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NOS COMPTOIRS VIRTUELS
by Ploum on 2025-11-21
https://ploum.net/2025-11-21-comptoirs-virtuels.html
La façade d’un grand café parisien. Zoom sur l’enseigne un peu décrépie
ornée d’un pouce blanc sur fond de peinture écaillée : « Le Facebook ».
Intérieur bondé. Moyenne d’âge : 55-60 ans. Les murs sont recouverts de
publicité. Les clients sont visiblement tous des habitués et alternent
entre ballons de rouge et bières.
— Depuis qu’on peut plus fumer, c’est quand même plus pareil.
— Tout ça c’est la faute de communisses sissgenres !
— Les quois ?
— Les sissgenres. C’est un mot qu’y disent pour légaliser la pédophilie.
— Je croyais qu’on disait transse ?
— C’pareil. Enfin, je crois. Un truc de tarlouzes.
— En tout cas, on peut même plus se rouler une clope en paix !
Une voix résonne provenant d’une table voisine :
— Mon petit fils a fait premier au concours de poésie de son lycée.
Toute la salle crie « Bravo ! » et applaudit pendant 3 secondes avant de
reprendre les conversations comme si rien ne s’était passé.
Fondu
Une cafétéria aux murs blancs couverts de posters motivationnels dont
les images sont très visiblement générées par IA. Les clients portent
tous des costumes-cravates ou des tailleurs un peu cheap, mais qui font
illusion de loin. Tous consomment du café dans un gobelet en plastique
qu’ils remuent légèrement avec une touillette en bois. Un petit pot
contient des touillettes usagées sous une inscription « Pour sauver la
planète, recyclez vos touillettes ! »
Gros plan sur Armand, visage bien rasé, lunettes, pommettes saillantes.
Il a l’air stressé, mais essaie d’en imposer avec son sourire nerveux.
— Depuis que je fréquente « Le Linkedin », mon rendement de conversion
client a augmenté de 3% et j’ai été officiellement nommé Marketing Story
Customers Deputy Manager. C’est une belle réussite que je dois à mon
réseau.
La caméra s’éloigne. On constate que, comme tous les autres clients, il
est seul à sa table et en train de parler à un robot qui acquiesce
machinalement.
Fondu
L’endroit branché avec des lumières colorées qui clignotent et de la
musique tellement à fond que tu ne sais pas passer commande autrement
qu’en hurlant. Des néons hyper design dessinent le nom du bar :
« Instagram »
Les cocktails coûtent un mois de salaire, sont faits avec des jus de
fruits en boîte. De temps en temps, un client fait une crise
d’épilepsie, mais tout le monde trouve ça normal. Et puis les murs sont
recouverts de posters géants représentant des paysages somptueux.
La barbe de trois jours soigneusement travaillée, Youri-Maxime pointe un
poster à sa compagne.
— Cette photo est magnifique, on doit absolument aller là-bas !
Estelle n’a pas 30 ans, mais son visage est gonflé par la chirurgie
esthétique. Sans regarder son compagnon, elle répond :
— Excellente idée, on prendra une photo là, je mettrai mon bikini jaune
MachinBazar(TM) et je me ferai un maquillage BrolTruc(TM).
— Trop génial, répond le mec sans quitte des yeux son smartphone. Il me
tarde de pouvoir partager la photo !
Fondu
Un ancien entrepôt qui a été transformé en loft de luxe. Briques nues,
tuyauteries apparentes. Mais c’est intentionnel. Cependant, on sent que
l’endroit n’est plus vraiment entretenu. Il y a des la poussière. Des
détritus s’accumulent dans un coin. Les toilettes refoulent. Ça pue la
merde dans tout le bar.
Au mur, un grand panneau bleu est barré d’un grand X noir. En dessous,
on peut lire, à moitié effacé : « Twitter ».
Dans des pulls élimés et des pantalons de velours, une bande d’habitués
est assise à une table. Chacun tape frénétiquement sur le clavier
repliable de sa tablette.
Une bande de voyous s’approchent. Ils ont des tatouages en forme de
croix gammées, d’aigles, de symboles vaguement nordiques. Ils
interpellent les habitués.
— Eh, les mecs ! Vous faites quoi ?
— Nous sommes des journalistes, on écrit des articles. Ça fait 15 ans
qu’on vient ici pour travailler.
— Et vous écrivez sur quoi ?
— Sur la démocratie, les droits des trans…
Un nazi a violemment donné un coup de batte de baseball sur la table,
éclatant les verres des journalistes.
— Euh, enchaine aussitôt un autre journaliste, on écrit surtout sur le
grand remplacement, sur les dangers du wokisme.
Le nazi renifle.
— Vous êtes cool les mecs, continuez !
Fondu
Exactement le même entrepôt sauf que cette fois-ci tout est propre. Le
panneau, tout nouveau, indique « Bluesky ». Quand on s’approche des
murs, on se rend compte qu’ils sont en fait en carton. Il s’agit d’un
décor de cinéma !
Il n’y a pas d’habitués, le bar vient d’ouvrir.
— Bienvenue, lance le patron a la foule qui entre. Je sais que vous ne
voulez pas rester à côté, car c’est devenu sale et rempli de nazis. Ici,
pas de risque. Tout est pareil, mais décentralisé.
La foule pousse un soupir de satisfaction. Un client fronce les
sourcils.
— En quoi est-ce décentralisé ? C’est pareil que…
Il n’a pas le temps de finir sa phrase. Le patron a claqué des doigts et
deux cerbères sortis de nulle part le poussent dehors.
— C’est décentralisé, continue le patron, et c’est moi qui prends les
commandes.
— Chouette, murmure un client. On va pouvoir avoir l’impression de faire
un truc nouveau sans rien changer.
— En plus, on peut lui faire confiance, réplique un autre. C’est le
patron de l’ancien bar. Il l’a revendu à un nazi et a pris une partie de
l’argent pour ouvrir celui-ci.
— Alors, c’est clairement un gage de confiance !
Fondu
Une vielle grange avec de la paille par terre. Il y a des poules, on
entend un mouton bêler.
Un type dans une chemise à carreaux élimée appuie sur un vieux thermo
pour en tirer de la bouillasse qu’il tend à ses clients.
— C’est du bio issu du commerce équitable, dit-il. Du Honduras. Ou du
Nicaragua ? Faut que je vérifie…
— Merci, répond une grande femme aux cheveux mauves d’un côté du crâne,
rasés de l’autre côté.
Elle a un énorme piercing dans le nez, une jupe en voilettes, des bas
résille troués et des chaussettes aux couleurs du drapeau trans qui lui
remontent jusqu’aux genoux. Elle va s’asseoir devant une vieille table
en tréteaux sur laquelle un type barbu en t-shirt « FOSDEM 2004 » tape
fiévreusement sur le clavier d’un ordinateur Atari qui prend la moitié
de la table. Des câbles sortent de partout.
Arrive une vieille dame aux yeux pétillants. Elle s’appuie sur une canne
d’une main, tire un cabas à roulettes de l’autre.
— Bonjour tout le monde ! Vous allez bien aujourd’hui ?
Tout le monde répond des trucs différents en même temps, une poule
s’affole et s’envole sur la table en caquetant. La vieille dame ouvre
son cabas, faisant tomber une pile de livres de la Pléiade, un Guillaume
Musso et une botte de poireaux.
— Regardez ce que je nous ai fait ! Une enseigne pour mettre devant le
portail.
Elle déplie un ouvrage au crochet de plusieurs mètres de long. Inscrit
en lettres de laine aux coloris plus que douteux, on peut vaguement
déchiffrer « Mastodon ». Si on penche la tête et qu’on cligne des yeux.
— Bravo ! C’est magnifique ! entonne une cliente.
— Il fallait dire « Fediverse » dit un autre.
— Est-ce que ça ne rend pas l’endroit un peu trop commercial ? Faudrait
pas qu’on devienne comme le bar à néon d’en face.
— Ouais, c’est sûr, c’est le risque. Faudrait que les clients d’en face
viennent ici, mais sans que ce soit commercial.
— C’est de la laine bio, continue la vieille dame.
Dans l’étable, une vache mugit.
Photo par Rama
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bar-P1030319.jpg
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17 Nov '25
LA COMPLAINTE DU TECHNOPUNK RINGARD
by Ploum on 2025-11-17
https://ploum.net/2025-11-17-techpunk.html
Certains d’entre vous me lisent en étant abonnés via RSS ou via la
newsletter. D’autres tombent par hasard sur certains de mes billets
lorsque ceux-ci sont partagés sur des forums ou des réseaux sociaux.
Peut-être que ce billet est le premier que vous découvrez de ce blog !
Si c’est le cas, bienvenue !
Mais il existe une troisième catégorie de lecteurs et lectrices : celles
et ceux qui, tout simplement, se décident à aller de temps en temps sur
ce site pour voir si j’ai publié des articles et si les titres les
intéressent.
Étant moi-même accro au RSS, fréquentant des blogueurs qui parlent de
leur nombre d’abonnés, de leurs mailings-listes, j’oublie trop souvent
que cette simple solution est possible. C’est un lecteur qui me l’a
expliqué lors d’une séance de dédicaces :
— Je suis ton blog depuis des années, j’ai presque tout lu depuis au
moins 10 ans !
— Ah, génial. Tu es abonné au RSS ?
— Non.
— À la mailing-liste ?
— Non.
— Tu me suis sur Mastodon ?
— Non, je n’utilise pas les réseaux sociaux.
— Comment tu fais alors pour me suivre ?
— Ben, de temps en temps, je me demande si t’as écrit un article et je
tape « www.ploum.net » dans la barre de mon navigateur et je rattrape
mon retard.
— …
Enfoncé le ploum ! Lorsqu’on est le nez dans le guidon comme moi, on
oublie parfois la simplicité, la liberté du web. Influencé malgré moi
par une faune linkedinesque de junkies des statistiques, j’oublie trop
souvent qu’un billet de blog s’adresse aussi (et même avant tout) à des
personnes qui ne me connaissent pas, qui n’ont pas lu tous mes billets
depuis 6 mois, qui ne savent pas ce qu’est le protocole Gemini.
Le papillonnage, la sérendipité sont l’essence de l’être humain. Et,
cerise sur le gâteau, il est impossible de comptabiliser, de quantifier
ce genre de lecteurs. Un usage autrefois normal, mais aujourd’hui
incroyablement rebelle et anticapitaliste du web. Un usage technopunk !
La fin des crêtes
=================
Non, je n’ai jamais porté de crête colorée ni de veste à clous. Mais je
roule à vélo ! D’ailleurs, mon dernier roman s’intitule « Bikepunk ».
Bikepunk, le livre
https://bikepunk.fr/
Et c’est justement le bon moment pour l’acheter !
https://ploum.net/2025-11-14-soutien-bikepunk.html
Dans son livre « L’odyssée du pingouin cannibale », le dandy punk Yann
Kerninon fait une analyse intéressante du mouvement punk. Si celui-ci
était indéniablement provocant et choquant dans les années 70, il est
devenu ensuite la norme. Hurler, baiser et se bourrer la gueule ne sont
que des choses normales, divertissantes. Kurt Cobain, héritier du
mouvement punk, s’est suicidé lorsqu’il a compris que sa rébellion, son
dégoût du système n’était qu’un énième spectacle consolidant le système
en question.
La crête colorée n’est plus choquante, au contraire, elle rapportera des
likes sur Instagram ! Ce qui devient punk, ce qui choque, c’est
d’envoyer chier toutes les métriques, de refuser les diktats (des
réseaux) sociaux, d’utiliser un dumbphone, de ne pas être sur Whatsapp,
de ne pas être au courant des résultats des matchs de foot ni même du
nom de l’émission de télé à la mode.
Essayez et vous verrez que votre entourage vous regardera avec un air
d’incompréhension totale. De choc !
Alors que si vous hurlez « No Future » sur une place, je suis sûr que
les passants vous filmeront pour récolter des likes.
Le rejet de la mode
===================
La philosophie punk, à la base, c’est le refus total de la mode, de la
tendance. Être technopunk, c’est donc se passionner pour les
technologies vieilles, ennuyantes, sans budget marketing.
Prefer boring technology. (itwont.work)
https://itwont.work/blog/prefer-boring-technology
Terence Eden parle de ces technologies ouvertes qui existent en arrière-
plan, n’attendant que l’occasion propice pour révéler leur utilité. La
radio amateur. Les QR codes, qui ont soudain été popularisés durant la
pandémie, parce que soudainement nécessaire.
Long term technologies, waiting in the background (shkspr.mobi)
https://shkspr.mobi/blog/2024/12/long-term-technologies-waiting-in-the-back…
Il en est de même selon lui pour le Fediverse : personne ne le remarque
encore. Mais il est là et le restera jusqu’au moment où on aura besoin
de lui. Le rachat de Twitter aurait pu être ce moment. Cela n’a pas été
le cas. C’est pas grave, ce sera pour la prochaine fois.
Car les gens sont des moutons crétins. Celleux partis de Twitter sont
allés sur Bluesky juste parce que le marketing prétendait que c’était
« décentralisés ». Et puis c’était nouveau tout en étant exactement
pareil.
J’avais, à l’époque alerté sur le fait que Bluesky était aussi
décentralisé que la cryptomonnaie Ripple : c’est-à-dire pas du tout.
About Bluesky and Decentralisation (ploum.net)
https://ploum.net/2023-03-03-bluesky.html
À ce tarif, Facebook est également décentralisé : ben oui, leur
infrastructure repose sur des serveurs redondants décentralisés. Vous
croyez que j’exagère ?
Patatas vient de découvrir que l’équipe Bluesky travaille en secret sur
des algorithmes pour cacher certaines réponses qui ne plaisent pas.
Chicken Caesars: they're messing with your Bluesky feed
(thedabbler.patatas.ca)
https://thedabbler.patatas.ca/pages/bluesky-caesars.html
Et comme le dit Patatas, il y a bien des tentatives de créer des
solutions indépendantes pour se connecter au réseau BS, mais,
premièrement, c’est très compliqué et, deuxièmement, presque personne ne
les utilisera et donc c’est comme si elles n’existaient pas.
Je le dis depuis 2023 : Bluesky n’est pas décentralisé et ne peut, pas
sa conception même, pas l’être. Le protocole AT n’est qu’un écran de
fumée pour faire croire aux programmeurs qui ne creusent pas trop que la
décentralisation future est crédible. C’est un outil marketing.
Ces technologies qui attendent leur moment
==========================================
C’est pareil pour le protocole XMPP, qui permet de chatter de manière
décentralisée depuis 20 ans. Les gens préfèrent Whatsapp ? Pas grave,
XMPP attendra d’être vraiment indispensable. Ou cette mode absurde de
passer les salons de discussions sur des technologies propriétaires, y
compris pour les communautés Open Source. Slack, Telegram maintenant
Discord. La plus-value par rapport à un serveur IRC est à peu près
nulle. C’est juste du marketing ! (oui, mais les émojis sont plus jolis…
ta gueule !)
C’est aussi pour cela que j’aime tellement le réseau Gemini. C’est
littéralement technopunk !
Gemini, le protocole du slow web (ploum.net)
https://ploum.net/gemini-le-protocole-du-slow-web/index.html
Quoi ? C’est compliqué ? Faut faire un effort ? C’est pas joli ? C’est
élitiste ? Et tu crois qu’entretenir une crête colorée sur le sommet de
son crâne, c’est à la portée de tout le monde ? Bien sûr qu’être
technopunk ça demande un effort. Tu voudrais que tout soit facile, sans
apprendre et joli justement dans l’esthétique à la mode que t’impose un
marketeux défoncé ? Mais retourne dans les jupes de Zuckerberg !
Devoir apprendre et pouvoir apprendre sont des éléments indissociables
de la low-tech !
Petit manifeste low-tech (ploum.net)
https://ploum.net/2025-05-16-manifeste-lowtech.html
La ligne de commande, ça aussi c’est punk. C’est pas joli, mais c’est
hyper efficace : toute personne qui te voit utiliser ton ordinateur part
en hurlant. Tes proches font venir un exorciste.
C’est pas pour rien que j’ai créé un navigateur web et gemini qui
fonctionne en ligne de commande. Il s’appelle… Offpunk !
Offpunk, an offline-first command-line browser (offpunk.net)
https://offpunk.net/
Oui, je lis les blogs et le web en ligne de commande. Rien à battre de
vos polices de caractères choisies avec amour, de vos mises en pages
CSS, de vos javascript pourris. On n’a de toute façon pas les mêmes
goûts !
Punk et politique
=================
La philosophie punk, opposition frontale au Thatcherisme, est
indissociable de la politique. Et la technologie est complètement
politique. Les GAFAM sont désormais complètement fascistes, comme le
résume très bien mart-e.
Les Big Techs avec Trump, et après ? (mart-e.be)
https://mart-e.be/2025/11/les-big-techs-avec-trump-et-apres
Tu te disais ptêtre parfois que si t’avais vécu sous Pétain en 43,
t’aurais été résistant. Ben si tu utilises les GAFAMs parce que plus
facile/plus joli/tout le monde le fait/pas le choix, j’ai le regret de
t’informer que non. T’es pas du tout résistant. En fait, tu es en train
de mettre une affiche « travail - famille - patrie » sur la porte de ta
maison. Exactement pour les mêmes raisons que ceux qui l’ont fait à
l’époque.
Cyberpunk
=========
C’est pas pour rien que le genre dystopique qui a accompagné l’essor
d’Internet s’appelle… Cyberpunk. « Cyberpunk » est également le nom d’un
récent essai d’Asma Mhalla qui décrit parfaitement la situation : nous
vivons dans une dystopie fasciste avec une idéologie très assumée et si
tu n’en ressens pas les effets, c’est juste que t’es pas encore dans les
populations visées, que tu te plies bien à tout, que t’as ton petit
compte Gmail, Whatsapp, Facebbok et Microsoft pour bien faire comme tout
le monde en espérant que ta blancheur de peau, ton hétérosexualité
cisgenre et ton compte en banque te permettent de passer entre les
gouttes.
T’as essayé de n’avoir aucun de ces comptes ? De ne pas avoir un
smartphone Apple ou Android ? Et bien tu verras comme de simples choses
comme payer un ticket de bus ou ouvrir un compte en banque sont
compliquèes, comme tu deviens un paria pour ne pas simplement obéir aux
règles édictées par une poignée de multinationales fascistes !
À propos de cyberpunk, la version audio de mon roman Printeurs est
désormais gratuite sur Les Mille Mondes :
Livres audio de PVH éditions (lesmillemondes.com)
https://lesmillemondes.com/2025/11/16/livres-audio-de-pvh-editions/
Syfy le décrit comme « encore plus sombre et anticapitaliste » que le
Neuromancien de Gibson. Et il est sous licence libre, disponible sur
toutes les bonnes plateformes pirates. Parce que Fuck Ze System !
Bon, après, si t’es un bourgeois qui peut se permettre de lâcher une
tite pièce, n’hésite pas à le commander chez ton libraire ou sur le site
PVH.
La Ploumerie (pvh-editions.com)
https://pvh-editions.com/ploum
Soutenez Ploum, achetez un livre ! (ploum.net)
gemini://ploum.net/2025-11-14-soutien-bikepunk.gmi
Parce que les livres papiers et les libraires, ça, c’est vraiment hyper
technopunk, mon adelphe !
Illustration de Maluqueer
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Punk_Cubano.jpg
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14 Nov '25
SOUTENEZ PLOUM, ACHETEZ UN LIVRE !
by Ploum on 2025-11-14
https://ploum.net/2025-11-14-soutien-bikepunk.html
Je sais que vous allez être fortement sollicités pour les dons durant la
période qui vient. Mais je sais que vous allez certainement devoir
trouver des cadeaux en urgence. Je vous propose un échange : vous
soutenez Ploum et, en échange, je vous aide à trouver les cadeaux que
vous allez offrir durant les fêtes !
Car je n’ai pas besoin de dons ni de soutien financier. Non, j’ai besoin
que vous achetiez mon livre Bikepunk avant la fin de l’année.
Bikepunk, site officiel du livre
https://bikepunk.fr/
Commander Bikepunk en ligne
https://pvh-editions.com/product/bikepunk
Pourquoi j’ai besoin de vendre Bikepunk ?
=========================================
Les critiques sur mon roman Bikepunk ont été très positives. Inspirant
même des réflexions philosophiques.
Philosophie politique du bikepunk (distinguos.net)
https://distinguos.net/blog/philosophie-politique-du-bikepunk/
Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est l’engouement des lecteurs et des
lectrices. J’ai reçu des dizaines de messages parfois accompagnés de
photos de voyage à vélo inspirés par la lecture du livre. J’ai reçu des
témoignages de personnes ayant acheté un vélo suite à leur lecture. Le
livre a donc un effet dont je n’osais rêver : il encourage la pratique
du vélo. Cela me donne envie qu’il ait une diffusion encore plus large.
Dans le monde de l’édition francophone, un livre a une première vie
comme « grand format ». Il coûte aux alentours de 20€. S’il se vend
bien, il sera édité un an ou deux plus tard au format poche, sur du
papier de moins bonne qualité, avec moins de fioritures dans la mise en
page et pour un prix généralement en dessous de 10€.
Ce format poche permet au livre de devenir accessible à un lectorat
beaucoup plus large, à plus de librairies, de bibliothèque. Bref, je
rêve que Bikepunk soit édité au format poche.
La bonne nouvelle, c’est que les discussions en ce sens sont en cours.
Mais le critère majeur qui influence l’éditeur poche est le nombre de
ventes durant sa première année. Et c’est là que vous pouvez vraiment
m’aider et me soutenir : en achetant un exemplaire de Bikepunk « grand
format » pour vous ou pour offrir avant la fin de l’année. Chaque
exemplaire vendu accroît la probabilité de voir le livre sortir au
format poche.
Alors oui, le grand format est plus cher. Mais dans le cas de Bikepunk,
je vous garantis que la couverture de Bruno Leyval et la mise en page en
font un magnifique objet à offrir. À quelqu’un d’autre ou à vous-même.
Commandez à l’avance !
======================
En achetant Bikepunk, vous faites la promotion du vélo, vous avez un
cadeau de moins à trouver, vous me soutenez, mais vous soutenez
également les éditions PVH, qui éditent de la littérature sous licence
libre ! Et je peux vous assurer que ce n’est pas évident tous les jours.
Chaque livre vendu fait réellement la différence pour un petit éditeur
qui doit gérer les « retours » (à savoir être forcé de racheter les
invendus des librairies quand ces dernières veulent faire de la place
dans leur stock, le monde du livre est une jungle !)
L’année passée, je vous avais proposé une petite sélection de livres à
offrir.
Offrez des évasions livresques ! (ploum.net)
https://ploum.net/2024-11-27-offrez-des-livres.html
Cette sélection est toujours valable, mais notez les dernières sorties
PVH dont le roman Rush de Thierry Crouzet, le très mystérieux roman de
fantasy écrit à 10 mains : Le bastion des dégradés et, traduit pour la
première fois en français, le classique de la SF italienne Bloodbusters,
par le génial Francesco Verso. Je n’ai encore lu aucun des trois, mais,
connaissant personnellement tous les auteurs et ayant entendu certains
bruits de couloir, je suis très impatient.
Rush (pvh-editions.com)
https://pvh-editions.com/product/rush
Le bastion des dégradés (pvh-editions.com)
https://pvh-editions.com/product/le-bastion-des-degrades-papier
Bloodbusters (pvh-editions.com)
https://pvh-editions.com/product/bloodbusters
Nouveautés PVH dans la collection Asynchrone
https://ploum.net/files/asynchrone.webp
Un gros truc qui aide vraiment PVH, c’est de commander le plus tôt
possible. Que ce soit en libraire ou via le site, il y a souvent des
retards de distribution indépendants de PVH. Surtout en période de fête.
Du coup, le mieux est de commander maintenant sur le site ou d’envoyer
un email à votre libraire pour commander le plus vite possible (ce qui
vous évite les frais de port).
Je sais que je me répète…
=========================
Pour certains d’entre vous, ça sent la répétition, limite la vente
forcée insistante. Je m’en excuse. Mais ce qui semble évident pour
quelqu’un qui lit chacun de mes billets ne l’est pas spécialement pour
tout le monde. Comme le prouve cette anecdote vécue lors d’un festival
récent.
Une personne passe devant moi puis s’arrête devant le carton portant le
nom « Ploum ».
— Tu es Ploum ?
— Oui
(la personne sort son téléphone, lance un navigateur et se rend sur mon
blog)
— Je veux dire, tu es le ploum qui écrit ce blog ?
— Oui, c’est moi.
— Génial ! Ça fait 20 ans que je lis régulièrement tes articles. Un peu
moins maintenant à cause des enfants, mais j’aime beaucoup. Tu fais quoi
à un stand de dédicaces ?
— Je dédicace mes romans.
— Ah bon, tu as écrit des romans ! C’est nouveau ?
— À peu près 5 ans.
La moralité de cette histoire, c’est que beaucoup de lecteurs de ce blog
ne savent pas ou n’ont pas prêté beaucoup attention au fait que j’écris
des romans. Et c’est tout à fait normal, voire souhaitable, de ne pas
être au courant de tous mes billets !
Alors, une fois n’est pas coutume, j’aimerais insister là-dessus parce
que j’ai besoin de vous. À la fois pour acheter le livre et en faire la
promotion autour de vous voire chez votre libraire, en postant une
critique sur votre blog ou sur Babelio.
Lorsqu’on n’a ni l’envie ni les moyens de s’offrir des affiches dans le
métro parisien, lorsqu’on refuse de financer Bolloré pour apparaître
dans le top 10 des points Relay, lorsqu’on n’imprime pas 100.000
exemplaires (dont la moitié seront détruits après un an) pour inonder
les présentoirs des librairies, vendre un livre est une véritable
gageure !
Mais heureusement, je peux compter sur vous. Alors, un énorme merci pour
votre soutien !
Commander Bikepunk en ligne (au cas où vous auriez oublié)
https://pvh-editions.com/product/bikepunk
Bikepunk dans un sapin de Noël avec une boule vélo et une boule machine
à écrire
https://ploum.net/files/bikepunk_noel2.jpg
Et si vous avez déjà Bikepunk, pourquoi ne pas tester mes autres
livres ?
La Ploumerie (pvh-editions.com)
https://pvh-editions.com/ploum
Bikepunk suspendu
=================
Paradoxalement, je sais que c’est souvent celles et ceux qui ont les
fins de mois les plus difficiles qui sont les plus enclins à contribuer
aux campagnes de dons des associations, à aider les autres. Je sais
également que mettre 20€ dans un livre n’est pas toujours facile. En
fait, je me sens incroyablement mal face à des personnes qui hésitent à
acheter le livre pour des raisons de budget. J’essaye alors le plus
souvent de les convaincre de ne pas l’acheter et de télécharger à la
place la version epub pirate (et entièrement légale) ou de l’emprunter.
Bref, je suis très mauvais vendeur et c’est une des raisons pour
lesquelles je tiens tant à ce que Bikepunk soit édité au format poche :
pour qu’il soit moins cher !
Welib, la librairie pirate qui semble avoir remplacé Libgen et qui est
censurée en Belgique
https://welib.org/
J’insiste donc sur un point : cette demande de soutien ne s’adresse qu’à
celles et ceux qui peuvent confortablement dépenser 20€ dans un livre ou
un cadeau.
Pour les autres, j’ai décidé de « suspendre » 10 exemplaires du livre.
Pour bénéficier d’un exemplaire suspendu, il suffit de m’écrire à
l’adresse suspendu(at)bikepunk.fr. Pas besoin de vous justifier. Je vous
fais confiance et je vous garantis que votre demande restera
confidentielle. Malheureusement, je ne peux pas offrir les frais de
port, ceux-ci resteront donc à votre charge.
Merci encore et toutes mes excuses pour cet encart publicitaire dans
votre flux et bonnes lectures !
Commander Bikepunk en ligne (dernier rappel de ce billet, promis ! )
https://pvh-editions.com/product/bikepunk
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La guerre que mènent les robots ascientifiques contre la solitude intellectuelle
by Ploum.net (billets en français uniquement) 07 Nov '25
by Ploum.net (billets en français uniquement) 07 Nov '25
07 Nov '25
LA GUERRE QUE MÈNENT LES ROBOTS ASCIENTIFIQUES CONTRE LA SOLITUDE
INTELLECTUELLE
by Ploum on 2025-11-07
https://ploum.net/2025-11-07-solitude-intellectuelle.html
On entend souvent que l’IA a des avantages et des inconvénients, mais
que c’est un changement de paradigme, qu’il faut l’accepter. Qu’on ne
peut pas « refuser en bloc ». Pourtant, le refus en bloc a bien eu lieu
avec, par exemple, les NFTs. Et c’était, à mon avis, à raison parce que
les NFT n’apportaient rien.
Je prétends que la frénésie d’IA n’est pas du tout un changement de
paradigme. C’est même le contraire.
Changements de paradigmes (ploum.net)
https://ploum.net/2024-04-02-paradigmes.html
Oui, je le prétends haut et fort, ce qu’on nous vend avec l’IA n’est
guère plus utile que les NFT. Tous les « nouveaux usages » sont, dans
l’immense majorité, parfaitement stupides, voire hyper dangereux. Et les
cas qui seraient potentiellement utiles ne sont tout simplement pas
rentables. Si l’internet mobile a été un réel changement de paradigme,
les IA ne le sont pas.
Ce que nous voulons entendre
============================
Ce qu’on nous vend comme de l’IA n’est, en réalité, rien de plus qu’un
robot conversationnel programmé pour nous faire plaisir. Pour dire ce
qu’on veut entendre. Comme le dit Tattierantula dans un fil Mastodon :
« Au plus on a étudié le domaine, au plus on est susceptible de tomber
dans le piège du robot conversationnel. Tout comme un roboticien se sent
désolé pour un aspi-robot coincé dans un coin. »
Fil Mastodon de Tattierantula
https://hachyderm.io/@datarama/115479982892174664
Non, le robot conversationnel n’est pas un truc qui va « changer nos
paradigmes ». Oui, un truc peut être à la mode et être complètement con.
Non, on ne doit pas être nécessairement « subtil », « mesuré » ou
« ouvert à la nouveauté ». Virgile Andreani l’a superbement illustré
avec ce pouet sur Mastodon :
> Qu'on le veuille ou non, l'astrologie est là pour rester. Certains de
nos étudiant·es l'utilisent déjà : ça n'aurait donc pas de sens de
lutter contre. Comment en faire un usage responsable et éthique ?
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un monde qui change, dispensée par des experts indépendants reconnus
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comprendre comment être plus rationnels ! 🛸✨🔮
Virgile Andreani ⏚ 🇵🇸 : " Qu'on le veuille ou non, l'astrologie est là
pour… " (social.sciences.re)
https://social.sciences.re/@Armavica/115428186607759623
J’insiste sur ce point important : les robots conversationnels sont
littéralement programmés pour répondre ce que nous voulons lire. Il n’y
a aucune notion de « vérité » ou de « réel » dans l’entraînement des IA.
Ce sont donc, par essence, des outils ascientifiques. La comparaison
avec l’astrologie est parfaitement apte. Et on peut trouver une utilité
aux robots conversationnels de la même manière qu’on peut trouver une
utilité à jouer au tarot pour lancer une conversation ou imaginer la
suite d’une histoire sur laquelle nous bloquons. Ou jouer à pile ou face
une décision qui nous fait hésiter.
Même les opposants aux LLMs concèdent que « cela peut avait une grande
utilité, par exemple en médecine ». C’est entièrement faux. Les premiers
résultats sont catastrophiques : une perte rapide d’expérience chez les
spécialistes utilisant l’IA, une incapacité pour les jeunes générations
de se former. Un outil qui n’a aucun fondement épistémologique de vérité
ne peut, par définition, pas être utile pour un scientifique.
Et répondre avec une anecdote où « ça a fonctionné » est justement le
contraire de la méthode scientifique.
La disparition du sentiment de solitude
=======================================
La seule réelle utilité de cette IA serait donc d’offrir une oreille
attentive à celleux qui se sentent seul·e·s. Sur ce sujet, un très long
article d’Huber Guillaud sur les IAs utilisées comme compagnon de
discussion.
La crise des chatbots compagnons (danslesalgorithmes.net)
https://danslesalgorithmes.net/2025/09/25/la-crise-des-chatbots-compagnons/
Une idée m’a frappée dans ce texte : le fait que les chatbots font
disparaître le sentiment de solitude tout comme les mobiles et leurs
notifications ont fait disparaître le sentiment d’ennui, ennui pourtant
fondamental pour reposer le cerveau.
Mais ce sont les sentiments qui ont disparu ! Exactement comme la coca
coupe le sentiment de faim sans pour autant apporter la moindre valeur
nutritive. Pour cette raison, elle est massivement utilisée par les
pauvres.
Et c’est exactement la même chose pour les usages professionnels, voire
scientifiques, de l’IA. Ce papier de Duc Cuong Nguyen et Catherine
Whelch insiste sur ce point. Les LLMs sont des outils conversationnels
tellement convaincants que même les scientifiques ont l’impression de
parler avec d’autres scientifiques compétents. Ils se font alors
complètement induire en erreur, car ils ont l’impression d’avoir enfin
une oreille attentive qui les comprend.
Generative Artificial Intelligence in Qualitative Data Analysis:
Analyzing—Or Just Chatting? (journals.sagepub.com)
https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10944281251377154
Pour caricaturer, la hype autour du « prompt engineering » a convaincu
une génération de managers et de politiciens qu’il suffit de dire « Tu
es un chercheur de génie qui vient de recevoir le prix Nobel de médecine
pour avoir guéri le cancer. Explique-moi en cinq phrases ta découverte »
pour que ChatGPT nous donne réellement le remède contre le cancer. Et
les scientifiques, dont les financements dépendent des politiciens et
des managers du privé, sont forcés d’aller dans ce sens, parfois sans
s’en rendre compte. Voire, pire, en commençant à réellement apprécier
les interactions avec les LLMs, ce que Hamilton Mann compare au syndrome
de Stockholm.
Comment se protéger du syndrome de Stockholm technologique face à l’IA ?
(www.polytechnique-insights.com)
https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/digital/comment-se-proteger…
La lutte contre l’intellectualisme
==================================
La réflexion intellectuelle nécessaire à toute quête scientifique
nécessite de longs temps de solitude. Ce que Cal Newport appelle « Deep
Work ». Il est nécessaire de s’abstraire des conventions sociales, du
charisme humain capable de faire passer des vessies pour des lanternes
et de se retrouver seul. Seul face aux données reflétant la réalité,
seul face aux longs enchainements logiques.
Les robots générationnels ne sont donc pas un changement de paradigme.
Comme les notifications et l’obligation de connexion permanente, ils ne
sont qu’un outil de plus pour tenter d’envahir nos réflexions et notre
solitude. Ils ne sont qu’une arme de plus dans la guerre que le
consumérisme mène contre l’intellectualisme.
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QUAND ÉCLATERA LA BULLE IA…
by Ploum on 2025-11-01
https://ploum.net/2025-11-01-eclatement-bulle-ia.html
Comme le souligne Ed Zitron, toute la bulle actuelle est basée sur 7 ou
8 entreprises qui s’échangent des promesses de s’échanger des milliards
d’euros lorsque tous les habitants de la planète dépenseront en moyenne
100€ par mois pour utiliser ChatGPT. Ce qui, pour éviter une cascade de
faillites, doit arriver dans les 4 ans au plus tard.
Is There Any Real Money In Renting Out AI GPUs? (www.wheresyoured.at)
https://www.wheresyoured.at/is-there-any-real-money-in-renting-out-ai-gpus/
Spoiler : cela n’arrivera jamais.
(oui, Gee m’a convaincu que le spoiler, ce n’était finalement pas si mal
et que si spoiler gâche réellement une œuvre, c’est que l’œuvre est
merdique)
Détendons-nous du spoiler (grisebouille.net)
https://grisebouille.net/detendons-nous-du-spoiler?utm_source=GBRSS
Tout le monde est en train de perdre une fortune à investir dans une
infrastructure IA que personne ne veut payer pour utiliser.
Big Tech Needs $2 Trillion In AI Revenue By 2030 or They Wasted Their
Capex (www.wheresyoured.at)
https://www.wheresyoured.at/big-tech-2tr/
Parce qu’à part deux ou trois managers lobotomisés par les écoles de
commerce et tout fiers de poster sur LinkedIn des textes générés qu’ils
n’ont même pas lus, ChatGPT est loin d’être la révolution promise. C’est
juste ce qu’on veut nous faire croire. Cela fait partie du marketing !
Tout comme on veut nous faire croire qu’avoir une app pour tout nous
simplifie la vie alors que si on réfléchit rationnellement, le coût
cognitif de l’app est souvent supérieur à l’alternative, mais encore
faut-il qu’alternative il y ait.
Et ce n’est pas un hasard si je parle d’apps pour illustrer la bulle IA.
La saturation du smartphone
===========================
Parce que les apps ont été promues à grand renfort de marketing pour
promouvoir indirectement la vente de smartphone. Qu’une gigantesque
industrie s’est formée sur le fait que le marché des smartphones était
en pleine croissance. Et si la bulle n’a pas explosé, un autre phénomène
est arrivé très récemment : la saturation.
Saturation and the Triumph of History (notes.hella.cheap)
https://notes.hella.cheap/saturation-and-the-triumph-of-history.html
Tout le monde a un smartphone. Celleux qui n’en ont pas n’en veulent pas
en conscience. Celleux qui en ont vont le remplacer de moins en moins
souvent, car les nouveaux modèles n’apportent plus rien et, au
contraire, retirent des fonctions (combien s’accrochent à un vieux
modèle pour garder un jack audio ?). L’industrie a fini sa croissance
et va se stabiliser dans un renouvellement de l’existant.
Si j’étais méchant, je dirais que le marché du dumbphone a un plus fort
potentiel de croissance que celui du smartphone.
Toutes les petites sociétés et les services qui se sont fait convaincre
de « développer une app » ne l’ont fait que pour promouvoir la vente de
smartphone et, désormais, cela ne sert plus à rien. Elles se retrouvent
à devoir gérer trois clientèles différentes : Android, iPhone et celleux
sans aucun des deux. Bref, vous pouvez arrêter de « promouvoir vos
apps », cela ne vous rapportera rien d’autre que du travail et des coûts
supplémentaires. Que cela vous serve de leçon à l’heure où vous
« investissez dans l’IA ».
Spoiler : personne n’a compris la leçon.
Croissance, Ô Croissance !
==========================
Mais le capitalisme a besoin de croissance ou, au moins, la croyance
d’une croissance future.
C’est exactement ce que promet l’IA et la raison pour laquelle nous
sommes gavés de marketing pour l’IA partout, que les nouveaux téléphones
ont des « puces IA » et que toutes les apps se mettent à jour pour nous
forcer à utiliser l’IA.
Par rapport à l’explosion du mobile, j’observe néanmoins une différence
flagrante, fondamentale.
Beaucoup de gens « normaux » n’aiment pas. Les mêmes qui étaient
fascinés par les premiers smartphones, qui étaient fascinés par les
réponses de ChatGPT sont furieux d’avoir une IA dans Whatsapp ou dans
leur brosse à dents. Celleux qui croient le plus en l’IA ne sont pas
celleux qui l’utilisent le plus (ce qui était le cas du smartphone),
mais celleux qui pensent que d’autres vont l’utiliser !
Mais ces autres ne l’utilisent finalement que très peu. Et ce n’est pas
une réflexion éthique ou écologique ou politique.
C’est juste que ça les emmerde. Que même avec du matraquage marketing
incessant, ils ont l’impression que ça complique leur vie plutôt que la
simplifier. J’observe de plus en plus de gens refuser de faire des mises
à jour, tenter de faire durer le plus longtemps possible un appareil
pour éviter d’avoir à racheter le nouveau avec des écrans tactiles à la
place des boutons. Ce que j’expliquais déjà en 2023.
Keynote Touraine Tech 2023 : Pourquoi ? (ploum.net)
https://ploum.net/2023-03-30-tnt23-pourquoi.html
Nous avons atteint un point de saturation technologique.
Lorsque vous refusez l’IA ou que vous demandez un bouton physique pour
régler le volume de la radio dans votre nouvelle voiture, les vendeurs
et le marketing se contentent de vous classer dans la catégorie des
« ignares qui ne comprennent rien à la technologie » (dans laquelle ils
me classent dès que j’ouvre la bouche, et ça m’amuse beaucoup d’être
pris pour un ignare technologique).
Mais, à un moment, ces ignares vont devenir une masse importante. Ces
non-consommateurs vont commencer à peser, économiquement, politiquement.
L’espoir des ignares technologiques
===================================
L’économie de la merdification (ou « crapitalism » comme l’appelle
Charlie Stross) est, sans le vouloir, en train de promouvoir la
décroissance et le low-tech !
Petit manifeste low-tech (ploum.net)
https://ploum.net/2025-05-16-manifeste-lowtech.html
Chaque système contient en lui les germes de la révolution qui le
renversera.
Du moins, je l’espère…
La bulle du web 2.0 a éclaté en laissant en place une énorme
infrastructure sur laquelle ont pu prospérer quelques survivants
(Amazon, Google) et quelques nouveaux venus (Facebook, Netflix) qui se
sont littéralement approprié les restes.
Parfois, une bulle ne laisse rien derrière elle, comme celle des
subprimes en 2008.
Qu’en sera-t-il de la bulle IA dans laquelle nous sommes ? Les
datacenters construits seront rapidement obsolètes. La destruction sera
énorme.
Mais ces data centers nécessitent de l’électricité. Beaucoup
d’électricité. Et pour une grande partie, une électricité renouvelable,
car c’est la moins chère à l’heure actuelle.
Mon pari est donc que l’éclatement de la bulle IA va créer une offre
d’électricité sans précédent. Celle-ci va devenir presque gratuite et,
dans certains cas, elle aura même un prix négatif (parce qu’une fois les
batteries pleines, il faut bien évacuer la production excédentaire).
Et si l’électricité est gratuite, il devient de plus en plus difficile
de justifier de brûler du pétrole. La fin de la bulle IA pourrait
également sonner la fin d’une bulle pétrolière qui dure depuis 70 ans.
Ça paraît un peu utopiste et, au moment de l’éclatement, ça ne va pas
être joli à voir. Ça peut commencer demain comme dans 10 ans. La
transition risque de durer plus qu’une poignée d’années. Mais,
clairement, c’est un changement civilisationnel qui s’amorce…
On n’y arrivera pas sans douleur. La récession économique va alimenter
tous les délires fascistes disposant d’une infrastructure d’espionnage
dont l’officier de la Stasi le plus fou n’aurait jamais pu rêver. Mais
ptêtre qu’au bout du tunnel, on se dirigera vers ce que Tristan Nitot a
décrit dans sa novelette « Vélorutopia ». Il prétend s’inspirer, entre
autres, de Bikepunk. Mais je crois qu’il dit ça pour me flatter.
Vélorutopia - Standblog (standblog.org)
https://standblog.org/blog/pages/Velorutopia
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27 Oct '25
QU’EST-CE QUE L’OUTIL VA FAIRE DE MOI ?
by Ploum on 2025-10-27
https://ploum.net/2025-10-27-outil-va-faire-de-moi.html
Je ne peux résister à vous partager cet extrait issu de « L’odyssée du
pingouin cannibale », de l’inénarrable Yann Kerninon, philosophe et punk
rocker anarchocycliste :
> Quand on m’envie d’écrire des livres et d’être un philosophe, j’ai
toujours envie de répondre « allez vous faire foutre ». Dans une
interview télévisée, le philosophe Kostas Axelos affirmait que ce
n’était jamais le penseur qui faisait la pensée, mais bien toujours la
pensée qui faisait le penseur. Il ajoutait qu’il aurait bien aimé qu’il
en soit autrement. Au journaliste étonné qui lui demandait pourquoi, il
répondit avec un léger sourire : « Parce que c’est la source d’une
grande souffrance. »
L’Odyssée du pingouin cannibale (www.buchetchastel.fr)
https://www.buchetchastel.fr/catalogue/lodyssee-du-pingouin-cannibale/
Cette idée que la pensée fait le penseur est poussée encore plus loin
par Marcello Vitali-Rosati dans son excellent « Éloge du bug ». Dans cet
ouvrage, que je recommande chaudement, Marcello critique la dualité
platonicienne qui imprègne la pensée occidentale depuis 2000 ans. Il y
aurait les penseurs et les petites mains, les dirigeants et les
obéissants, le virtuel et le réel. Ce dénigrement de la matérialité
aurait été poussé à son paroxysme par les GAFAM qui tentent de cacher
toute l’infrastructure sur laquelle elles s’appuient. Nous avons nos
données dans « le cloud », nous cliquons pour passer une commande et,
magiquement, le paquet arrive à notre porte le lendemain.
Éloge du bug - Éditions Zones (www.editions-zones.fr)
https://www.editions-zones.fr/livres/eloge-du-bug/
Lorsqu’un étudiant me dit que son téléphone se connecte à un satellite,
lorsqu’un politicien s’étonne que les câbles sous-marins existent
encore, lorsqu’un usager associe « wifi » et internet, ce n’est pas de
la simple ignorance comme je l’ai toujours cru. C’est en réalité le
résultat de décennies de lavage de cerveau et de marketing pour tenter
de nous faire oublier la matérialité, pour tenter de nous convaincre que
nous sommes tous des « décideurs » à qui obéit un génie magique.
Marcello fait le parallèle avec le génie d’Aladdin. Car, au cas où vous
ne l’auriez pas remarqué, Aladdin est inculte. Il veut « des beaux
vêtements » mais n’a aucune idée de ce qui fait que des vêtements sont
beaux ou non. Il ne pose aucun choix. Il est sous la coupe totale du
génie qui prend l’entièreté des décisions. Il croit être le maître, il
est le jouet du génie.
Je me permets même de pousser l’analogie en faisant appel aux habits
neufs de l’empereur : lorsqu’Aladdin sera complètement dépendant du
génie, celui-ci lui fournira des habits « invisibles » en le
convainquant que ce sont les plus beaux. Ce processus est désormais
connu sous le nom de « merdification ».
De la merdification des choses (ploum.net)
https://ploum.net/2023-06-15-merdification.html
Le néoplatonicisme de Plotin voulait que l’écrit ne soit qu’une tâche
vulgaire, subalterne de la pensée.
Avec ChatGPT et consorts, la Silicon Valley a inventé le néo-
néoplatonicisme. La pensée elle-même devient vulgaire, subalterne à
l’idée. Le grand entrepreneur a l’ébauche d’une idée, plutôt un désir
intuitif. Charge aux sous-fifres de le réaliser ou, pour le moins, de
créer une campagne marketing pour modifier la réalité, pour convaincre
que ce désir est réel, génial, souhaitable et réaliste. Que son auteur
mérite les lauriers. C’est ce que j’ai appelé « la mystification de la
Grande Idée ».
De la mystification de la Grande Idée (ploum.net)
https://ploum.net/2025-09-18-idees-mystifiees.html
Mais ce n’est pas le penseur qui fait la pensée. C’est la pensée qui
fait le penseur.
Ce n’est pas la pensée qui fait l’écrit, c’est l’écrit qui fait la
pensée.
L’acte d’écriture est physique, matériel. L’utilisation d’un outil ou
d’un autre va grandement affecter l’écrit et, par conséquent, la pensée
et donc le penseur lui-même. Sur ce sujet, je ne peux que vous
recommander chaudement « La mécanique du texte » de Thierry Crouzet.
L’absence de cette référence m’a d’ailleurs sauté aux yeux dans « Éloge
du bug », car les deux livres sont très complémentaires.
La mécanique du texte (tcrouzet.com)
https://tcrouzet.com/books/la-mecanique-du-texte/
Si toute cette réflexion semble pour le moins abstraite, j’en ai fait
l’expérience de première main. En écrivant à la machine à écrire, bien
entendu, comme c’est le cas pour mon roman Bikepunk.
Les chroniques du Flash (bikepunk.fr)
https://bikepunk.fr/
Mais le changement le plus profond que j’ai vécu est probablement lié à
ce blog.
Il y a 3 ans, j’ai enfin réussi à quitter Wordpress pour faire un blog
statique que je génère avec mon propre script.
La fin d’un blog et la dernière version de ploum.net (ploum.net)
https://ploum.net/2022-12-04-fin-du-blog-et-derniere-version.html
De manière amusante, Marcello Vitali-Rosati vient de faire un
cheminement identique.
Un nouveau blog (blog.sens-public.org)
https://blog.sens-public.org/marcellovitalirosati/2025-10-21-nouveaublog.ht…
Mais ce n’est pas un long processus réflexif qui m’a amené à cela. C’est
le fait d’être saoulé par la complexité de Wordpress, de me rendre
compte que j’avais perdu le plaisir d’écrire et que je le retrouvais sur
le réseau Gemini. J’ai mis en place des choses sans en comprendre les
tenants et les aboutissants. J’ai expérimenté. J’ai été confronté à des
centaines de microdécisions que je ne soupçonnais pas. J’ai appris
énormément sur le HTML en développant Offpunk et je l’ai appliqué sur ce
blog. Pour être honnête, je me suis rendu compte que j’avais oublié
qu’il était possible de faire une simple page HTML sans JavaScript, sans
un thème CSS fait par un professionnel. Et pourtant, une fois en ligne,
je n’ai reçu que des éloges sur un site pourtant minimal.
Mon processus de blogging s’est complètement modifié. Je me suis remis à
Vim après m’être remis pleinement à Debian. Mes écrits s’en sont
ressentis. J’ai été invité à parler de minimalisme numérique, de low-
tech.
Petit manifeste low-tech (ploum.net)
https://ploum.net/2025-05-16-manifeste-lowtech.html
Mais je n’ai pas rejoint Gemini parce que je me sentais un minimaliste
numérique dans l’âme. Je n’ai pas quitté Wordpress par amour de la low-
tech. Je n’ai pas créé Offpunk parce que je suis un guru de la ligne de
commande.
Offpunk, an offline-first command-line browser (offpunk.net)
https://offpunk.net/
C’est exactement le contraire ! Gemini m’a illuminé sur une manière de
voir et de vivre un minimalisme numérique. Programmer ce blog m’a fait
comprendre l’intérêt de la low-tech. Créer Offpunk et l’utiliser ont
fait de moi un adepte de la ligne de commande.
La pensée fait le penseur ! L’outil fait le créateur ! Le logiciel libre
fait le hacker ! La plateforme fait l’idéologie ! Le vélo fait la
condition physique !
Peut-être que nous devrions arrêter de nous poser la question « Qu’est-
ce que cet outil peut faire pour moi ? » et la remplacer par « Qu’est-ce
que cet outil va faire de moi ? ».
Car si la pensée fait le penseur, le réseau social propriétaire fait le
fasciste, le robot conversationnel fait l’abruti naïf, le slide
PowerPoint fait le décideur crétin.
Qu’est-ce que cet outil va faire de moi ?
En énonçant cette question à haute voix, je soupçonne que nous verrons
d’un autre œil l’utilisation de certains outils, surtout ceux qui sont
« plus faciles » ou « que tout le monde utilise ».
Qu’est-ce que cet outil va faire de moi ?
En regardant autour de nous, il y a finalement peu d’outils dont la
réponse à cette question est rassurante.
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14 Oct '25
LA JUSTESSE AU LIEU DE L’EXACTITUDE
by Ploum on 2025-10-14
https://ploum.net/2025-10-14-justesse-exactitude.html
Où je parle de hockey sous-marin, d’avions militaires et du
pourrissement des oranges punks.
L’arbitraire de l’arbitrage
===========================
C’est un fait historique peu connu, mais j’ai, brièvement, été arbitre
sportif. J’ai en effet arbitré des matchs de première division belge de
hockey subaquatique (si, c’est un sport qui existe). Bon, en réalité,
j’ai été arbitre parce que chaque équipe de division 2 devait envoyer
des joueurs arbitrer des matchs de division 1. Mais, au final, je l’ai
quand même fait.
Je me souviens d’un match particulièrement important entre les deux
meilleures équipes de Belgique qui s’affrontaient pour le titre de
champion de Belgique.
En hockey subaquatique, il y a normalement deux arbitres dans l’eau.
Mais, lors de ce match, le second arbitre s’avéra dépassé et, à chaque
action, me faisait le geste signifiant "je n’ai pas vu l’action" (étant
équipés de masque et de tubas, les arbitres communiquent par gestes
codifiés).
Je me suis donc retrouvé à arbitrer presque seul ce qui était
probablement le match le plus important du championnat. Malgré mon
manque d’expérience, j’ai très vite compris que la seule manière de
garder le contrôle d’un match très engagé était de prendre des décisions
fermes avec assurance. Le palet était sorti après une mêlée confuse ?
Pas le temps d’analyser au millimètre qui était le dernier joueur à
l’avoir touché : je devais simplement prendre une décision. Quoi que je
décide, l’autre équipe allait réclamer. C’est d’ailleurs arrivé très
vite. En hockey subaquatique, seul le capitaine peut, en théorie,
s’adresser à l’arbitre. Un joueur est venu, en se plaignant. J’ai fait
le geste de demander s’il était capitaine et, comme ce n’était pas le
cas, je l’ai exclu pour 3 minutes. Il s’est mis à hurler, J’ai rajouté 2
minutes d’exclusion. C’était particulièrement sévère. Mais, à partir de
ce moment, plus aucune de mes décisions n’a été contestée.
J’ai essayé de les rendre les plus justes possible et le match s’est
très bien déroulé.
J’ai appris une chose importante : l’arbitrage n’est pas une discipline
scientifique. Est-il physiquement possible de déterminer exactement
quelle a été la dernière crosse à toucher le palet avant qu’il sorte ? À
partir de quand exactement un shoot est-il considéré comme dangereux ?
Même la frontière entre un goal et un sauvetage de justesse sur la ligne
possède un certain degré d’arbitraire.
Pour prendre une décision juste, l’arbitre peut utiliser son intuition
humaine. Si un défenseur a foncé vers un attaquant et que le palet est
sorti, on peut, dans le doute, estimer que la sortie est la faute du
défenseur. L’arbitre peut également « sentir » l’aspect volontaire ou
non d’une faute.
Mais tout cela n’était possible que parce que, contrairement au
football, le hockey subaquatique n’est pas équipé de caméras qui
scrutent tout au ralenti. Le football qui est devenu un sport que je
trouve absolument impossible à apprécier : après avoir marqué un goal,
les joueurs se tournent désormais vers l’arbitre et attendent pour
savoir s’il n’y avait pas eu un hors-jeu millimétré 5 minutes plus tôt.
Le tout est analysé en coulisse par un type devant un ordinateur qui
transmet ses décisions dans l’oreillette de l’arbitre. Ou plutôt les
décisions prises par un ordinateur.
L’aspect humain du jeu a complètement disparu et prend les attributs
d’une décision pseudoscientifique, tentant de découvrir une « vérité ».
Or, scientifiquement, il n’y a pas de vérité possible. Le hors-jeu se
déclare au moment où le ballon quitte le pied du passeur. Ce moment
n’existe pas. Le ballon se déformant, je mets au défi quiconque de
déterminer la milliseconde exacte de cet événement. Il en est de même
pour décider si une ligne à été franchie ou non. À partir de quel
millimètre peut-on dire qu’une sphère a franchi une ligne tracée sur des
brins d’herbe ? Rien que le placement des caméras et l’éclairage du
stade vont influencer la décision. Même en cyclisme il est parfois
incroyablement difficile de déterminer quel vélo a franchi la ligne en
premier. Et la décision est alors prise sans appel possible.
Scientifiquement, c’est très compliqué de tracer une limite exacte. Un
de mes profs de polytechnique disait que les appareils à aiguille sont
toujours plus précis que les afficheurs numériques, car on peut voir la
mesure « réelle » … quitte à bouger un peu la tête pour qu’elle
corresponde à ce que l’on veut !
Pour mesurer scientifiquement, il faut poser des hypothèses, discuter,
prendre plusieurs mesures, répéter une expérience. Humainement, au
contraire, il est possible de prendre la décision qui parait la plus
juste possible sur le moment même. La décision pourra toujours être
discutée par après, mais, dans le feu de l’action, c’est celle qui a été
prise.
Et même si les décisions ne sont pas parfaites, le fait qu’elles
paraissent justes à première vue va créer une relation de confiance
envers l’arbitre. L’arbitre se sentira responsable et utilisera son
intuition pour préserver sa réputation. Lorsque j’ai arbitré ce fameux
match de hockey, je n’ai jamais cherché à prendre la décision la plus
exacte, mais toujours la plus juste.
Mais la machine ne permet plus la justesse. La justesse s’efface au
profit d’une arbitraire exactitude. L’arbitre obéit désormais à des
instructions qui lui sont soufflées dans l’oreillette. Il ne peut plus
prendre de décisions. Il ne peut plus prendre de décisions, mais,
paradoxalement, il en reste responsable.
De la complexité comme justification de la non-décision
=======================================================
Il n’y a pas que les arbitres de sport. Les pilotes de chasse sont
désormais confrontés au même problème.
Le F-35 est un avion tellement complexe qu’il est devenu tout bonnement
inpilotable. Le 27 août 2025, un appareil s’est écrasé. Le train
d’atterrissage était bloqué en position semi-ouverte et le pilote a
tenté une série de « touch down », une procédure vieille comme
l’aviation et que Buck Danny utilise notamment dans Prototype FX-13, un
album de 1961, pour résoudre le même problème.
Buck Danny n’avait pas un ordinateur hyper complexe à son bord et il
sauve finalement l’avion. En 2025, l’ordinateur a considéré que la
procédure était un atterrissage classique. L’avion s’est mis en mode
« roulage au sol » alors qu’il était en train de redécoller. En mode
roulage à plusieurs centaines de mètres d’altitude, l’engin était bien
entendu ingouvernable, forçant l’éjection du pilote.
Un problème mécanique prévisible et « classique » s’est transformé,
grâce aux ordinateurs en catastrophe.
F-35 pilot held 50-minute airborne conference call with engineers before
fighter jet crashed in Alaska (edition.cnn.com)
https://edition.cnn.com/2025/08/27/us/alaska-f-35-crash-accident-report-hnk…
Comme ce prof d’électronique qui, pour justifier l’importance de
l’électronique moderne, nous avait expliqué que grâce à l’électronique,
sa voiture avait pu être réparée en moins d’une heure le jour même de
son départ en vacances. La panne en question ? Un défaut du capteur
électronique qui inventait de fausses pannes.
Plus besoin d’avoir un problème réel. Désormais, tout est automatisé !
En 2024, un pilote s’est éjecté de son F-35, car, malgré plusieurs
reboot, son casque connecté indiquait des erreurs critiques.
Problème : après l’éjection du pilote, l’avion a continué à voler
correctement pendant de très longues minutes. Il semblerait que son
casque avait un simple bug informatique.
Marine pilot loses command after ejecting from F-35B that kept flying
(www.marinecorpstimes.com)
https://www.marinecorpstimes.com/news/your-marine-corps/2024/10/31/marine-p…
La subtilité de l’histoire c’est que le pilote en question voit
désormais sa carrière mise entre parenthèses et est poursuivi pour
abandon d’avion fonctionnel. Sauf qu’il a suivi à la lettre la procédure
relative aux messages d’erreur affichés dans son casque.
Non seulement la complexité crée artificiellement des problèmes, mais
elle empêche les humains d’acquérir de l’expérience et de prendre des
décisions. Nous n’avons plus des pilotes qui « sentent » leur avion,
mais des opérateurs suivants des procédures informatisées. C’est pareil
quand mon garagiste me dit que l’erreur 550 de mon véhicule force à un
retour chez le concessionnaire. Lequel n’a, au final, fait que remplacer
une durite, ce que mon garagiste indépendant aurait pu faire directement
si le logiciel ne l’en avait pas empêché.
Le prix de l’espionnage permanent
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Si vous lisez ce blog, vous avez conscience de l’espionnage permanent
dont nous sommes victimes. Et l’une des conséquences directes de cet
espionnage, c’est que tout peut désormais être scruté même longtemps
après. Toutes les décisions peuvent être discutées pour savoir si,
scientifiquement, c’était bien la bonne décision.
Le foot, encore lui, est l’exemple parfait : après 90 minutes de match
suivent des heures voire, dans certains cas, des journées entières de
discussions entre des types qui regardent chaque image au ralenti pour
conclure que l’arbitre, l’entraîneur ou les joueurs ont prix de
mauvaises décisions.
Qu’on soit arbitre, pilote de chasse ou simple citoyen, la seule
stratégie possible pour un humain raisonnable est donc de ne plus
prendre de décisions (ce qui est déjà une décision en soi).
Nous nous sommes fait avoir. Nous servons la machine aveuglément, n’en
tirant aucun bénéfice lorsque tout va bien et en nous faisant taper sur
les doigts lorsque tout va mal. Ce qui sert d’excuses à mettre encore
plus de machines dans l’histoire.
Nous sommes devenus cet assemblage biologiquement mécanique absurde et
contre nature qu’Anthony Burgess appelle « L’orange mécanique » (la
signification du titre est en effet parfaitement explicite dans le
livre, bien plus que dans le film).
Et si vous pensez que l’IA peut vous dépasser, c’est parce que,
justement, vous agissez comme une IA, comme une orange mécanique. Par
définition, ChatGPT surpassera toujours en intelligence celleux qui font
confiance à ChatGPT.
Comme le disait l’inénarrable Yann Kerninon en 2017, il faut juste
arrêter de nous prendre pour des machines. Redevenir des humains. Des
oranges biologiques qui pourrissent et crèvent, mais qui sont, juste
avant, pleines de saveurs et de vitamines.
Peut-on penser l'intelligence artificielle avec une intelligence
superficielle ? - Yann Kerninon
https://www.youtube.com/watch?v=T_FE6_5ZTZI
La capacité de penser
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Andreas raconte son expérience avec un de ses collègues incapable de
résoudre un problème particulier (ce qui arrive à tout le monde, surtout
quand on a le nez dans le guidon). Mais la particularité, c’est que le
collègue en question n’a jamais cherché à résoudre le problème. Il
cherchait à ce que ChatGPT lui donne la réponse.
Lorsqu’Andreas a compris la cause du problème en question, il a tenté de
l’expliquer à son collègue, mais ce n’est que lorsque ce dernier a donné
l’explication à ChatGPT et que ChatGPT a acquiescé qu’ils ont pu enfin
avancer.
Is the ability to think going to become a rare and valuable skill?
(82mhz.net)
http://82mhz.net/posts/2025/09/is-the-ability-to-think-going-to-become-a-ra…
Andreas conclut avec le fait que le cerveau est un muscle. Moins on
l’utilise, plus il s’atrophie et plus l’acte de penser devient
douloureux et moins on a envie de l’utiliser (et donc plus il
s’atrophie).
J’en profite pour rappeler que ChatGPT et consorts sont littéralement
des machines à reformuler vos questions, à acquiescer à tous vos biais
cognitifs. Mais Olivier Ertzscheid l’explique mieux que moi dans ce
court billet « 3 minutes chrono »
La bataille de l’IA, et nos effondrements. (affordance.framasoft.org)
https://affordance.framasoft.org/2025/09/bataille-ia-nos-effondrements/
Mais là où Andrea est trop optimiste est lorsqu’il imagine que savoir
penser va devenir une qualité rare et enviable sur le marché du travail.
Rare, oui.
Enviable, certainement pas. Car penser, c’est remettre en question. Le
capitalisme actuel me fait penser à la guerre 14-18. Les travailleurs
sont la chair à canon. Les intellectuels sont les pacifistes, les
objecteurs de conscience. En tentant de remettre en question
l’épouvantable boucherie dont ils étaient témoins, ils n’ont gagné que
le droit de se faire fusiller.
Questionner, se rebeller, c’est être un perdant !
Ode aux perdants (ploum.net)
https://ploum.net/2024-10-01-ode-aux-perdants.html
Comme je le disais : on ne reçoit pas de médailles pour résister. C’est
même plutôt le contraire : les médailles sont là pour récompenser ceux
qui perpétuent le système sans poser de questions.
Pas de médaille pour les résistants (ploum.net)
https://ploum.net/2025-08-26-medailles-et-resistance.html
Refuser de devenir une orange mécanique, c’est accepter de pourrir.
C’est même le célébrer en s’enfonçant des clous de girofle dans la chair
pour que ce pourrissement sente bon.
En plus, ça donne un look punk, vous ne trouvez pas ?
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18 Sep '25
DE LA MYSTIFICATION DE LA GRANDE IDÉE
by Ploum on 2025-09-18
https://ploum.net/2025-09-18-idees-mystifiees.html
et de la négation de l’expérience
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Festival Hypermondes à Mérignac
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Je dédicacerai ce samedi 20 et dimanche 21 septembre à Mérignac, dans le
cadre du festival Hypermondes. Je participe également à une table ronde
le dimanche. Et pour tout vous dire, j’ai sacrément le trac, car je
serai entouré de noms qui peuplent ma bibliothèque et dont j’ai lu et
relu les livres : Pierre Bordage, J.C. Dunyach, Pierre Raufast,
Catherine Dufour, Laurent Genefort… Sans oublier Shuiten et Peeters, qui
ont marqué mon adolescence et surtout, mon idole, le plus grand
scénariste BD de ce siècle, Alain Ayrolles (parce que pour le siècle
précédent, c’est Gosciny).
Les Hypermondes (hypermondes.fr)
https://hypermondes.fr/
Bref, je me sens tout petit au milieu de ces géants alors n’hésitez pas
à venir me faire un coucou pour que je me sente moins seul sur le
stand !
Festival Hypermondes - Mérignac - Mobilizon (mobilizon.fr)
https://mobilizon.fr/events/b2677c80-1693-4473-be22-f3a0f3ca67a6
La mythologie de l’idée
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Dans le film « Glass Onion » (Rian Johnson, 2022), un milliardaire de la
Tech, parodie de ZuckerMusk, invite des amis sur son île privée pour une
sorte de cluedo géant. Qui dégénère évidemment lorsqu’un véritable crime
est commis.
Ce que j’ai beaucoup aimé dans ce film, c’est l’insistance sur un point
trop souvent oublié : ce n’est pas parce qu’on est riche et/ou célèbre
qu’on est intelligent. Et ce n’est pas parce qu’on arrive à faire croire
au public qu’on est surintelligent, au point de le croire soi-même,
qu’on l’est réellement.
Bref, c’est une belle remise à leur place du monde des milliardaires,
des influenceurs, starlettes et tout ce qui gravite autour.
Néanmoins, un point particulier m’a chagriné : toute une partie de
l’intrigue repose sur savoir qui a eu le premier l’idée de la startup
qui fera le succès du milliardaire, idée qui est littéralement
griffonnée sur une serviette en papier.
C’est très amusant dans le film, mais comme je l’ai déjà dit : une idée
seule ne vaut rien !
Votre idée ne vaut rien (ploum.net)
https://ploum.net/votre-idee-ne-vaut-rien/index.html
L’idée n’est que l’étincelle initiale d’un projet, mais le résultat
final sera impacté par les milliers de décisions et d’adaptations prises
en cours de route.
Le rôle de l’architecte
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Si vous n’avez jamais fait construire de maison, vous pensez peut-être
que vous décrivez la maison de vos rêves à un architecte. Celui-ci vous
propose un plan. Vous validez, les ingénieurs et les ouvriers s’emparent
du plan et la maison se construit.
Sauf qu’en réalité, vous êtes incapable de décrire la maison de vos
rêves. Vos intuitions sont toutes contradictoires. Ce que j’appelle le
syndrome de « la maison de plain-pied sur deux étages ». Et quand bien
même vous avez réfléchi en profondeur, l’architecte va pointer tout un
tas de problèmes pratiques avec vos idées. De choses auxquelles vous
n’avez pas pensé. C’est très joli toutes ces vitres, mais comment allez-
vous les entretenir ?
Il va falloir faire des compromis, prendre des décisions. Et une fois le
plan validé, les décisions continueront sur le chantier. À cause des
imprévus ou des milliers de petits problèmes qui n’apparaissaient pas
sur le plan. Voulez-vous vraiment un évier à cet endroit vu que la porte
s’ouvre dessus ?
Au final, la maison de vos rêves sera très différente de ce que vous
avez imaginé. Pendant des années, vous lui trouverez des défauts. Mais
ces défauts sont des compromis que vous avez expressément choisis.
L’idée d’un roman
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En tant qu’écrivain, il m’arrive régulièrement de me voir poser la
question : « D’où te viennent toutes ces idées ? »
Comme si avoir l’idée était un problème. Des idées, j’en ai des
centaines dans mes tiroirs. Le travail n’est pas d’avoir l’idée, c’est
de faire le plan puis de transformer ce plan en construction.
J’ai plusieurs fois reçu des propositions de type : « J’ai une super
idée pour un roman, je te la partage, tu écris et on fais 50/50 ».
Vous imaginez un instant arriver chez un architecte avec un truc
griffonné et dire : « J’ai une super idée pour une maison, je vous la
montre, vous la construisez, vous trouvez un entrepreneur et on
partage » ?
Contrairement à Printeurs, que j’ai rédigé sans scénario préalable, j’ai
écrit Bikepunk avec une véritable structure. Je suis parti d’une idée
initiale. J’ai brainstormé avec Thierry Crouzet (nos échanges ont fait
naître le fameux flash de l’histoire). Puis j’ai creusé les personnages.
J’ai écrit une nouvelle dans cet univers (créant le personnage de Dale),
j’ai ensuite travaillé la structure pendant un mois avec un tableau de
liège sur lequel je punaisais des fiches. Enfin, je me suis mis à
l’écriture. Bien des fois, je me suis retrouvé confronté à des
incohérences, j’ai dû prendre des décisions.
Le résultat final ne ressemble en rien à ce que j’imaginais. Certaines
scènes clé de mon synopsis se sont révélées, à la relecture de simples
transitions. Des improvisations de dernières minutes semblent, au
contraire, avoir marqué toute une frange de lecteurices.
Bikepunk, le livre
https://bikepunk.fr/
Le code n’est qu’une série de décisions
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Une idée n’est qu’une étincelle qui peut potentiellement se propager, se
mélanger à d’autres. Mais, pour allumer un feu, la source initiale de
l’étincelle compte bien moins que le combustible.
L’invention qui a mit cela en exergue est certainement l’ordinateur. Car
un ordinateur est, par essence, une machine qui fait ce qu’on lui
demande.
Exactement ce qu’on lui demande. Ni plus ni moins.
L’humain a été confronté au fait qu’il est extrêmement compliqué de
savoir ce que l’on veut. Que c’est presque impossible de l’exprimer sans
ambiguïté. Que cela nécessite un langage dédié.
Un langage de programmation.
Et maitriser un langage de programmation demande un esprit tellement
analytique et rationnel qu’un métier s’est créé pour l’utiliser:
programmeur, codeuse, développeur. Le terme importe peu.
Mais, tout comme un architecte, une programmeuse doit en permanence
prendre des décisions qu’elle pense être les meilleures pour le projet.
Pour l’avenir. Ou bien elle identifie les paradoxes pour en discuter
avec le client. « Vous m’avez demandé une interface simple avec un seul
bouton tout en me spécifiant douze fonctionnalités qui doivent avoir un
accès direct avec un bouton dédié. On fait quoi ? » (cas vécu).
De la stupidité de croire en une IA productive
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Ce que je dis paraît peut-être évident, mais lorsque j’entends le nombre
de personnes qui parlent de « vibe programming », je me dis que beaucoup
trop de monde a été bercé avec le paradigme de « l’idée magique » comme
dans Onion Glass.
Les IAs sont perçues comme des machines magiques qui font ce que vous
voulez.
Sauf que, quand bien même elles seraient parfaites, vous ne savez pas ce
que vous voulez.
Les IA ne peuvent pas prendre correctement ces milliers de décisions.
Des algorithmes statistiques ne peuvent produire que des résultats
aléatoires. Vous ne pouvez pas juste émettre votre idée et voir le
résultat apparaître (ce qui est le fantasme des crétins-managers, cette
race d’idiots formés dans les écoles de management qui est persuadée que
les exécutants sont une charge dont il faudrait idéalement se passer).
La conjuration de la fierté ignorante (ploum.net)
https://ploum.net/2024-12-02-conjuration-fierte-ignorante.html
Le fantasme ultime est une machine « intuitive », qu’il ne faut pas
apprendre. Mais l’apprentissage n’est pas seulement technique.
L’expérience humaine est globale. Un architecte va penser aux problèmes
de la maison de vos rêves parce qu’il a déjà suivi vingt chantiers et eu
un aperçu des problèmes. Chaque nouveau livre d’un écrivain reflète son
expérience avec les précédents. Certaines décisions sont les mêmes,
d’autres, au contraire, sont différentes pour expérimenter.
Ne pas vouloir apprendre son outil, c’est la définition même de la
stupidité la plus crasse.
Penser qu’une IA pourrait remplacer un développeur, se montrer sa totale
incompétence quant au travail du développeur en question. Penser qu’une
IA peut écrire un livre ne peut provenir de gens qui ne lisent pas eux-
mêmes, qui ne voient que du papier imprimé.
Ce n’est pas que c’est techniquement impossible. D’ailleurs, beaucoup le
font parce que vendre du papier imprimé, ça peut être rentable avec le
bon marketing, peu importe ce qui est imprimé.
C’est juste que le résultat ne pourra jamais être satisfaisant. Tous les
compromis, les décisions seront le fruit d’un aléa statistique sur
lequel vous n’avez aucun contrôle. Les paradoxes ne seront pas résolus.
Bref, c’est et ce sera toujours de la merde.
Un business, c’est bien plus qu’une idée !
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Facebook n’était pas la première tentative de réseau social entre
étudiants. Amazon n’était pas le premier site de vente de livre en
ligne. Whatsapp était une application pour afficher sa disponibilité
pour un coup de fil à ses amis. Instagram servait à la base à partager
sa position. Microsoft n’avait jamais développé de système
d’exploitation lorsqu’ils ont vendu la licence DOS à IBM.
Bref, l’idée initiale ne vaut rien. Ce qui a fait le succès de ces
entreprises, ce sont les milliards de décisions prises à chaque instant,
les réajustements.
Prendre ces décisions est ce qui construit le succès, fût-il commercial,
artistique ou personnel. Croire qu’un ordinateur pourrait prendre ces
décisions à votre place c’est faire preuve non seulement de naïveté,
mais c’est également prouver totalement son incompétence dans le domaine
concerné.
Dans Onion Glass, ce point m’a particulièrement chagriné, car poussé à
l’absurde. Comme si une serviette avec trois traits de crayon pouvait
valoir des milliards.
Ce petit quelque chose en plus
==============================
Et si je me réjouis de fréquenter tant d’auteurs que j’admire à
Mérignac, ce n’est pas pour échanger des idées, mais m’imprégner de
leurs expériences, de leur personnalité qui leur fait construire des
œuvres que j’admire.
J’ai dû relire des dizaines et des dizaines de fois l’intégralité de
« De capes et de crocs », le chef d’œuvre de Masbou et Ayrolles.
À chaque relecture, je savoure chaque case. Je sens que les auteurs
s’amusent, se laissent porter, emporter par leurs personnages dans des
bifurcations a priori imprévues, improbables. Quelle IA aurait l’idée de
faire intervenir le caquètement d’un poulailler dans la complétion d’un
alexandrin ? Quel algorithme se pavanerait de la césure à l’hémistiche ?
L’humain et son expérience auront toujours quelque chose en plus,
quelque chose d’indéfinissable dont le mot m’échappe.
Ah si…
Quelque chose que, sans un pli, sans une tache, l’humain emporte malgré
lui…
Et c’est…
— C’est ?
Son panache !
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09 Sep '25
À LA RECHERCHE DE L’HUMANITÉ PERDUE…
by Ploum on 2025-09-09
https://ploum.net/2025-09-09-recherche_humanite_perdue.html
La mort ou le retour de la lucidité
===================================
Drmollytov est une bibliothécaire qui a été très gravement blessée dans
un accident de moto, accident où son mari a perdu la vie.
Après une période de convalescence et de deuil, elle tente de
reconstruire sa vie et, graduellement, elle prend conscience de la
frénésie consumériste dans laquelle est engagée toute personne
« normale ». Depuis le désir de shopping aux réseaux sociaux en passant
par les abonnements aux services de streaming.
Au plus elle fait du nettoyage dans sa vie, au plus elle retrouve du
temps et de l’énergie. Au moins elle éprouve le besoin « d’être vue ».
Il faut dire que de poster uniquement sur Gemini, ça n’aide pas pour la
visibilité !
view from the present (drmollytov.smol.pub)
gemini://drmollytov.smol.pub/2025-09-02
Rappel pour celleux qui ne savent pas ouvrir les liens Gemini comme ici
au-dessus : Gemini, le protocole du slow web (ploum.net)
https://ploum.net/gemini-le-protocole-du-slow-web/index.html
Une phrase m’a marquée sur son dernier billet posté sur Gemini : « Mon
seul regret avec les réseaux sociaux, c’est d’avoir été dessus tout
court. Ils ont vidé mon énergie mentale, dévoré mon temps et je suis
certaine qu’ils ont extrait une part de mon âme. » (traduction très
libre).
Je me rends compte qu’il ne suffit pas de se libérer des mécanismes
d’addiction des réseaux sociaux. Il faut également conscientiser à quel
point ils ont déformé, détruit, dénaturé nos pensées, nos relations
sociales, nos motivations. Pire : ils nous rendent objectivement
stupides ! Depuis 2010, le QI moyen est en train de descendre, ce qui
n’était jamais arrivé depuis l’invention du QI (quoi qu’on pense de cet
outil).
On the Reverse Flynn Effect (calnewport.com)
https://calnewport.com/on-the-reverse-flynn-effect/
Les réseaux sociaux sont intrinsèquement liés au smartphone. Ils ont
réellement explosé lorsqu’ils se sont optimisés pour la consommation
passive sur un petit écran tactile (chose à laquelle Zuckerberg ne
croyait pas du tout). À l’inverse, l’addiction aux réseaux sociaux a
créé une demande continue pour des smartphones toujours plus brillants
et prenant des photos toujours plus susceptibles de générer des likes.
Comme le souligne Jose Briones, ces interactions permanentes sur une
plaque de verre lisse, les écouteurs vissés sur les oreilles, nous font
perdre la conscience du tactile, de la matérialité.
Touch Me If You Can (josebriones.substack.com)
https://josebriones.substack.com/p/touch-me-if-you-can
Au-delà de notre addiction aux chiffres colorés
===============================================
Quand on a été addict, quand ou y a cru vraiment, quand on y a investi
énormément de soi, il ne suffit pas d’arrêter de fumer pour être en
bonne santé. Arrêter, ce n’est que le premier pas nécessaire et
indispensable. Mais il reste un long chemin à parcourir pour se
reconstruire par après, pour retrouver l’humain qui a été blessé,
enfoui.
L’être humain que, finalement, peu de monde a intérêt à ce que vous
retrouviez, mais qui est là, enfui sous des notifications incessantes,
sous la consultation compulsive de vos likes, de vos statistiques, de
vos abonnés. Pour Jose Briones, il a fallu plus de trois ans sans
smartphone pour que se calme son angoisse… de ne pas avoir de
smartphone !
Cela fait des années que je n’ai plus de statistiques sur les
fréquentations de ce blog. Parce que ce n’est pas très éthique, mais,
surtout, parce que cela me rendait fou, parce que ma santé mentale en
pâtissait incroyablement. Parce que je n’arrivais plus à être satisfait
de mon écriture autrement que par le nombre de lecteurs que ça me
ramenait. Parce que de simples statistiques détruisaient mon âme.
Comme le dit le blog This day’s portion, vous n’avez pas besoin de
statistiques !
You do not need “analytics” for your blog because you are neither a
military surveillance unit nor a commodity trading company
(www.thisdaysportion.com)
https://www.thisdaysportion.com/posts/contra-analytics/
Et si le réseau Mastodon est très loin d’être parfait, il est assez
simple d’y trouver une instance qui ne vous espionne pas. La majorité ne
le fait d’ailleurs pas. Au contraire de Bluesky qui traque toutes vos
interactions à travers la société Statsig. Statsig qui vient d’être
rachetée par OpenAI, le créateur de ChatGPT.
The Week in Social Media: I'm Still Convinced Mastodon's Going to
Outlive Everything (winter)
gemini://tilde.club/~winter/gemlog/2025/9-04.gmi
On dirait que Sam Altman tente de faire comme Musk et de gagner de
l’influence politique en noyautant les réseaux sociaux centralisés. On
s’est foutu de la gueule de Musk, mais force est de constater que ça a
très bien fonctionné. Et que, comme je le disais en 2023, ce n’est
qu’une question de temps avant que ça arrive à Bluesky qui n’est pas du
tout décentralisé, contrairement à ce que répète le marketing.
About Bluesky and Decentralisation (ploum.net)
https://ploum.net/2023-03-03-bluesky.html
Mais le pire avec toutes ces statistiques, toutes ces données, c’est que
nous sommes les premiers à vouloir les récolter et à nous vendre pour
les optimiser et les consulter sur de jolis graphiques colorés affichés
sur nos plaques de verre lisse et brillante.
L’inhumanité d’un monde qui se vend
===================================
Je ne cesse de répéter ce qu’articule justement Thierry Crouzet dans son
dernier article : les marketeux ont imposé leur vision du monde, forçant
les artistes, les intellectuels et les scientifiques à devenir des
commerciaux, ce qui est l’antithèse de leur nature profonde. Car
artistes, intellectuels et scientifiques ont en commun d’être dans une
quête, peut‑être illusoire, de vérité, d’absolu. Là où le marketing est,
par définition, l’art du mensonge, de la tromperie, de l’apparence et de
l’exploitation de l’humain.
Écrire sans se vendre : manifeste pour l’invisibilité (tcrouzet.com)
https://tcrouzet.com/2025/09/03/hurleurs-en-chef/
Cette destruction mentale enseignée dans les écoles de commerce est
également à l’œuvre avec l’IA. Il faudra des années pour que les
personnes addicts à l’IA puissent, si tout va bien, retrouver leur âme
d’humain, leur capacité de raisonnement autonome. Les développeurs qui
dépendent de Github sont en première ligne.
Github, l'IA et les fours à micro-ondes (mart-e.be)
https://mart-e.be/2025/08/github-lia-et-les-fours-a-micro-ondes
We need to talk about your Github addiction (ploum.net)
https://ploum.net/2023-02-22-leaving-github.html
En espérant que nous puissions arriver à redevenir des humains sans
devoir recourir à la solution extrême décrite par Thierry Bayoud et Léa
Deneuville dans l’excellente nouvelle « Chronique d’un crevard »,
nouvelle présente dans le Recueil de Nakamoto, que je recommande
chaudement et présenté ici par Ysabeau. Et, oui, les nouvelles sont sous
licence libre.
Note de lecture le Recueil de Nakamoto (nouvelles) (ysabeau)
https://linuxfr.org/users/ysabeau/journaux/note-de-lecture-le-recueil-de-na…
Le recueil de Nakamoto (pvh-editions.com)
https://pvh-editions.com/product/le-recueil-de-nakamoto
L’idée derrière Chronique d’un crevard m’a rappelé mon propre roman
Printeurs. Ça serait chouette de voir les deux univers se rejoindre
d’une manière ou d’une autre. Car c’est ça toute la beauté de la
création artistique libre.
Printeurs (pvh-editions.com)
https://pvh-editions.com/product/printeurs-papier
De l’art comme instinct de survie
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De la création artistique tout court, devrais-je dire, jusqu’au moment
où les juristes d’entreprise ont réussi à convaincre les artistes qu’ils
devaient être des maniaques de la « protection de leur propriété
intellectuelle » ce qui les a transformés en victimes de la plus
formidable arnaque de ces dernières décennies. Tout comme les marketeux,
les juristes d’entreprise sont, par essence, des gens qui vont
t’exploiter. C’est leur métier !
Seule la technique change : les marketeux mentent et te promettent le
bonheur, les juristes menacent et corrompent. Les deux ne cherchent qu’à
augmenter le bénéfice de leur employeur. Les deux ont réussi à
convaincre les artistes d’éteindre leur humanité pour devenir eux-mêmes
marketeux et juriste, de faire du « personal branding » et de la
« propriété intellectuelle ».
À ce propos, Cory Doctorow explique très bien sur quelle illusion s’est
construite la fameuse « propriété intellectuelle » et à quel point ceux
qui l’ont conçue savaient très bien que c’était une arnaque à l’échelle
planétaire pour tenter de transformer le monde entier en une colonie
étatsunienne.
Pluralistic: Fingerspitzengefühl (08 Sep 2025) (pluralistic.net)
https://pluralistic.net/2025/09/08/process-knowledge/
Marketeux et juristes ont réussi à convaincre les artistes de haïr ce
qui fait la base de leur métier : leur public, renommés « pirates » dès
qu’ils ne passent pas entre les barrières Nadar du corporatisme de
surveillance. Ils ont réussi à convaincre les scientifiques de haïr ce
qui fait la base de leur métier : le partage sans restriction de la
connaissance. Le fait que la plus grande base de données scientifiques
du monde, Sci-hub, soit considérée comme pirate et interdite partout
dans le monde dit tout ce que vous avez besoin de savoir sur notre
société.
Le capitalisme de surveillance pourrit tout ce qu’il touche. Tout
d’abord en rendant difficile la vie des contestataires (ce qui est de
bonne guerre), mais, surtout, en achetant et corrompant les rebelles qui
réussissent malgré tout. Devenu millionnaire, cet artiste antisystème
deviendra le premier soutien du système en question et adaptera son
slogan : « Soyez rebelles, mais pas trop, achetez mes produits
dérivés ! ».
Tout comme le surréalisme a été la réponse artistique et intellectuelle
au fascisme, l’art seul peut sauver notre humanité. Un art brut,
tactile, sensoriel. Mais, avant toute chose, un art libre qui se
partage, qui se diffuse et qui envoie se faire foutre les notions de
propriétés virtuelles.
Un art qui se partage, mais force le public à partager également, à
retrouver l’essence de notre humanité : le partage.
* Photo d’illustration prise par Diegohnxiv et représentant une fresque
en l’honneur de SciHub à l’université de Mexico
* Printeurs et Le recueil de Nakamoto sont commandables chez votre
libraire indépendant préféré ! Les ebooks sont sur libgen, au moins pour
Printeurs. Je le sais, c’est moi qui l’ai uploadé.
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UNE VIE SANS NOTIFICATIONS
by Ploum on 2025-09-02
https://ploum.net/2025-09-02-mudita.html
> Avertissement : Cet article parle de mon expérience avec le Mudita
Kompakt, mais, n’étant pas lié à cette firme, je ne répondrai à aucune
question concernant cet appareil ni le Hisense A5. Tout ce que j’ai à
dire au sujet de cet appareil est dans ce billet. Pour le reste, voyez
les nombreuses vidéos et articles sur le Web ou rejoignez le forum de
Mudita.
Le grand problème du minimalisme numérique, c’est qu’il n’y a pas une
solution satisfaisante pour tout le monde. Sur les forums consacrés au
minimalisme numérique, chaque solution est critiquée pour faire « trop »
et, parfois par les mêmes personnes, pas assez.
J’ai vu des personnes en quête d’un dumbphone pour soigner leur
addiction à l’hyperconnexion se plaindre de ne pouvoir installer
Whatsapp et Facebook dessus. D’une manière générale, j’ai suffisamment
d’expérience dans l’industrie pour savoir que les humains sont très
mauvais pour déterminer leurs propres besoins, ce que j’appelle « le
syndrome de la maison de plain-pied à 3 étages ». Je veux tout, mais que
ce soit minimaliste.
L’addiction à l’écran
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Il y a 6 ans, je pris conscience qu’une grande part de mon addiction à
mon smartphone venait de l’écran lui-même. Comme l’a dit un jour un
participant à un forum que je fréquente, les écrans sont devenus
tellement beaux, les couleurs tellement riches que l’image est plus
belle que la réalité. Regarder une photo de paysage aux couleurs
saturées et retouchée est plus beau que de regarder le paysage en
réalité, avec sa grisaille, son autoroute qui n’apparait pas dans le
cadre de la photo, sa pluie fine qui nous rentre dans le cou. Nous
n’utilisons plus nos smartphones pour faire quelque chose, ils font
partie de notre corps et de notre esprit.
📱 Why We Can’t Let Go (josebriones.substack.com)
https://josebriones.substack.com/p/why-we-cant-let-go
Dans mon cas personnel, se passer d’écran avec un dumbphone ne pouvait
convenir, car l’usage le plus important que je fais de mon téléphone est
de m’orienter à vélo et, alors que je suis au milieu de la nature, de
créer un itinéraire de retour à charger sur mon GPS. Ça et utiliser
Signal, le seul chat de ma vie quotidienne.
Reducing the digital clutter of chats (ploum.net)
https://ploum.net/2025-05-23-chats-digital-clutter.html
Pour être franc, le concept de dumbphone me dépasse un peu, car s’il y a
bien un truc dont je n’ai pas envie ni besoin, c’est d’être joignable
partout tout le temps. Si c’est pour laisser un dumbphone en silencieux
dans ma poche, autant ne rien prendre du tout !
Ma quête de sobriété numérique a donc commencé avec l’un des très rares
smartphones à écran e-ink, le Hisense A5 (à droite sur la photo
d’illustration).
Se passer d’écran avec un téléphone e-ink (ploum.net)
https://ploum.net/se-passer-decran-avec-un-telephone-e-ink/index.html
Le Hisense est un produit bon marché de piètre qualité, à destination du
marché chinois. S’il ne disposait d’aucun service Google, il est plein
de spywares chinois impossibles à désinstaller (mais que je tentais de
contenir avec le firewall Adguard, configuré aux petits oignons pendant
des heures).
Pendant six ans, j’ai utilisé exclusivement cet appareil. Lors de mon
premier voyage avec, un trip en train en Bretagne pour un projet de
livre, j’ai été en permanence anxieux à l’idée que « quelque chose se
passe mal, car je n’avais pas un vrai smartphone ». Mais, petit à petit,
je me suis surpris à moins l’utiliser que son prédécesseur, à accepter
ses limites. L’écran e-ink lié à la lenteur et aux bugs du logiciel en
partie en chinois ne me donnait pas du tout envie de l’utiliser. Très
vite, la couleur des écrans de smartphones m’est apparue comme violente,
agressive. Mais que je passe quelques minutes sur un tel écran et,
soudain, je retrouve un bon vieux shoot de dopamine, une envie de
l’utiliser pour faire quelque chose. Quoi ? Peu importe tant que je peux
garder les yeux rivés sur ces lumineuses formes mouvantes.
L’hyperconnexion permanente
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Il m’est souvent arrivé de prétendre que le Hisense n’était pas un
smartphone pour éviter d’installer une app soi-disant indispensable pour
un service dont j’avais besoin ou, tout simplement, pour obtenir une
carte papier dans ces restaurants qui ont l’impression d’être à la
pointe de la technologie, car ils ont un QR code scotché sur la table.
Mais c’était un mensonge. Car le Hisense est, au fond, un smartphone des
plus classiques.
J’y avais mes emails, un navigateur web et même Mastodon, que j’ai très
vite supprimé, mais auquel je pouvais accéder via Firefox ou Inkbro,
navigateur optimisé pour les écrans e-ink.
Mon addiction va beaucoup mieux. J’ai perdu l’habitude d’avoir mon
smartphone tout le temps sur moi, ne le prenant pour sortir que si je
pense en avoir réellement besoin. Ça n’a l’air de rien, mais, pour
certains addicts, sortir sans téléphone est une véritable aventure.
Faire l’expérience est une excellente manière de réaliser à quel point
on est addict.
Hyperconnexion, addiction et obéissance (ploum.net)
https://ploum.net/2024-11-13-addiction-hyperconnexion-obeissance.html
Le Hisense a beau être gros et moche, lorsque je l’avais avec moi et que
j’avais un temps mort, je vérifiais si je n’avais pas reçu d’emails. Je
devais, comme tout smartphone, penser à le remettre en silencieux
lorsque j’avais activé la sonnerie, car je voulais être joignable, faire
les mises à jour des toutes les apps que je gardais, car je pouvais en
avoir potentiellement besoin. Bref, la gestion classique d’un
smartphone.
Cela me convenait, mais, les smartphones e-ink n’ayant jamais vraiment
percé, je me demandais comment j’allais remplacer un appareil qui
présentait des signes de faiblesse (batterie qui se vide soudainement,
chargement qui ne fonctionne plus que, intermittence).
C’est alors que j’ai été convaincu par le Kompakt de Mudita.
Mudita Kompakt, a minimalist E Ink® phone. (mudita.com)
https://mudita.com/products/phones/mudita-kompakt/
Mudita est une entreprise polonaise qui cherche à offrir des produits
favorisant la pleine conscience. Des réveils au design épuré, des
montres et un dumbphone, le Mudita Pure, qui me faisais grandement de
l’œil, car basé sur un système entièrement Open Source. Malheureusement,
le Pure était trop minimaliste pour moi, car ne permettant pas
d’utiliser mon GPS de vélo.
Puis est arrivé le Kompakt.
Basé sur Android, le Kompakt est techniquement un smartphone. En plus
petit. Et avec un écran e-ink d’une qualité bien moindre que le Hisense.
Et pourtant…
Premiers pas avec le Kompakt
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La première chose qui m’a frappée en déballant mon Kompakt, c’est que je
n’ai dû créer aucun compte, passer par aucune procédure autre que le
choix de la langue. Insérez une carte SIM, allumez et ça fonctionne.
Mudita fait très attention à la vie privée et ne propose aucun service
en ligne. Le téléphone est entièrement dégooglisé voire même
« décloudisé » (contrairement à, par exemple, Murena /e/OS). Pour la
première fois depuis des lustres, je ne devais pas combattre mon
téléphone, je ne devais pas le configurer, le transformer.
C’est incroyable comme ça m’a fait plaisir.
Pour être transparent, il faut préciser que les développeurs récupèrent
des données anonymisées de debug et que ce n’est, pour le moment, pas
désactivable. Une discussion à ce sujet est en cours sur le forum
Mudita.
Car, oui, Mudita dispose d’un forum de discussion auquel participe une
employée de la firme qui tente d’aider les utilisateurs et se fait le
relais vers les développeurs. Un truc qui était la base en 2010, mais
qui semble incroyable de nos jours.
Bref, je me suis senti un client respecté, pas une vache à lait. Et je
n’en reviens toujours pas.
Outre le forum, ce qui m’a frappé avec le Mudita, c’est qu’il pousse
réellement l’idée de minimalisme jusque dans ses retranchements.
L’application GPS permet de chercher une adresse et de faire un
itinéraire piéton, vélo ou voiture. Et c’est tout. Des options ? Aucune,
nada, nihil ! Et vous savez quoi ? Ça fonctionne ! Vu que c’est
OpenStreetMap, ça fonctionne très bien et j’ai désinstallé Comaps que
j’avais mis par réflexe. L’appareil photo… prend des photos et c’est
tout (on peut juste activer/désactiver le flash).
Trouver son chemin avec le Mudita Kompakt
https://ploum.net/files/mudita2.jpg
C’est comme ça pour toutes les applis : en 10 minutes, vous aurez fait
le tour de toutes les options et c’est incroyablement rafraichissant.
Bon, parfois, c’est limite trop. Le lecteur de musique affiche vos MP3
et les lit par ordre alphabétique. C’est tout. Ils ont promis
d’améliorer ça, mais, au fond, je trouve ça amusant d’être limité de
cette façon.
Les choses sérieuses
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Si Mudita n’offre aucun service en ligne, la meilleure manière
d’interagir avec son téléphone est le Mudita Center, un logiciel
compatible Windows/MacOS/Linux. Après l’avoir téléchargé, vous devez
brancher votre téléphone à votre ordinateur avec… retenez votre souffle…
un câble USB. (sur Debian/Ubuntu, vous devez être membre du groupe
"dialout". "sudo adduser ploum dialout", reboot et puis c’est bon)
Un câble ! En 2025 ! Incroyable, non ? Quand je vois comme j’ai dû me
battre avec le Freewrite d’Astrohaus qui force l’utilisation de son
cloud propriétaire, j’apprécie à outrance le fait de brancher mon
téléphone avec un câble.
Avec le Mudita Center, vous pouvez envoyer des fichiers sur l’appareil.
Les MP3 pour la musique, les epub ou les pdf, qui seront ouverts dans
l’appli E-reader. Pratique pour les billets de train et autres tickets
électroniques. Une section est réservée pour transférer les fichiers APK
que vous voulez « sideloader ». On s’est tellement fait entuber par
Google et Apple qu’on a perdu le droit d’utiliser le mot « installer »
en parlant d’un logiciel. Ce mot est désormais privatisé et il faut
« sideloader » (du moins tant que c’est encore légalement possible…).
Dans mon cas, je n’ai sideloadé qu’un seul APK : F-Droid. Avec F-Droid,
j’ai pu installer Molly (un client Signal), mon gestionnaire de mot de
passe, mon appli 2FA, le clavier Flickboard et Aurora Store. Avec Aurora
Store, j’ai pu installer Komoot, Garmin, Proton Calendar et l’app SNCB
pour les horaires de train. Pas de navigateur ni d’email cette fois ! Je
me suis quand même accordé l’application Wikipédia, pour tester.
Tout est petit, en noir et blanc (ça, j’avais déjà l’habitude), mais,
dans mon cas, tout fonctionne. Attention que ce ne sera peut-être pas
votre cas. Les applis qui ont besoin des services Google, comme Strava,
refuseront de se lancer (ce qui ne change pas de mon Hisense). Mon appli
bancaire nécessite une caméra à selfie (ce que le Kompakt n’a pas) et je
vais devoir trouver une solution de rechange.
Au fait, Mudita ne permet pas de personnaliser la liste des
applications. Celles-ci sont classées par ordre alphabétique. Pas de
raccourcis, pas d’options. Si c’est perturbant au début, cela se révèle
très vite très appréciable, car c’est, une fois encore, un truc de moins
à penser, une excuse de moins pour chipoter.
À noter qu’il est cependant possible de cacher des applications. Si vous
n’utilisez pas l’app de méditation, vous pouvez la cacher, tout
simplement. Simple et efficace.
Les notifications
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C’est lorsque j’ai reçu mon premier message Signal que j’ai réalisé un
truc étrange. J’ai bien entendu le son, mais je ne voyais pas de
notifications.
Et pour cause… Le Mudita Kompakt n’a pas de notifications ! L’écran
d’accueil vous montre si vous avez eu des appels ou des SMS, mais, pour
le reste, il n’y a pas de notifications du tout !
Mon premier réflexe a été d’investiguer l’installation d’un launcher
alternatif, InkOS, qui permet une plus grande configurabilité et des
notifications.
InkOS sur le forum Mudita
https://forum.mudita.com/t/inkos-text-based-launcher-with-notifications-for…
Mais… Attendez une seconde ! Que suis-je en train de faire ? Je cherche
à refaire un smartphone ! Et si je tentais d’utiliser le Mudita de la
manière pour laquelle il a été conçu ?Sans notifications !
Le seul réel problème avec cette approche c’est que les notifications
existent, mais que Mudita les cache. On les entend donc, mais on ne peut
pas savoir d’où elles proviennent.
Dans mon cas, c’est essentiellement Signal (enfin, Molly pour celleux
qui suivent). Dans Signal, j’ai donc configuré un profil de notification
qui soit silencieux sauf pour les membres de ma famille proche.
Si j’entends mon téléphone faire un son, je sais que c’est un message de
ma famille. Pour les autres, je ne les vois que lorsque je choisis
d’ouvrir Signal. Ce qui est exactement ce qu’un système de communication
devrait être.
Bien entendu, les choses se compliquent si vous avez plusieurs
applications qui envoient des notifications. Il est possible d’avoir
accès aux notifications et de les désactiver par applications en
utilisant "Activity Launcher" disponible sur F-Droid. C’est un peu du
chipotage, mais ça m’a permis de désactiver les notifications
« parasites » de tout ce qui n’est pas Signal.
Messages du forum Mudita expliquant comment utiliser Activity Launcher.
https://forum.mudita.com/t/inkos-text-based-launcher-with-notifications-for…
La vie sans notifications
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Lorsqu’on accepte ce mode de fonctionnement, le Mudita prend
soudainement tout son sens.
J’avais déjà fortement réduit les notifications sur le Hisense. Il était
d’ailleurs en silencieux la plupart du temps. Mais, à chaque fois que je
consultais l’écran, je voyais les petites icônes. Machinalement, je
glissais mon doigt pour faire apparaître le tiroir à notifications et
« vérifier » avant de glisser latéralement pour supprimer.
Bon sang que j’ai en horreur ces gestes de glissement des doigts, jamais
précis, jamais satisfaisant comme le bruit d’une touche qu’on enfonce.
Tiens, le Mudita ne permet d’ailleurs pas de « swiper » dans la liste
des applications. Il faut faire défiler avec une flèche. C’est minime,
mais j’apprécie !
Mais même si je n’avais pas de notifications sur le Hisense, je
vérifiais de temps en temps si je n’avais pas reçu un mail important. Je
vérifiais une information sur un site web.
Oh, rien de bien méchant. Une addiction parfaitement sous contrôle. Mais
une série de réflexes dont j’avais envie de nettoyer ma vie.
Avec le Mudita Kompakt, l’expérience est très perturbante.
Machinalement, je saisis l’appareil et… rien. Il n’y a rien à faire. La
seule chose que je peux vérifier, c’est Signal. Je suis ensuite forcé de
reposer ce petit écran.
Pas besoin non plus de mettre en silencieux ou en mode avion. Le Kompakt
dispose d’un switch hardware « Offline+ » qui désactive tous les
réseaux, tous les capteurs, y compris l’appareil photo et le micro. En
Offline+, rien ne rentre et rien ne sort de l’appareil. Et quand je suis
connecté, je sais que je n’aurai que les appels téléphoniques, les sms
et les messages Signal de ma famille proche.
C’est comme un nouveau monde…
Tout n’est pas parfait
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On ne va pas se leurrer, le Mudita Kompakt est loin d’être parfait. Il
est petit, mais un peu trop gros. Il y a des bugs comme l’alarme qui se
déclenche en retard ou pas du tout, comme l’appareil photo qui met près
de deux secondes entre la pression sur le bouton et la prise effective
de l’image (mais c’est déjà mieux que l’appareil photo du Hisense dont
la lentille s’est bloquée après quelques semaines d’utilisation, rendant
toutes mes photos irrémédiablement floues).
Le forum regorge d’utilisateurs insatisfaits. Pour certains car je pense
qu’il n’ont pas conscientisé les limites du minimalisme numérique, qu’il
espérait un smartphone complet avec un écran e-ink. Mais, dans d’autres
cas, c’est clairement à cause de bugs dans le système pour des cas
d’usage qui ne me concernent pas directement, comme les problèmes
Bluetooth alors que je suis tout heureux d’avoir un jack audio. Le
Kompakt utilise une version très fortement modifiée et dégooglisée
d’Android 12 (les téléphones Googe sont à Android 16). Le hardware lui-
même est assez ancien (plus que mon Hisense). Ce sont des détails qui
peuvent se révéler importants. La batterie, par exemple, tient 3/4
jours, ce qui n’est pas extraordinaire en comparaison avec le Hisense.
Une heure de hotspot wifi consomme 10% de batterie là où le Hisense n’en
perdait pas 3%.
L’application musicale est vraiment très minimalise !
https://ploum.net/files/mudita1.jpg
Malgré ses limites, l’appareil n’est pas bon marché et il est
probablement possible de configurer n’importe quel appareil Android pour
avoir un écran épuré et pas de notifications. Mais ce qui me plaît avec
le Mudita c’est justement le fait que je ne le configure pas. Que je ne
cherche pas à comprendre ce que je dois bloquer, que je ne passe pas du
temps à optimiser mon écran d’accueil ou le placement des applications.
Ça ne conviendra certainement pas à tout le monde. Il y a certainement
plein de défauts qui rendent le Kompakt inutilisable pour vous. Mais
pour mon petit cas personnel et pour mon mode de vie actuel, c’est un
vrai bonheur (à l’exception de cette saleté d’appli bancaire pour
laquelle je n’ai pas encore trouvé de solution).
Accepter de lâcher prise
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Car, oui, je vais rater des choses. Je verrai des mails urgents bien
plus tard. Je ne pourrai pas chercher une information rapide quand je
suis en déplacement. Je ne pourrai pas prendre de belles photos.
C’est le principe même ! Le minimalisme numérique c’est, par essence, ne
plus pouvoir tout faire tout le temps. C’est être forcé de s’ennuyer
dans les temps morts, de planifier certaines expéditions, de demander
une information autour de soi si nécessaire, de se dire, dans certaines
situations, que la vie aurait été plus facile avec un smartphone
traditionnel.
Si vous n’avez pas effectué à l’avance ce travail de faire le tri entre
ce qui est vraiment nécessaire pour vous, ne songez même pas à prendre
un téléphone minimaliste comme le Kompakt. Ce téléphone me convient
parce que ça fait des années que je réfléchis à ce sujet et parce qu’il
est compatible avec mon mode de vie et mes obligations.
À la recherche de la déconnexion parfaite (ploum.net)
https://ploum.net/2025-02-11-deconnexion_parfaite.html
Si vous idéalisez le minimalisme sans réfléchir aux conséquences, vous
serez frustrés à la première friction, à la première perte de cette
facilité omniprésente qu’est le smartphone. Le minimalisme numérique est
également un concept très personnel. Quand je vois le nombre d’appareils
connectés que je possède, j’ai du mal à dire que je suis un
« minimaliste ». Je cherche juste à conscientiser et à faire en sorte
que chaque appareil ait pour moi un bénéfice très clair avec le moins
possible de désavantages (comme mon GPS de vélo ou mon analyseur de
qualité d’air). Je ne suis pas vraiment minimaliste, je pense juste que
le smartphone traditionnel a sur ma vie un impact négatif très important
que je cherche à minimiser.
Certain·es me disent qu’ils n’ont pas le choix. Comme le dit très bien
Jose Briones, c’est faux. Nous avons, pour le moment, le choix. C’est
juste que ce n’est pas un choix facile et qu’il faut assumer les
conséquences, accepter de changer son mode de vie pour cela.
Is Offline the new luxury? (josebriones.substack.com)
https://josebriones.substack.com/p/is-offline-the-new-luxury
L’obligation du smartphone
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Et, justement, ce qui est le plus effrayant avec cette démarche de
tenter de minimiser l’usage du smartphone, c’est de réaliser à quel
point il devient presque obligatoire d’en avoir un, à quel point ce
choix devient de plus en plus ténu. Des services commerciaux, mais
également des administrations publiques considèrent que vous avez
obligatoirement un smartphone récent, que vous disposez d’un compte
Google, d’une connexion Internet permanente, d’une batterie bien chargée
et que vous êtes d’accord d’installer une énième application dessus et
de créer un compte en ligne pour quelque chose d’aussi mondain que de
payer un emplacement de parking ou accéder à un événement. Un contrôleur
de train me confiait récemment que la SNCB planifiait de supprimer le
ticket papier pour mettre en avant l’usage de l’app et du smartphone.
Sur les forums minimalistes, j’ai même découvert une catégorie
d’utilisateurs qui possèdent un smartphone classique pour aller au
travail, par simple peur d’être moqué ou de passer pour un rebelle
auprès de leurs collègues. De la même manière, certains refusent
d’installer Signal ou d’effacer leur compte Facebook par crainte que
cela puisse paraître suspect. Une chose me semble claire : si c’est la
peur de potentiellement paraître suspect qui vous retient, il est urgent
d’agir maintenant, tant que cette suspicion n’est que potentielle.
Installez Signal et GrapheneOS ou /e/OS maintenant pour avoir l’excuse,
dans le futur, de dire que ça fait des mois ou des années que vous
fonctionnez comme cela.
I'll only buy devices with GrapheneOS (www.jonashietala.se)
https://www.jonashietala.se/blog/2025/08/28/ill_only_buy_devices_with_graph…
Dans le cas du smartphone, je constate avec effroi que s’il est
théoriquement possible de ne jamais en avoir eu, il est extrêmement
difficile de revenir en arrière. Les banques, par exemple, empêchent
souvent de revenir à une méthode d’authentification sans smartphone une
fois que celle-ci a été activée !
Je souris quand je pense aux fois où mon refus du smartphone m’a valu
une réflexion de type : « Ah ? Vous n’êtes pas à l’aise avec les
nouvelles technologies ? ». Souvent, je ne réponds pas. Ou je me
contente d’un « si, justement… ». Au moins, avec le Mudita, je pourrai
le brandir et affirmer haut et fort : je n’ai pas de smartphone !
Vous et moi, nous savons que ce n’est techniquement pas tout à fait
vrai, mais ceux qui veulent imposer l’ubiquité du smartphone GoogApple
sont, par définition, des ignares technologiques. Ils n’y verront que du
feu… Et, pour un temps, ils seront encore forcés de s’adapter,
d’accepter que, non, tout le monde n’a pas tout le temps un smartphone.
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