META-BLOGGING, LECTURES SUR GEMINI ET CONQUÊTE SPATIALE
by Ploum on 2024-02-22
https://ploum.net/2024-02-22-metablogging-lectures-gemini-spatial.html
Meta-blogging
=============
Pluralistic, le blog de Cory Doctorow, fête ses quatre ans.
Pluralistic: Pluralistic is four; The Bezzle excerpt (Part III) (20 Feb
2024) (
pluralistic.net)
https://pluralistic.net/2024/02/20/fore/
Cory est une énorme source d’inspiration pour moi. Il poste presque tous
les jours, appliquant une méthode qu’il intitule Memex. Je le lis depuis
son tout premier billet, je me demande comment il tient un tel rythme.
Et je crois avoir percé une partie de son secret : son blog n’est qu’un
ensemble de notes qu’il prend durant la journée et qu’il poste le soir
ou le lendemain. Je me suis pris à penser à toute cette énergie
d’écriture que je passe à répondre à de longs mails, à poster sur des
forums, à poster et à lire sur Mastodon, à mettre dans mes notes
personnelles. Et si je m’inspirais encore plus de sa méthode ?
Avec la croissance du lectorat de
ploum.net, je me suis inconsciemment
imposé une forme de perfectionnisme dans l’écriture de mes billets. Je
rejette beaucoup de brouillons qui ne sont pas satisfaisants, je relis,
je corrige parfois pendant des jours, des semaines ou des mois jusqu’au
moment où le billet n’est de toute façon plus pertinent. J’ai énormément
perdu en spontanéité. J’ai également peur de vous « spammer ».
Parfois, je me laisse aller à poster un billet spontané. Je le poste en
me forçant à ne pas trop réfléchir. Et ça me fait plaisir. J’avais
également tenté de faire des billets « en vrac » inspiré par Tristan
Nitot. Deux exemples au hasard :
Lectures 1 (
ploum.net)
https://ploum.net/lectures-1/index.html
Lectures 6: Épanadiplose sur la peur, la sécurité et la résistance
(
ploum.net)
https://ploum.net/lectures-6-epanadiplose-sur-la-peur-la-securite-et-la-res…
Quand j’y repense, ces billets m’ont vraiment été utiles. Je m’y suis
référé plusieurs fois pour trouver des liens, pour revenir à des
réflexions que j’avais.
On me demande très souvent des conseils pour se mettre à bloguer. Le
plus important que je donne est toujours de bloguer pour soi. De ne pas
réfléchir à ce qu’on pense qui pourrait plaire à son audience, mais de
publier. De publier ce qu’on a soi-même dans les tripes.
J’ai suffisamment d’expérience avec le buzz pour savoir que le succès à
court terme d’un billet de blog est très difficilement prévisible. Et
même lorsque le billet fait un buzz incroyable, cela n’est généralement
pas perceptible si l’on n’a pas de statistiques et si on n’est pas sur
les réseaux sociaux. Être le sujet d’un buzz procure une décharge de
dopamine et puis… c’est tout ! C’est addictif, mais souvent plus nocif
qu’autre chose, car on se surprend à en vouloir toujours plus, à guetter
les votes sur Hackernews, à s’énerver sur les commentaires de ceux qui
ne sont pas d’accord avec vous.
L’impact à long terme d’un billet est, lui, encore moins prévisible. Il
est également très personnel : je me surprends à relire certains de mes
billets, à y refaire référence, à m’en servir comme point d’ancrage pour
certaines idées quand bien même tout le monde semble s’en foutre.
Je dis bien « semble s’en foutre » parce qu’on ne peut jamais savoir.
Sous la masse d’internautes qui postent sur les réseaux sociaux, sur les
forums et qui commentent, il y a dix fois plus de personnes qui lisent
en silence, qui partagent en privé.
« Ploum, je suis heureux de te rencontrer. Ton billet X a changé ma
vie ! » m’a un jour dit un·e lecteurice en faisant référence à un billet
publié cinq ans plus tôt et pour lequel je n’avais eu aucun retour.
« J’ai imprimé ton billet Y pour le faire lire à mon père. Nous avons
passé la soirée à en discuter » m’a dit un·e autre.
Je conseille à tous les apprentis blogueurs de lâcher prise, de publier
ce qu’ils ont dans la tête. Mais pourquoi ne pourrais-je pas appliquer
mes propres principes ?
Car c’est difficile de lâcher prise, de ne pas apparaître comme ayant
toujours une prose bien construite, bien arrêtée. C’est dur de montrer
ses doutes, de faire des raccourcis de raisonnement dont on aura honte
après les premiers retours, de reconnaitre ses erreurs.
Et du coup, sans transition…
Quelques liens de ma journée
============================
Une courte tranche de vie d’un parent dont l’enfant a un diabète de type
1. Tellement courte que l’on dirait un pit-stop en formule 1.
Pit Stop (
arcticfire.sytes.net)
gemini://arcticfire.sytes.net/posts/pit_stop.gmi
Oui, c’est un lien Gemini. Gemini est un réseau où l’absence de
métriques telles que les statistiques ou les likes rend l’écriture
beaucoup plus personnelle, beaucoup moins calibrée. Je me retrouve à
lire des tranches de vie, des réflexions qui n’ont aucune prétention et
c’est très inspirant. À l’inverse, j’ai vu plusieurs personnes
abandonner ce réseau parce qu’elles n’avaient pas de likes ni de
statistiques et avaient l’impression de publier dans le vide. Le fait
que je les lisais se plaindre prouvait qu’elles ne parlaient pas dans le
vide. Mais ce qui est effrayant, c’est de se rendre compte qu’un simple
chiffre articifiel sous un cœur ou sur un tableau Google Analytics nous
fait croire que, ouf, là je n’écris pas dans le vide.
J’ai justement eu un échange à ce sujet avec un lecteur qui me pointait
vers le concept du Web Revival:
Intro to the Web Revival #1: What is the Web Revival?
(
thoughts.melonking.net)
https://thoughts.melonking.net/guides/introduction-to-the-web-revival-1-wha…
Je tiens à préciser que je suis assez contre le terme « revival ». Il
tend à idéaliser un passé qui n’a jamais existé. Le Web a très vite été
envahi de publicité, de popups. Mais, évidemment, je soutiens l’idée
d’un web minimaliste. Mon correspondant m’apprend que le site Melonking
se targue de faire 38 millions de vues par mois (je n’ai pas la source).
Or, c’est exactement là tout le problème du Web : comment le webmaster
compte-t-il ces 38 millions de vues ? Pourquoi les compte-t-il ?
Pourquoi s’en vante-t-il ? Et pourquoi cela impressionne-t-il tellement
les lecteurices ?
J’ai désactivé toutes les statistiques possibles sur mon blog. Les seuls
chiffres que je ne peux pas cacher son mon nombre de followers sur
Mastodon (qui est public) et le nombre d’abonnés à mes mailing-listes
(sauf si vous vous abonnez à la version text-only sur Sourcehut, là je
n’ai aucune visibilité). Idéalement, j’aimerais n’avoir accès à aucune
de ces statistiques. Et c’est peut-être pour cela que j’apprécie
tellement Gemini.
Gemini, le protocole du slow web (
ploum.net)
gemini://ploum.net/gemini-le-protocole-du-slow-web/index.gmi
Mais, rassurez-vous, le contenu est identique que sur la version Web de
mon blog. Vous ne ratez donc rien en ne venant pas sur Gemini. Pour ceux
que ça intéresse, le protocole Gemini est très simple et doit son nom au
programme spatial Gemini. Le port utilisé, 1965, est d’ailleurs une
référence explicite à l’année du premier vol Gemini habité de Virgil
Grissom et John Young. Pour entériner la simplicité du protocole Gemini,
Solderpunk, son créateur, vient d’annoncer son intention de clôturer
définitivement le travail sur la spécification au plus tard le 18 mars
2027, mais, si tout va bien, le 8 mai 2025. Oui, ces jours ont une
signification spéciale en lien avec la conquête spatiale.
2024-02-21 - Introducing "Apollo days", some rough scheduling
(
geminiprotocol.net)
gemini://geminiprotocol.net/news/2024_02_21.gmi
La conquête spatiale
====================
La sonde Voyager 1 est en train de rendre l’âme.
Death, Lonely Death (
crookedtimber.org)
https://crookedtimber.org/2024/02/19/death-lonely-death/
Le fait qu’elle ait fonctionné jusqu’ici est proprement hallucinant.
Adolescent, j’avais dévoré le livre de Pierre Kohler racontant son
épopée. Aujourd’hui, lorsqu’une sonde est envoyée dans l’espace, une
réplique exacte, au bit et au boulon prêt, est gardée dans un
laboratoire pour déboguer tout problème et tester toute solution. L’ESA
avait notamment dû reprogrammer en urgence la sonde Cassini alors
qu’elle s’approchait de Saturne, car ils s’étaient rendu compte que
l’effet Doppler n’avait pas été correctement pris en compte dans les
calculs initiaux du récepteur.
Mon dieu, c’est plein d’étoiles ! (
ploum.net)
https://ploum.net/35-mon-dieu-cest-plein-detoiles/index.html
Mais, à l’époque de Voyager 1, personne n’avait encore pensé à cette
technique. Cela signifie qu’il n’existe pas de copie de la sonde Voyager
et que le code informatique embarqué a complètement disparu. La sonde
est en train de boguer, mais personne ne sait exactement quel code ni
même quel système d’exploitation tourne. Ce qui rend le débogage
particulièrement difficile, surtout lorsque le ping est de 48h. Il y a
donc, dans l’espace intersidéral, hors de la zone d’attraction du
soleil, un ordinateur qui tourne avec un système d’exploitation qui
n’existe pas sur terre.
Conclusion
==========
Je n’avais pas prévu de poster de billet de blog aujourd’hui. Mais
regardez où m’amène la méthode de Cory Doctorow. Contrairement à lui, je
ne compte pas faire cela tous les jours. Mais j’espère bien me permettre
de poster sans arrière-pensée. Je vais également (encore) moins répondre
à vos emails (que je lis toujours avec autant de plaisir). Plutôt que de
réponses individuelles, parfois très longues, je vais m’inspirer de vos
réflexions pour créer des billets publics.
En espérant que vous comprendrez que ces billets sont des réflexions
mouvantes, parfois imprécises ou erronées. Comme l’ont d’ailleurs
toujours été tous mes billets de blog. C’est juste que j’essayais de me
convaincre (et vous convaincre) du contraire.