "entreprise".
Le 1er février, migrez de Instagram vers Pixelfed
https://ploum.net/files/instagram_pixelfed.png
Dommage pour eux, comme Mastodon, Pixelfed est un bien public. Il est et
sera financé par les dons. Dansup lance d’ailleurs une campagne
Kickstarter :
Pixelfed’s Kickstarter
https://www.kickstarter.com/projects/pixelfed/pixelfed-foundation-2024-real…
Signal et la messagerie
=======================
Lors de mon examen, la plupart des étudiants ont eu des questions sur le
Fediverse ou sur Signal. Ce qui m’a permis de sonder leurs utilisations
des réseaux sociaux et messageries. Fait marrant : ils sont tous sur des
réseaux où ils pensent que « tout le monde est ». Mais, sans communiquer
entre eux, ne sont pas d’accord sur quel est le réseau où tout le monde
est. J’ai eu des étudiants qui ne jurent que par Instagram et d’autres
qui n’ont jamais eu de compte. J’ai eu un étudiant qui est sur Facebook
Messenger et sur Signal, mais n’a jamais éprouvé le besoin d’être sur
Whatsapp. À côté de lui, un autre étudiant n’avait tout simplement
jamais entendu parler de Signal. Il n’y a que Discord qui semble faire
l’unanimité.
Celleux qui utilisaient Signal disaient tou·te·s qu’iels regrettaient
que Signal ne soit pas plus utilisé. Et bien, le 1er février, c’est
l’occasion !
Le 1er février, migrez de Whatsapp vers Signal
https://ploum.net/files/whatsapp_signal.png
Alors, c’est peut-être le moment d’arrêter de jouer au bon petit
consultant McKinsey ! Surtout si vous n’êtes pas payé pour ça…
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Ne venez pas dire que vous n’étiez pas prévenus…
by Ploum.net (billets en français uniquement) 20 Jan '25
by Ploum.net (billets en français uniquement) 20 Jan '25
20 Jan '25
NE VENEZ PAS DIRE QUE VOUS N’ÉTIEZ PAS PRÉVENUS…
by Ploum on 2025-01-20
https://ploum.net/2025-01-20-vous-etiez-prevenus.html
…c’est juste que vous pensiez ne pas être concernés
===================================================
Depuis des décennies, je fais partie de ces gens qui tentent d’alerter
sur les terrifiantes possibilités qu’offre l’aveuglement technologique
dans lequel nous sommes plongés.
Je croyais que je devais expliquer, informer encore et encore.
Je découvre avec effroi que même ceux qui comprennent ce que je dis
n’agissent pas. Voire agissent dans le sens contraire. Les électeurs de
Trump, pour la plupart, savent très bien ce qui va arriver. Les artistes
défendent Facebook et Spotify. Les politiciens les plus à gauche restent
accrochés à X comme leur seule fenêtre sur le monde. Pourtant, ils sont
prévenus !
C’est juste qu’ils croient qu’ils ne sont pas concernés. C’est juste que
nous pensons naïvement que ça n’arrive qu’aux autres. Que nous sommes,
d’une manière ou d’une autre, parmi ceux qui seront les privilégiés.
Je suis un homme. Blanc. Cisgenre. Avec un très bon diplôme. Une très
bonne situation. Dans un des endroits les plus protégés, les plus
démocratiques. Bref, je serai parmi les tout derniers à souffrir des
effets combinés de la politique et de la technologie.
Et j’ai peur. Je suis terrifié.
J’ai peur de l’espionnage permanent
===================================
Nous nous soumettons volontairement et presque consciemment à un
espionnage permanent. Je vous avais déjà raconté que même les
distributeurs de boissons font de la reconnaissance faciale !
Lectures : Une société de mensonges (ploum.net)
https://ploum.net/2024-03-15-lectures-mensonges.html
Comme le souligne Post Tenebras Lire, la réalité ressemble de plus en
plus à mon roman Printeurs.
Printeurs - Ploum - (post-tenebras-lire.net)
https://post-tenebras-lire.net/printeurs-ploum/
Mais la réalité a complètement dépassé la fiction, le cas le plus
emblématique étant ce qui arrive aux Ouïghours qui sont contrôlés en
permanence, dont la moindre image postée sur les réseaux sociaux (même
si elle a été effacée depuis des années) peut servir d’excuse pour être
enfermé.
Terror Capitalism : sur un livre de Darren Byler au sujet des Ouïghours
au Xinjiang (outsiderland.com)
https://outsiderland.com/danahilliot/terror-capitalism-sur-un-livre-de-darr…
Fuir les réseaux sociaux ? C’est trop tard pour eux, car le simple fait
de ne pas avoir un smartphone est considéré comme suspect. Tout comme,
en France, le fait d’utiliser Signal a déjà été considéré comme un
élément à charge suffisant pour suspecter l’utilisateur d’écoterrorisme.
(une seule solution pour contrer cela: migrer massivement vers Signal !)
Je le dis et je le répète : vous avez le droit de quitter les réseaux
sociaux propriétaires. Vous avez le droit de désinstaller Whatsapp pour
Signal. Si vous avez le moindre doute, je vous garantis que vous vous
sentirez nettement mieux après.
Pourquoi j’ai supprimé mon compte Twitter (et pourquoi vous pouvez
probablement en faire autant sans hésiter) (ploum.net)
https://ploum.net/2023-10-29-le-droit-de-supprimer-twitter.html
Ne venez pas dire que vous n’étiez pas prévenus.
J’ai peur de l’uniformisation abrutie
=====================================
Les algorithmes des plateformes propriétaires leur permettent de vous
imposer leur choix, leur vision du monde. X/Twitter cache les démocrates
et met Trump en avant pendant les élections. Facebook cache le moindre
bout de nichon, mais promeut les nazis. Ce n’est donc pas une surprise
d’apprendre que Spotify fait exactement la même chose en générant de la
musique qui est ensuite imposée dans les playlists, surtout celle qui
sont de type "musique de fond/musique d’ambiance".
De cette manière, ils ne doivent pas payer de royalties aux musiciens.
Qui n’en touchent déjà pas beaucoup.
The Ugly Truth About Spotify Is Finally Revealed (www.honest-broker.com)
https://www.honest-broker.com/p/the-ugly-truth-about-spotify-is-finally
Je suis un pirate. Lorsque je découvre un groupe qui me parle, je
télécharge plusieurs albums illégalement en MP3. Si j’aime bien,
j’achète les MP3 légaux sans DRM (ce que permet Bandcamp par exemple).
Je suis un pirate, mais en achetant l’album directement, je fais plus
pour l’artiste plus que des centaines voire des milliers de streams.
Le CEO de Spotify gagne chaque année plus d’argent que Taylor Swift. Il
est plus riche que Paul McCartney ou Mick Jagger après 50 ans de
carrière chacun.
Les pirates sont aux artistes ce que les immigrés sont aux pauvres : un
bouc émissaire bien pratique. Et, en attendant, Amazon et Spotify tuent
les artistes et nous baignent dans une mélasse uniformisée.
C’est bien pour ça que l’IA semble si intéressante pour le business :
c’est, par définition, une production de mélasse fade et uniforme.
I Will Fucking Piledrive You If You Mention AI Again
(ludic.mataroa.blog)
https://ludic.mataroa.blog/blog/i-will-fucking-piledrive-you-if-you-mention…
IA qui sont entraînées en utilisant… les bases de données pirates ! Car,
oui, Meta a entrainé ses IA sur la base de données libgen.is.
Meta Secretly Trained Its AI on a Notorious Piracy Database, Newly
Unredacted Court Docs Reveal (www.wired.com)
https://www.wired.com/story/new-documents-unredacted-meta-copyright-ai-laws…
Ne venez pas dire que vous n’étiez pas prévenus.
Rappel: libgen.is est aux livres ce que thepirateby est aux films. Une
gigantesque bibliothèque pirate, un bastion de préservation de la
culture. Je n’exagère pas : lors d’un dîner, mon ami Henri Lœvenbruck
m’a parlé d’un livre assez vieux qui n’était plus édité et qui était
devenu introuvable. Même dans les bibliothèques, les bouquineries et les
catalogues en ligne, il ne parvenait pas à mettre la main sur ce livre.
Livre que j’ai trouvé, devant lui, sur libgen.is en quelques secondes.
Ceux que vous accusez d’être des pirates sont les défenseurs, les
protecteurs et les diffuseurs de la culture humaine. Et puisque Meta
utilise libgen.is pour entrainer ses IA, ce n’est plus vraiment du
piratage, vous avez moralement le droit d’utiliser cette bibliothèque
partagée. Sur laquelle, soit dit en passant, je vous encourage à
découvrir mes livres si vous ne voulez/pouvez pas les payer.
Ploum sur Library Genesis (libgen.is)
https://libgen.is/fiction/?q=ploum&criteria=&language=&format=
J’ai peur de voir disparaitre la démocratie
===========================================
Tous les experts le clament depuis 25 ans : le vote électronique enterre
complètement la démocratie.
Pour ou contre le vote électronique ? (ploum.net)
https://ploum.net/157-pour-ou-contre-le-vote-electronique/index.html
La tricherie n’a même pas besoin d’être subtile ni même plausible. Le
marketing et la politique ont découvert que les 5% d’intellectuels qui
s’indignent ne pèsent pas lourd. Que le reste de la population ne
demande qu’une chose : qu’on leur mente !
Ils nous mentent (ploum.net)
https://ploum.net/2024-10-24-ils-nous-mentent.html
Les personnes qui mettent en place le vote électronique sont des gens
malhonnêtes qui espèrent en tirer profit sans se rendre compte que leurs
adversaires peuvent faire de même.
Ou alors des complets crétins.
Mais les deux ne sont pas incompatibles.
Dans tous les cas, ce sont les fossoyeurs de la démocratie.
Il est presque certain que Trump a triché pour être élu en piratant les
systèmes de vote.
Cyber-Security Experts Warn Election Was Hacked (www.planetcritical.com)
https://www.planetcritical.com/p/cyber-security-experts-warn-election-hacke…
J’en étais convaincu depuis bien avant l’élection. Pourquoi ? Tout
simplement parce que Georges W. Bush l’a fait avant lui en 2000 et que
ça a très bien fonctionné. Le CEO de Diebold, la société en charge de
construire les ordinateurs de vote, avait d’ailleurs déclaré à l’époque
qu’il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour que Georges W. Bush
soit élu.
Georges W. Bush a d’ailleurs perdu cette élection. Sur absolument tous
les critères. Mais Al Gore a préféré reconnaître une défaite
mathématiquement impossible en Floride pour éviter des débordements de
violence.
To Stop an Electoral Coup, Study What Went Wrong in the 2000 Florida
Recount (jacobin.com)
https://jacobin.com/2020/10/trump-coup-florida-2000-recount
La tricherie et la violence ont permis à Georges W Bush de devenir
président à la place d’Al Gore, ce qui a consacré cette stratégie
électorale et durablement orienté le monde entier.
Et si Al Gore était devenu président des États-Unis en 2000 ?
(ploum.net)
https://ploum.net/et-si-al-gore-etait-devenu-president-des-etats-unis-en-20…
Grâce au vote électronique et aux connexions de Trump avec la Silicon
Valley (Elon Musk, Peter Thiel, …), Trump avait la possibilité de
tricher très facilement.
La question n’est donc pas de savoir s’il l’a fait, mais « Qu’est-ce qui
l’aurait empêché de le faire ? »
Réponse : rien.
Ne vous demandez pas s’il est probable que Trump ait triché, mais, au
contraire, s’il est probable qu’il ne l’ait pas fait.
Résumons : l’équipe de Trump avait clairement les moyens de pirater le
vote électronique. Elle avait les données nécessaires (souvenez-vous
d’Elon Musk offrant un million de dollars dans une tombola en échange
des données personnelles des votants). Et Trump a obtenu un résultat
statistiquement incroyablement improbable : gagner les sept swing states
en gagnant juste les comtés les plus disputés avec juste ce qu’il faut
de marge pour éviter un recompte et avec entre 5% et 7% de "bullet
votes" (des bulletins juste pour Trump, mais ne participant pas aux
autres élections) alors que la norme pour les "bullet votes" est entre…
0,05% et 1% dans les cas extrêmes (ce qui est le cas dans les comtés
moins disputés). Le tout en ayant exactement le même nombre de voix que
lors de l’élection de 2020.
Mais vous savez quoi ?
Cela ne change rien. Parce que depuis Al Gore, on sait que les
républicains trichent à outrance et que les démocrates, pour être élus,
ne doivent pas juste remporter l’élection : ils doivent la gagner à un
tel point que même les tricheries ne soient pas suffisantes. Cela ne
veut pas dire que les démocrates ne trichent pas. Mais juste qu’ils le
font moins bien ou qu’ils ont une certaine retenue quand ils le font.
La tromperie et la menace de violence gouvernent. Pendant que les
politiciens vaguement plus progressistes/humanistes perdent les
élections en tentant d’obtenir des followers sur des réseaux sociaux
propriétaires totalement contrôlés par leur ennemi juré. Ils sont peut-
être moins malhonnêtes, mais totalement crétins.
Ne venez pas dire que vous n’étiez pas prévenus. C’est juste que vous
pensiez ne pas être concernés.
Photo par Cris Ramos
https://www.pexels.com/fr-fr/photo/30257395/
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MON COLLÈGUE JULIUS
by Ploum on 2024-12-23
https://ploum.net/2024-12-23-julius-fr.html
Translation in English
https://ploum.net/2024-12-23-julius-en.html
Vous connaissez Julius ? Mais si, Julius ! Vous voyez certainement de
qui je veux parler !
J’ai rencontré Julius à l’université. Un jeune homme discret,
sympathique, le sourire aux lèvres. Ce qui m’a d’abord frappé chez
Julius, outre ses vêtements toujours parfaitement repassés, c’est la
qualité de son écoute. Il ne m’interrompait jamais, acceptait de s’être
trompé et répondait sans hésiter à toutes mes interrogations.
Il allait à tous les cours, demandait souvent les notes des autres pour
« comparer avec les siennes » comme il disait. Et puis il y eut le
fameux projet informatique. Nous devions, en équipe, coder un logiciel
système assez complexe en utilisant le langage C. Julius participait à
toutes nos réunions, mais je ne me souviens pas de l’avoir vu écrire une
seule ligne de code. Au final, je crois qu’il s’est contenté de faire la
mise en page du rapport. Qui était très bien.
De par sa prestance et son élégance, Julius était tout désigné pour
faire la présentation finale. Je suis sûr qu’il a fait du théâtre, car,
à son charisme naturel, il ajoute une diction parfaite. Il émane de sa
personne une impression de confiance innée.
À tel point que les professeurs n’ont pas tout de suite réalisé le
problème lorsqu’il s’est mis à parler de la machine virtuelle C utilisée
dans notre projet. Il avait intégré dans la présentation un slide avec
un logo que je n’avais jamais vu, un screenshot et des termes n’ayant
aucun rapport avec quoi que ce soit de connu en informatique.
Pour celleux qui ne connaissent pas l’informatique, le C est un langage
compilé. Il n’a pas besoin d’une machine virtuelle. Parler de machine
virtuelle C, c’est comme parler du carburateur d’une voiture électrique.
Cela n’a tout simplement aucun sens.
Je me suis levé, j’ai interrompu Julius et j’ai improvisé en disant
qu’il s’agissait d’une simple blague entre nous. « Bien entendu ! » a
fait Julius en me regardant avec un grand sourire. Le jury de projet
était perplexe, mais j’ai sauvé les meubles.
Durant toutes nos études, j’ai entendu plusieurs professeurs discuter du
« cas Julius ». Certains le trouvaient très bon. D’autres disaient qu’il
avait des lacunes profondes. Mais, malgré des échecs dans certaines
matières, il a fini par avoir son diplôme en même temps que moi.
Nos chemins se sont ensuite séparés durant plusieurs années.
Alors que je travaillais depuis presque une décennie dans une grande
entreprise où j’avais acquis de belles responsabilités, mon chef m’a
annoncé que les recruteurs avaient trouvé la perle rare pour renforcer
l’équipe. Un CV hors-norme m’a-t-il dit.
À la coupe parfaite de son costume, à sa démarche et sa prestance, je
reconnus Julius avant même de voir son visage.
Julius ! Mon vieux camarade !
Si j’avais vieilli, il semblait avoir mûri. Toujours autant de charisme,
d’assurance. Il portait désormais une barbe de trois jours légèrement
grisonnante qui lui donnait un air de sage autorité. Il semblait
sincèrement content de me revoir.
Nous parlâmes du passé et de nos carrières respectives. Contrairement à
moi, Julius n’était jamais resté très longtemps dans la même entreprise.
Il partait après un an, parfois moins. Son CV était impressionnant : il
avait acquis diverses expériences, il avait touché à tous les domaines
de l’informatique. À chaque fois, il montait en compétence et en
salaire. Je devais découvrir plus tard que, alors que nous occupions une
position similaire, il avait été engagé pour le double de mon salaire.
Plus des primes dont j’ignorais jusqu’à l’existence.
Mais je n’étais pas au courant de cet aspect des choses lorsque nous
nous mîmes au travail. Au début, je tentai de le former sur nos projets
et nos process internes. Je lui donnais des tâches sur lesquelles il me
posait des questions. Beaucoup de questions pas toujours très
pertinentes. Avec ce calme olympien et cet éternel sourire qui le
caractérisait.
Parfois il prenait des initiatives. Écrivait du code ou de la
documentation. Il avait réponse à toutes les questions que nous pouvions
nous poser, quel que soit le domaine. C’était quelquefois très bon,
souvent médiocre voire du grand n’importe quoi. Il nous a fallu un
certain temps pour comprendre que chacune des contributions de Julius
nécessitait d’être entièrement revue et corrigée par un autre membre de
l’équipe. Si nous ne connaissions pas le domaine, il fallait le faire
vérifier par un expert externe. Très vite, le mot d’ordre fut qu’aucun
document issu de Julius ne devait être rendu public avant d’avoir été
relu par deux d’entre nous.
Mais Julius excellait dans la mise en page, la présentation et la
gestion des réunions. Régulièrement, mon chef s’approchait de moi et me
disait : « On a vraiment de la chance d’avoir ce Julius ! Quel talent !
Quel apport à l’équipe ! »
J’essayais vainement d’expliquer que Julius ne comprenait rien à ce que
nous faisions, que nous en étions au point où nous l’envoyions à des
réunions inutiles pour nous en débarrasser afin de ne pas avoir à
répondre et ses questions et corriger son travail. Mais même cette
stratégie avait ses limites.
Il nous a fallu une semaine de réunion de crises pour expliquer à un
client déçu par une mise à jour de notre logiciel que, si Julius avait
promis que l’interface serait simplifiée pour ne comporter qu’un seul
bouton qui ferait uniquement ce que voulait justement le client, il y
avait un malentendu. Qu’à part développer une machine qui lisait dans
les pensées, c’était impossible de répondre à des besoins aussi
complexes que les siens avec un seul bouton.
C’est lorsque j’ai entendu Julius prétendre à un autre client, paniqué à
l’idée de se faire « hacker », que, par mesure de sécurité, nos serveurs
connectés à Internet n’avaient pas d’adresse IP que nous avons du lui
interdire de rencontrer un client seul.
Pour celleux qui ne connaissent pas l’informatique, le "I" de l’adresse
IP signifie Internet. La définition même d’Internet est l’ensemble des
ordinateurs interconnectés possédant une adresse IP.
Être sur Internet sans adresse IP, c’est comme prétendre être joignable
par téléphone sans avoir de numéro.
L’équipe s’était désormais organisée pour que l’un d’entre nous ait en
permanence la charge d’occuper Julius. Je n’ai jamais voulu dire du mal
à son sujet, car c’était mon ami. Une codeuse exaspérée a cependant
exposé le problème à mon chef. Qui lui a répondu en l’accusant de
jalousie, car il était très satisfait du travail de Julius. Elle a reçu
un blâme et a démissionné un peu après.
Heureusement, Julius nous a un jour annoncé qu’il nous quittait, car il
avait reçu une offre qu’il ne pouvait pas refuser. Il a apporté des
gâteaux pour fêter son dernier jour avec nous. Mon chef et tout le
département des ressources humaines étaient sincèrement tristes de le
voir partir.
J’ai dit au revoir à Julius et ne l’ai plus jamais revu. Sur son compte
LinkedIn, qui est très actif et reçoit des centaines de commentaires,
l’année qu’il a passée avec nous est devenue une expérience incroyable.
Il n’a pourtant rien exagéré. Tout est vrai. Mais sa façon de tourner
les mots et une certaine modestie mal camouflée donne l’impression qu’il
a vraiment apporté beaucoup à l’équipe. Il semblerait qu’il soit ensuite
devenu adjoint de la CEO puis CEO par intérim d’une startup qui venait
d’être rachetée par une multinationale. Un journal économique a fait un
article à son sujet. Après cet épisode, il a rejoint un cabinet
ministériel. Une carrière fulgurante !
De mon côté, j’ai essayé d’oublier Julius. Mais, dernièrement, mon chef
est venu avec un énorme sourire. Il avait rencontré le commercial d’une
boîte qui l’avait ébahi par ses produits. Des logiciels d’intelligence
artificielle qui allait, je cite, doper notre productivité !
J’ai désormais un logiciel d’intelligence artificielle qui m’aide à
coder. Un autre qui m’aide à chercher des informations. Un troisième qui
résume et rédige mes emails. Je n’ai pas le droit de les désactiver.
À chaque instant, à chaque seconde, j’ai l’impression d’être entouré par
Julius. Par des dizaines de Julius.
Je dois travailler cerné par des Julius. Chaque clic sur mon ordinateur,
chaque notification sur mon téléphone semble provenir de Julius. Ma vie
est un enfer pavé de Julius.
Mon chef est venu me voir. Il m’a dit que la productivité de l’équipe
baissait dangereusement. Que nous devrions utiliser plus efficacement
les intelligences artificielles. Que nous risquions de nous faire
dépasser par les concurrents qui, eux, utilisent à n’en pas douter les
toutes dernières intelligences artificielles. Qu’il avait mandaté un
consultant pour nous installer une intelligence artificielle de gestion
du temps et de la productivité.
Je me suis mis à pleurer. « Encore un Julius ! » ai-je sangloté.
Mon chef a soupiré. Il m’a tapoté l’épaule et m’a dit : « Je comprends.
Moi aussi je regrette Julius. Il nous aurait certainement aidés à passer
ce moment difficile. »
Inspiré par un post d’Étienne sur Mastodon
https://mamot.fr/@eti42b@mastodon.social/113675679701829415
Image de Max Gruber/Better Images of AI
https://betterimagesofai.org/images?artist=MaxGruber&title=Clickworker3d-pr…
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18 Dec '24
L’URGENCE DE SOUTENIR L’ÉNERGIE DU LIBRE
by Ploum on 2024-12-18
https://ploum.net/2024-12-18-april.html
> Éditorial rédigé pour le Lama déchaîné n°9, l’hebdomadaire réalisé par
l’April afin d’alerter sur la précarité financière de l’association.
J’étais limité à 300 mots. Pour un bavard comme moi, c’est un exercice
très difficile ! (il est déchaîné… hi hi hi ! Elle est amusante celle-
là, je viens de la comprendre )
Le Lama déchaîné n°9
https://april.org/campagne/numero/9/
Montée de l’extrémisme, catastrophes climatiques, crises politiques et
sociales, guerres. Entre ces urgences, est-il encore raisonnable de
consacrer de l’énergie au logiciel libre, aux communs numériques et
culturels? Ne devrait-on pas revoir nos priorités?
Le raccourci est dangereux.
Ne faut-il pas au contraire revenir aux fondamentaux, réfléchir à
l’infrastructure même de notre société?
Contrairement à ce que nous serinent les magnats de l’industrie, la
technologie n’est jamais neutre. Elle porte en elle sa propre idéologie.
Par essence, l’extrême centralisation de nos outils Internet préfigure
la centralisation d’un pouvoir autoritaire fasciste. L’ubiquité du
modèle publicitaire rend la croissance et l’hyperconsommation
incontournable. Ces deux piliers se rejoignent et se complètent dans la
normalisation de l’espionnage technologique permanent.
Si nous voulons changer de direction, si nous voulons apprendre à
limiter notre consommation des ressources naturelles, à écouter et
respecter nos différences, à bâtir des compromis démocratiques, il est
urgent et indispensable de nous attaquer à la racine: notre
infrastructure de communication et d’échange. De libérer le réseau qui
nous relie, qui relie nos données, nos échanges commerciaux, nos
pensées, nos émotions.
Rejoindre un groupe anticapitaliste sur Facebook, poster des vidéos zéro
déchet sur Instagram ou utiliser l’infrastructure Outlook pour les mails
de son syndicat sont des actes qui participent activement à promouvoir,
justifier et perpétuer le système qu’ils cherchent, naïvement, à
dénoncer.
Ce n’est pas un hasard si les discussions sur le Fediverse et le réseau
Mastodon parlent de cyclisme, d’écologie, de féminisme. Parce que la
technologie libre et décentralisée porte sa propre idéologie. Parce
qu’elle arrive à se maintenir, à effrayer les plus gros monopoles que le
capitalisme ait jamais engendrés, et cela malgré le fait qu’elle ne
tienne que grâce à des bouts de ficelle et l’énergie de quelques
personnes sous-payées ou bénévoles.
Lorsque tout semble aller de travers, il faut se concentrer sur les
racines, les fondamentaux. L’infrastructure, l’éducation. C’est pourquoi
je pense que les actions de l’April, la Quadrature du Net, Framasoft, la
Contre-voie et toutes les associations libristes ne sont pas simplement
importantes.
Elles sont vitales, cruciales.
Le libre n’est pas un luxe, c’est une urgence absolue.
> — Et alors, hi hi hi, Ploum a dit : il est… hi hi hi… Il est
déchaîné !
> — Par pitié, faites un don à l’April sinon il va la raconter de
nouveau !
Faire un don à l’April
https://enventelibre.org/fr/dons/273-dons-april.html
Faire un don à la Quadrature du Net
https://don.laquadrature.net/fr
Faire un don à Framasoft
https://framasoft.org/fr/#support
Faire un don à la Contre-Voie
https://lacontrevoie.fr/participer/#don
> Il est déchaîné… hi hi hi…
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LA COLÈRE DE L’ÉCRIVAIN
by Ploum on 2024-12-09
https://ploum.net/2024-12-09-colere-ecrivain.html
> RAPPEL: je serai à Louvain-la-Neuve mardi 10 décembre à 19h à La Page
d’Après pour ma dernière rencontre de l’année.
Rencontre Littéraire Bikepunk avec Ploum (mobilizon.fr)
https://mobilizon.fr/events/6377c6f1-2941-4008-b333-c11bf8b044e5
> Comme je l’explique dans la suite de ce billet, le succès de Bikepunk
a pris le distributeur au dépourvu et le livre s’est retrouvé
indisponible pour beaucoup de libraires. La situation devrait être à
présent résolue. Si votre libraire ne peut pas l’avoir rapidement,
commandez avant le 10-11 décembre sur le site PVH. Vous devriez le
recevoir avant Noël. Un tout grand merci pour votre patience !
Commander Bikepunk sur le site PVH
https://pvh-editions.com/product/bikepunk
Une colère inextinguible
========================
Il y a une vingtaine d’années, je me suis rendu dans un grand hôtel
bruxellois pour une soirée de lectures de poésie. J’ai appelé
l’ascenseur. Quand il s’est ouvert devant moi, je me suis subitement
retrouvé face à Jean-Marie Le Pen et son garde du corps. Je l’ai reconnu
sans aucune hésitation, sans aucun doute.
J’ai été tétanisé.
Sans réfléchir, par réflexe, j’ai fait un pas en arrière et refusé de
rentrer dans l’ascenseur. Tout en montant les escaliers, je me suis
longuement demandé si ce réflexe était juste. Si cette personne méritait
cette attention, si j’aurais du l’ignorer totalement et faire comme si
de rien n’était. Je me demandais également s’il se rendait à la même
soirée que moi, soirée organisée par la veuve d’un résistant belge
célèbre qui avait été prisonnier à Dachau.
À la fin de la soirée, discutant avec cette vieille dame adorable et
très intéressante, je lui tends un recueil de mes propres poèmes. Elle
prend un très long moment pour lire mes poèmes, les relire avant de se
tourner vers moi avec un petit signe de dénégation :
— Vous n’êtes pas un poète.
La douche est froide.
— Vous avez trop de choses à dire. Trop de colère, trop de sujets à
aborder. Vous n’êtes pas un poète. Vous êtes un écrivain !
Cette rencontre me revient régulièrement en tête et je ne peux que
constater la justesse de cette analyse. Je veux en dire trop tout le
temps. Parfois, je laisse écouler ma colère, brute, sauvage, violente et
agressive. Parfois je tente de la catalyser ou de la camoufler en
utilisant l’analyse rationnelle, l’humour voire même l’hypocrisie. Il
n’en reste pas moins que je ne fais que rajouter un « é » devant chacun
de mes cris pour en faire des écrits.
Chaque écrit est un cri, chaque cri est un écrit. Toute ma vie n’est que
la gestion de cette colère bouillonnante qui m’anime (et que mon épouse
m’éduque à contrôler).
C’est pour quoi j’ai été incroyablement touché de découvrir que Terry
Pratchett, un de mes modèles, était un homme profondément, désespérément
en colère.
Neil Gaiman: ‘Terry Pratchett isn’t jolly. He’s angry’
(www.theguardian.com)
https://www.theguardian.com/books/2014/sep/24/terry-pratchett-angry-not-jol…
Une autre anecdote que j’ai retenue de la très chouette biographie de
Terry Pratchett est, qu’au bord du burn-out, il a finalement accepté de
prendre six mois sabbatiques pour se reposer de l’écriture. À son
retour, son agent lui a demandé ce qu’il avait fait de ces six mois.
« J’ai écrit deux livres » a répondu Terry Pratchett.
Tout le monde peut écrire. L’écrivain est celui qui ne peut pas
s’empêcher d’écrire. Il en est de même du blogging. On me demande
parfois pourquoi je blogue autant. Je ne peux que répondre : « Parce que
je ne peux physiquement pas faire moins ». Comme je répondais à Eddy
Caekelberghs sur les ondes de la RTBF, si je ne le faisais pas, j’ai
l’impression que j’exploserais. J’écris comme je refuse de monter dans
un ascenseur avec Jean-Marie Le Pen : par réflexe, par nécessité vitale.
Ploum à l’émission Majuscules avec Eddy Caekelberghs (indymotion.fr)
https://indymotion.fr/w/1iLbQeLuTdL3TyZY5GFupY
J’ai tellement de choses à écrire et il me reste tellement peu d’années
pour le faire. Je dois en permanence faire des choix, me dire « non » à
moi-même, repousser les nouvelles idées qui m’assaillent. Un problème
que Thurk a appelé « The Boltzmann Brain ».
The Existential Boltzmann Brain (thurk.org)
gemini://thurk.org/blog/613.gmi
L’industrie du livre
====================
Écrire. Oui, mais pourquoi ? Pour être lu bien sûr ! Le Graal, pour un
auteur non anglophone, c’est d’être traduit en anglais pour accéder au
marché international. Mais ce marché rêvé est-il si formidable ? Le
monde de l’édition est typiquement un marché de type « Winner takes it
all » comme le décrit Jaron Lanier dans son livre « Who owns the
future ? ».
Si vous n’êtes pas une mégacélébrité de type Michelle Obama ou un auteur
à franchise de type Tom Clancy, n’espérez pas vendre plus de 1000 voire
2000 livres. Dans le monde entier. Et, en fait, même si vous êtes une
mégacélébrité avec des millions de followers, le succès n’est pas du
tout garanti.
No one buys books (www.elysian.press)
https://www.elysian.press/p/no-one-buys-books
Mais pourquoi y’a-t-il autant de livres alors ? Parce que, comme les
investisseurs dans les startups, les éditeurs cherchent le prochain
Harry Potter ou le prochain 50 Shades of Grey, l’anomalie qui n’arrive
que tous les 5 ou 10 ans.
L’article dépeint également une dépendance incroyablement morbide à
Amazon, avec une grande partie du budget marketing des livres partant
chez Amazon pour « remonter dans les résultats de recherche ». Faut dire
qu’un livre sur deux est aujourd’hui acheté chez Amazon.
Alors, par pitié, soutenez les libraires indépendants ! Allez flâner,
commandez chez eux, écoutez leurs recommandations. Nous avons déjà perdu
trop de libertés chez les GAFAM, l’idée de perdre les librairies me
terrorise.
Je vous propose de nous retrouver ce mardi 10 décembre, à 19h à La Page
d’Après à Louvain-la-Neuve pour une rencontre littéraire. J’aime les
libraires ! Si vous êtes libraire, n’hésitez pas à me contacter, je me
déplace avec plaisir ou je profite de déplacements pour vous rendre
visite.
Rencontre Littéraire Bikepunk avec Ploum (mobilizon.fr)
https://mobilizon.fr/events/6377c6f1-2941-4008-b333-c11bf8b044e5
La Page d'Après (www.lapagedapres.be)
https://www.lapagedapres.be/
L’indisponibilité de Bikepunk
=============================
Je suis conscient de me tirer une balle dans le pied. De par la
stratégie de mon éditeur de minimiser les interactions avec Amazon, de
ne leur céder que le strict nécessaire, mon roman Bikepunk s’est
retrouvé en rupture de stock chez le géant américain alors même que je
faisais plusieurs apparitions télé. Puis en rupture de stock chez les
libraires, le distributeur ne pouvant pas suivre la demande. On en est
au point où je crains que la version EPUB soit bientôt également
épuisée.
Je ne vais pas me plaindre que mon livre ait du succès ! Au point de
voir une émission télé accoler mon nom à la phrase « Le vélo comme seule
arme contre l’aveuglement d’une société ».
Ploum sur LN24, Le vélo comme seule arme contre l’aveuglement d’une
société
https://ploum.net/files/ln24.jpg
Ou de lire le peu suspect de gauchisme Paris-Match définir Bikepunk
comme un mouvement de rébellion urbaine « utilisant le vélo comme
symbole de résistance contre les systèmes dominants » (sic).
Deux roues, un combat : quand le bikepunk redéfinit la rébellion urbaine
(www.parismatch.be)
https://www.parismatch.be/actualites/societe/2024/12/08/deux-roues-un-comba…
Je suis à la fois empli de gratitude envers vous pour cet enthousiasme,
pour votre incroyable soutien et plein de frustration, car ce sont
certainement des centaines d’exemplaires de Bikepunk qui n’ont pas
trouvé leurs lecteurs. Des centaines de personnes frustrées ou déçues.
Des opportunités manquées parce que tant mon éditeur que moi tentons de
sortir de la ligne Amazon/grands distributeurs appartenant à des
milliardaires.
Si Bikepunk n’est pas disponible chez votre libraire et que vous le
voulez pour Noël, commandez-le en urgence sur le site PVH.
Commander Bikepunk en ligne
https://pvh-editions.com/product/bikepunk
Et rappelez-vous qu’il est sous licence libre. Vous avez le droit de le
copier et de le partager ! La première liberté est celle de
l’imagination. Libérez les histoires, libérez l’imaginaire !
De la nourriture que nous offrons à notre cerveau
=================================================
Cette mainmise de quelques monopoles sur l’industrie du livre me rend
inquiet. Beaucoup de jeunes auteurs ne sont pas mis en avant pour
promouvoir des « valeurs sûres ». Si nous avons besoin de relire en
permanence Zola ou Hugo, nous avons également besoin d’entendre de
nouvelles voix, de tester de nouvelles idées. Pour éviter
l’uniformisation, un livre n’a pas besoin d’être génialissime, grandiose
ou culte. Il peut se contenter de nous offrir, à un moment de notre vie,
une nouvelle perspective inconsciente. Il suffit qu’il soit différent.
Votre corps est composé de ce que vous mangez, votre esprit est composé
de ce que vous lisez. Même si vous ne vous en souvenez plus, même si ça
vous a semblé sans importance, même si vous n’avez pas fini le livre.
Vous êtes ce que vous lisez.
You Are What You Read, Even If You Don’t Always Remember It (blog.jim-
nielsen.com)
https://blog.jim-nielsen.com/2024/you-are-what-you-read/
Il y a déjà 11 ans, je faisais une analogie entre la nourriture que nous
consommons et ce que nous offrons à notre cerveau.
Pour une alimentation intellectuelle saine et variée (ploum.net)
https://ploum.net/pour-une-alimentation-intellectuelle-saine-et-variee/inde…
Cal Newport, l’auteur de « Digital Minimalism » a repris cette analogie
pour décrire les réseaux sociaux comme des fabriques de contenus
« ultra-transformés ». La nourriture ultra-transformée est, en effet,
produite pour être irrésistible : un goût très fort, du sel, de la
graisse, un engourdissement de la satiété. Finalement, on se rue sur des
posts Facebook ou Instagram tout comme on se jette sur sachet de chips.
On Ultra-Processed Content (calnewport.com)
https://calnewport.com/on-ultra-processed-content/
Ce qui me perturbe dans cette analogie, c’est la réalisation que les
problèmes sont identiques, mais que les personnes qui sont conscientes
de l’un ignorent complètement l’autre.
Dans les rassemblements de geeks linuxiens ou de rôlistes libristes, le
coca et la cigarette, par exemple, sont trop souvent normalisés et
tolérés (ce que je réprouve fortement).
Mais l’inverse est tout aussi vrai : les personnes attentives à
l’alimentation, à l’écologie, à la santé se concentrent sur Instagram,
Facebook, Tik-Tok et/ou Twitter, alimentant une crise d’obésité
informationnelle morbide. Leur suggérer de communiquer par Signal plutôt
que Whatsapp leur fait souvent lever les yeux au ciel. Le domaine ne les
intéresse pas. Je ne parle même pas de Mastodon…
Il y a même des groupes "anticapitalistes" sur Facebook !
La cohérence plutôt que la perfection
=====================================
C’est pourquoi je suis particulièrement heureux de travailler avec un
éditeur qui explore, qui teste de nouveaux modèles, qui crée une
atmosphère de collaboration entre tous les auteurs et qui a pour mission
première de contribuer à la liberté de la culture.
Non seulement les livres sont sous licence libre, mais les auteurs sont
encouragés à rejoindre le Fediverse !
Suivre tous les auteurs PVH sur Mastodon
https://fedidevs.com/s/MjM/
L’équipe PVH lutte tous les jours, toutes les heures pour tenter de
diffuser des livres et des idées de liberté sans baisser son froc devant
les milliardaires qui tentent d’imposer ce qu’ils sont sûrs de vendre
ou, pire, ce qui arrange leurs intérêts idéologiques. C’est difficile,
il y a des couacs comme l’indisponibilité de Bikepunk. Mais, vous savez
quoi ? Ça commence à fonctionner ! Le logiciel libre Be-Bop, développé
en interne, commence à prendre de l’ampleur.
Be-bop, le logiciel de vente de PVH
https://be-bop.io/
PVH n’est pas parfait. Personne n’est parfait. Mais nous tentons de
garder une ligne cohérente dans notre combat pour promouvoir et diffuser
la culture de l’imaginaire et la philosophie du libre.
Votre compréhension, votre patience, vos achats, vos partages sont le
meilleur des soutiens. Merci ! Merci de faire partie de cette aventure,
de parler de nous autour de vous. Vous n’apaisez pas ma colère, mais
vous m’aidez à la transformer, à la canaliser pour contribuer à quelque
chose de plus grand, quelque chose dont nous pourrons un jour être
fières et fiers.
Comme le dit très bien Framasoft : Le chemin est long, mais la voie est
libre !
Pour les curieux, la vidéo d’où est extraite l’image. Mais ne perdez pas
votre temps, ça reste de la télé.
https://indymotion.fr/w/ckueE9iTAVJc95yvJ61y9A
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06 Dec '24
PÉRENNISER MA NUMÉRIQUE ÉPHÉMÉRITÉ
by Ploum on 2024-12-06
https://ploum.net/2024-12-06-perenite-ephemerite.html
J’écris mon journal personnel à la machine à écrire. De simples feuilles
de papier que je fais relier chaque année et dont le contenu n’est nulle
part en ligne.
Pourtant, j’ai le sentiment que ce contenu a beaucoup plus de chances
d’être un jour accessible voire, soyons fou, lu par mes enfants, mes
petits enfants et, qui sait, plus loin encore.
Parce qu’hormis un incendie dramatique, ces écrits sont quasiment
indestructibles. Qu’ils sont facilement trouvables sur l’étagère de mon
bureau. Qu’ils sont facilement lisibles et le resteront sans aucune
connaissance autre que la langue française.
Tout ce qui est publié numériquement est à quelques erreurs de
manipulation de se faire effacer définitivement. Un accident anodin peut
rendre un support illisible. Un mot de passe oublié rendre des documents
définitivement inaccessibles. Mais pas besoin d’aller si loin : si
demain je disparais, qui serait capable de retrouver quoi que ce soit
dans le fouillis de mon disque dur ? Même en imaginant qu’il ne soit pas
chiffré !
Si tout est transitoire, le pire n’est-il pas de confier cette
impermanence à des entreprises externes ?
L’anti-pérennité des réseaux propriétaires
==========================================
Votre histoire sur les réseaux sociaux propriétaires peut disparaître à
tout moment. Cela fait longtemps que je le crie et le répète partout,
mais rien ne vaut un bon exemple.
Depuis 2024, Strava n’autorise plus de partager un lien. Qu’il soit dans
un post ou une activité, ce lien est supprimé.
Pire: tous les liens des posts précédents ont été supprimés. Toutes vos
histoires Strava ont été altérées de manière permanente.
Upholding platform safety (communityhub.strava.com)
https://communityhub.strava.com/t5/strava-features-chat/upholding-platform-…
Bon, il faut avouer que Strava est en train de suivre à la lettre le
processus de merdification en limitant son API et ses conditions
d’utilisation.
Strava's Big Changes Aim To Kill Off Apps (www.dcrainmaker.com)
https://www.dcrainmaker.com/2024/11/stravas-changes-to-kill-off-apps.html
De la merdification des choses (ploum.net)
https://ploum.net/2023-06-15-merdification.html
Ne faites confiance à aucun réseau social propriétaire ! N’oubliez pas
que tout service propriétaire va un jour fermer ou devenir soudainement
inutilisable selon vos critères. Ou supprimer arbitrairement votre
compte.
Et si vos comptes disparaissaient demain ? (ploum.net)
https://ploum.net/et-si-vos-comptes-disparaissaient-demain/index.html
Si votre unique raison de garder un compte sur un service propriétaire
est "parce que vous y avez un historique", sachez que cet historique ne
vous appartient pas. La question n’est pas de savoir s’il va disparaître
ou non, mais « quand ? » Car il va disparaître. C’est une certitude.
L’humanité et la non-marchandisation des réseaux libres
=======================================================
Vous allez me dire que le libre n’est pas nécessairement mieux.
Mastodon, par exemple, ne permet à ma connaissance pas d’exporter
l’intégralité de son historique personnel.
Mais, comme c’est du logiciel libre, rien ne s’oppose à implémenter des
outils qui font ce genre de choses. Rien n’empêche de trouver ou de
créer des alternatives.
C’est complètement imparfait, mais, au moins, on est face à des êtres
humains.
Un très beau témoignage d’Aemarielle, aquarelliste arrivée sur Mastodon
en 2022. En résumé, Mastodon c’est vachement mieux pour les humains.
Mastodon, mon ressenti | Aemarielle (www.aemarielle.com)
https://www.aemarielle.com/mastodon-ressenti/
Mais les influenceurs aux grosses métriques sont complètement perdus :
il n’y a pas d’algorithme et donc pas moyen de les exploiter pour faire
monter son audience. Il n’y a pas des milliers de robots et de comptes
abandonnés qui font grimper le nombre de followers. La population du
Fedirverse a également tendance à ignorer voire à critiquer les contenus
publicitaires ou avec des titres inutilement accrocheurs.
Les compétences développées par certain·e·s durant quinze ans sur
Twitter sont donc inutiles, voire contreproductives, sur Mastodon !
Certains ne sont pas prêts à ce genre de plateforme. Ils ont eu la
chance d’un moment être favorisés par les algorithmes
Twitter/X/Instagram et, du coup, ils se raccrochent à tout prix à ces
plateformes, à ce modèle.
Sur ces plateformes, vous êtes la marchandise comme le rappelle
judicieusement X. En effet, le magazine satirique The Onion souhaite
racheter le média d’extrême droite InfoWars (ce qui est très drôle).
Mais X rappelle qu’ils sont propriétaires du compte X d’InfoWars et ne
le transmettront pas à The Onion.
X's Objection to the Onion Buying InfoWars Is a Reminder You Do Not Own
Your Social Media Accounts (www.404media.co)
https://www.404media.co/xs-objection-to-the-onion-buying-infowars-is-a-remi…
Libre et science
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L’accès libre et pérenne aux données et aux algorithmes n’est pas
seulement historique et pratique, c’est également essentiel pour le
principe scientifique. Si, en lisant votre papier, il n’est pas possible
de reproduire vos résultats, car il manque l’un et/ou l’autre, ce n’est
plus de la science, mais du simple « personal branding ».
Le marketing et la "protection de la propriété intellectuelle" sont deux
vers qui rongent les cerveaux, y compris des scientifiques les plus
pointus.
Pour un écosystème scientifique plus solide, plus transparent et plus
fiable (bernardrentier.wordpress.com)
https://bernardrentier.wordpress.com/2024/11/18/pour-un-ecosysteme-scientif…
À propos, j’ai appris que les mots « sciences » et « shit » ont la même
racine. Et que « nice » vient de la négation de science et signifiait à
la base « ignorant » avant de subtilement évoluer vers « gentil ». Bref,
un peu concon…
Science and Shit (www.arrantpedantry.com)
https://www.arrantpedantry.com/2019/01/24/science-and-shit/
J’adore l’étymologie.
La solution du libre
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Le logiciel de gestion de librairie Biblys se libère. Un très beau
témoignage de son auteur.
Biblys est désormais un logiciel libre (blog.biblys.fr)
https://blog.biblys.fr/posts/biblys-est-desormais-un-logiciel-libre
Le libre n’est pas utopiste, il n’est pas meilleur, il n’est pas
idéaliste : il est aujourd’hui indispensable !
Penser sa propre disparition avec git
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Si la pérennité de vos données en ligne est importante, il faut y
penser, vous y préparer. C’est une des raisons majeures qui m’ont poussé
à simplifier ce blog et en faire un simple répertoire remplit de
fichiers au format texte que n’importe qui peut copier entièrement avec
une simple commande git.
La fin d’un blog et la dernière version de ploum.net (ploum.net)
https://ploum.net/2022-12-04-fin-du-blog-et-derniere-version.html
Pour avoir sur votre ordinateur une copie de tout mon blog, y compris le
logiciel qui le génère, il suffit de taper, dans un terminal :
> git clone https://git.sr.ht/~lioploum/ploum.net
J’envisage même de mettre les sources de mes livres dans ce dépôt. Faut
que j’investigue les sous-dépôts dans git.
~lioploum/ploum.net - Static generator for my blog with content -
sourcehut git (lioploum)
https://git.sr.ht/~lioploum/ploum.net
Gwit
====
Je suis le développement de Gwit, une manière de publier des sites
Internet à travers Git. L’auteur de Gwit a justement pris mon site en
exemple pour l’adapter au format Gwit.
Adapting Ploum's sites to gwit (oldest.gwit.site)
gemini://oldest.gwit.site/log/_en/20241018--adapting-ploum-sites/
C’est très technique, mais ce que je pense que tout le monde devrait
retenir c’est que ça a été rendu possible, car les sources et le contenu
de mon blog sont disponibles sous une licence libre et avec une simple
commande git comme cité plus haut. L’auteur n’a pas du me demander la
permission, n’a pas hésité. Il a le droit de le faire.
Et j’en suis incroyablement flatté…
L’arme ultime : RSS
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Je le dis, je le répète : la solution à l’immense majorité de nos
problèmes, le réseau social ultime, c’est le flux RSS. On suit ce qu’on
veut suivre, sans publicités, sans tracking, dans la police qui est le
plus lisible pour nous. Nos abonnements restent confinés à notre lecteur
de RSS.
Il faut juste apprendre à s’en servir (et c’est beaucoup plus facile que
l’email).
Il y a une raison pour laquelle les grandes plateformes tentent de tuer
le RSS. Il y a une raison pour laquelle vous devriez suivre ce blog par
RSS.
Pluralistic: You should be using an RSS reader (16 Oct 2024)
(pluralistic.net)
https://pluralistic.net/2024/10/16/keep-it-really-simple-stupid/#read-recei…
Portrait d’Aaron Swartz par Bruno Leyval
https://ploum.net/files/aaron_swartz.jpg
Aaron Swartz a contribué à la norme RSS. En l’utilisant (ou en utilisant
son successeur ATOM), vous célébrez sa mémoire et son combat.
Vous souhaitez utiliser un lecteur RSS en ligne classique ? Je vous
conseille le FreshRSS de Zaclys ou de Flus:
Flux, chez Zaclys
https://www.zaclys.com/flux/
FreshRSS de Flus (que j’ai utilisé pendant des années)
https://rss.flus.fr/
Vous préférez un truc plus automatisé, plus moderne ? Flus est pour
vous.
Flus.fr
https://flus.fr/
Mais il y a des centaines de possibilités. Et, comme le souligne Cory
Doctorrow, vous pouvez passer de l’un à l’autre sans problème. Il suffit
d’exporter la liste de vos flux dans un format (appelé OPML) puis de
l’importer dans la nouvelle plateforme.
Penser la disparition
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Après, on peut faire comme Bruno, l’auteur du portrait d’Aaron Swartz
ci-dessus, et souhaiter disparaître. On peut célébrer l’impermanence.
Préserver et transmettre notre patrimoine culturel personnel se pense,
s’organise. Mais ne se confie surtout pas à une multinationale
publicitaire.
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02 Dec '24
LA CONJURATION DE LA FIERTÉ IGNORANTE
by Ploum on 2024-12-02
https://ploum.net/2024-12-02-conjuration-fierte-ignorante.html
Les scientifiques, les vulgarisateurs, les professeurs consacrent leur
vie à lutter contre l’ignorance. Mais l’ignorance n’est pas vraiment le
problème. Ce qui est dangereux c’est lorsqu’elle se camoufle.
Lorsqu’elle se transforme en confiance.
Pour un parfait ignorant, l’ignorance camouflée est indistinguable de la
connaissance voire de l’expertise. D’ailleurs, l’expert dira toujours :
« C’est compliqué, je n’ai pas de réponse toute faite ! » là où
l’ignorant camouflé répondra : « C’est très simple ! J’ai la vérité, je
vais te l’expliquer ! »
De par leur conception, les outils comme ChatGPT sont des ignorants
camouflés. Ils ont été littéralement conçus pour faire croire qu’ils
savent alors que ce n’est pas le cas. Pour camoufler leur ignorance sous
un excès de confiance, ce qui fonctionne très bien depuis des siècles,
les politiciens et autres CEOs de multinationales en sont la preuve.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces gens-là sont persuadés que
l’intelligence artificielle peut remplacer les travailleurs. Parce que
leur propre métier consiste à faire semblant de comprendre les choses et
qu’ils ont fait tellement semblant qu’ils ont oublié que certains
postes, subalternes certes, nécessitent de réellement comprendre.
La peur comme outil marketing
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Une excellente analogie de Marcello Vitali-Rosati. ChatGPT utilise la
technique des LLMs pour produire un automate conversationnel. L’utiliser
pour n’importe quoi d’autre (par exemple pour faire des recherches, des
résumés, des traductions, des analyses …) revient à tenter de conduire
une tronçonneuse sur l’autoroute sous prétexte qu’elle possède un moteur
à explosion.
ChatGPT et la tronçonneuse (blog.sens-public.org)
https://blog.sens-public.org/marcellovitalirosati/chatgpttronconneuse.html
D’une manière générale, c’est effrayant comme les gens qui ne
comprennent rien sont tellement effrayés à l’idée d’accepter qu’ils ne
comprennent rien qu’ils s’engouffrent dans toutes les conneries du
marketing. Ce sont par exemple les politiciens tout fiers d’encourager
de former les jeunes « à l’IA » (c’est quoi bon sang « se former à
l’IA » ?) ou certains professeurs dans les domaines des sciences
sociales, tous fiers de montrer une fenêtre ChatGPT à leurs étudiants
pour analyser un texte ou préparer les sujets à aborder lors d’un cours.
Lorsque j’interroge des gens sur les raisons qui les poussent à utiliser
l’IA, la réponse la plus fréquente est : « Pour ne pas être à la
traîne ». La peur.
Ce qui me frappe certainement le plus c’est que toutes les personnes que
j’ai rencontrées qui sont à fond dans « l’IA » sont complètement
abasourdies que je soi moi-même critique. Elles n’ont jamais entendu la
moindre critique. Elles n’ont jamais imaginé que l’on puisse être
critique. On parle de médecins, d’avocats, de banquiers, de chefs
d’entreprises : l’IA est pour ces personnes une évidence
inquestionnable.
Le fait que je puisse être critique les surprend. Elles sont
déstabilisées. Elles ne pensaient pas que ce soit possible. Mais peut-
être que c’est parce que je ne comprends pas bien.
Alors j’assène un coup fatal : je dis que j’ai fait ma thèse de master
dans ce domaine et que j’enseigne au département d’informatique de la
faculté polytechnique. Je sais, c’est un argument d’autorité moyennement
pertinent. Mais ça me permet de raccourcir la conversation sans faire à
chaque fois une conférence « Pouet Pouet Coin Coin ».
Comprendre les bulles - Pouet Pouet Coin Coin (Rennes BreizhCamp 2024)
https://indymotion.fr/w/1FBN53pHuK3QBzFUL4sL6n
Du danger de l’ignorance camouflée
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La pire catégorie de personnes est celle des ignares technologiques qui
ont la prétention de ne pas en être. Ceux qui ont élevé au rang de
compétence principale le camouflage de leur ignorance. Cette prétention
à la connaissance leur permet de ne pas écouter ceux qui ont des
connaissances réelles voire même de les regarder de haut en les traitant
de « geeks ». Il y a un truc pour les reconnaître : ils parlent de
« nouvelles technologies », lapsus qui révèle à quel point ces
technologies qu’ils font semblant de comprendre à coup de partages sur
LinkedIn sont encore nouvelles et inexplorées dans leurs esprits.
ChatGPT est l’aboutissement ultime de l’abrutissement par l’outil. Il ne
nécessite aucune interface, aucun apprentissage. N’importe qui arrivant
à taper sur les touches d’un clavier peut l’utiliser.
Lorsqu’un outil est utile, mais complexe à utiliser, la croyance est
qu’il faut le rendre plus simple, plus accessible. C’est en partie vrai,
mais jusqu’à un certain point.
Tout outil requiert un apprentissage pour comprendre dans quoi il
s’insère. Pour obtenir un permis de conduire, la première chose qu’on
vérifie est votre connaissance du code de la route, connaissance
complètement indépendante et orthogonale à votre capacité d’appréhender
la mécanique d’une voiture.
En supprimant totalement la barrière de l’apprentissage, votre outil
devient du grand n’importe quoi. Les gens l’utilisent sans réfléchir. On
ne peut pas apprendre à utiliser ChatGPT : il est de toute façon par
nature aléatoire, il subit des mises à jour. Vous pouvez l’utiliser
pendant 10 ans tous les jours sans jamais devenir « meilleur ». Comme on
n’apprend pas à regarder la télévision. Le principe même est stupide.
L’ignorance crée l’abstraction qui crée la complexité qui nourrit
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l’ignorance
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En informatique, les couches d’abstraction créées pour simplifier
l’interface ajoutent, au niveau technique, de la complexité, de
l’opacité. Empêche l’apprentissage. Ceux qui s’insurgent contre une
mauvaise utilisation de leur travail sont traités comme des
réactionnaires, sont moqués et exclus de leur propre système.
Lorsque, cas réel vécu il y a 25 ans, une personne envoie un email
contenant un document au format .doc contenant lui-même une macro
lançant un fichier en .exe qui se révèle une animation au format Flash
avec le lecteur Flash intégré et que cette animation est en tout et pour
tout une image fixe au format .jpg, cette personne est considérée comme
normale.
Je n’invente rien, ça m’est réellement arrivé.
Cette personne, qui n’avait aucune connaissance informatique, m’a
ensuite prétendu que j’étais le seul à avoir eu des problèmes pour
ouvrir sa photo.
Toute personne ne sachant pas voir l’image devrait donc considérer que
c’est de sa faute. Qu’il était normal, à l’époque, d’avoir la version de
Microsoft Outlook qui ouvre automatiquement la version de Word qui lance
automatiquement les macros. Que le geek (moi) qui, devant le risque de
sécurité béant, avait configuré l’ordinateur familial pour ne pas
permettre cette hérésie était un « alternatif avec des trucs qui ne
marchent jamais ».
Pour être normal, il faut donc être stupide. Il faut se plier au niveau
du plus stupide. C’est une course effrénée vers le bas pour se fondre
dans le troupeau du plus crétin tout en prétendant le contraire.
Les entreprises comptent là-dessus. Sans cet instinct d’idiotie
grégaire, il n’y aurait pas de monopole de Microsoft Windows depuis des
décennies (Microsoft Windows étant l’archétype du « C’est nul, ça ne
marche pas, mais tout le monde fait comme ça »).
Les apparences sont tellement trompeuses que pour tenter d’apparaître le
plus malin, il faut être le plus stupide de la bande. Pour tenter
d’apparaître le plus riche, il faut s’appauvrir en se payant des trucs
inutiles incroyablement chers.
Suivre aveuglément de peur de paraitre ignorant
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En 2006, jeune ingénieur cherchant du travail dans une foire d’emploi,
je m’installe à la table d’un recruteur et lui tends mon CV.
— Aha, Linux. C’est bien pour les étudiants. Mais bon, pour travailler,
il faut être sérieux, il faut utiliser Microsoft.
— Je pense que Linux est très sérieux et je compte bien travailler dans
ce domaine où j’ai une expertise reconnue.
— Non, il faut être sérieux. Bill Gates est l’homme le plus riche du
monde. Si vous voulez devenir riche, il faut le suivre, pas lutter
contre lui !
J’ai eu un blanc. À l’époque, je ne pensais pas encore que les gens plus
âgés, plus expérimentés et mieux payés que moi pouvaient être à ce point
stupides. J’ai d’abord tenté de comprendre :
— Mais en le suivant, vous lui donnez de l’argent pour le rendre riche
justement. Mieux vaut entrer en compétition.
— Aha, vous êtes jeune, vous ne connaissez pas encore la réalité du
business.
Je me suis levé, j’ai pris le CV des mains du recruteur en disant :
— Je reprends mon CV, je ne pense pas qu’il puisse vous être utile. Au
revoir.
Cette anecdote m’est restée longtemps en tête, me faisant douter de ma
propre compréhension. Mais aujourd’hui j’ai l’expérience pour
reconnaître que, oui, ce mec était complètement crétin. Donner des sous
à un milliardaire en espérant que ça t’enrichisse, c’est complètement
con.
Et pourtant, c’est incroyablement courant parce que personne n’ose
dire : « Je ne comprends pas comment je peux devenir riche » et tout le
monde se dit « Je vais obéir aveuglément à quelqu’un de riche parce que
je veux lui ressembler » (ce qui est stupide, on est d’accord).
L’écologie de la stupidité
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Un autre truc qui est complètement crétin dès qu’on se pose la question
de comment ça fonctionne : les mécanismes de compensation carbone.
Les mécanismes de compensation carbone expliqués à mon hamster
(ploum.net)
https://ploum.net/2024-06-17-compensation-carbone.html
Ça parait évident que ces mécanismes nous prennent pour des crétins.
Heureusement, certains commencent à s’en rendre compte. L’université
d’Exeter a investigué les crédits carbone et conclut, sans surprise, que
leur impact est soit nul, soit négatif. En gros, dans le meilleur des
cas, ça ne sert à rien, mais, le plus souvent, ça pollue encore plus que
ne rien faire du tout.
We have officially advised our university to ditch carbon offsets - and
focus on cutting emissions (theconversation.com)
https://theconversation.com/we-have-officially-advised-our-university-to-di…
Mais bon, ce ne sont qu’une minorité d’intellectuels qui rationalisent.
Certes, ils ont raison. Mais avoir raison n’est pas une bonne chose pour
le succès individuel.
L’objectif n’est pas d’être intelligent, mais de convaincre des millions
de gens qu’on l’est.
L’objectif d’un CEO n’est pas de prendre une bonne décision, mais de
convaincre son auditoire qu’il l’a prise.
L’objectif d’un politicien n’est pas d’avoir une opinion sur un sujet,
mais de faire croire aux électeurs qu’il a la même qu’eux.
La particularité des gens intelligents, c’est qu’ils doutent. Ils ne
sont donc pas très convaincants…
L’intelligence condamne à faire partie des perdants.
Ode aux perdants (ploum.net)
https://ploum.net/2024-10-01-ode-aux-perdants.html
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