LA PRIVATISATION DE NOS SENS
by Ploum on 2023-06-07
https://ploum.net/2023-06-07-privatisation-de-nos-sens.html
J’ai déjà glosé ad nauseam sur nos nuques penchées en permanence sur un
petit rectangle en plastique, sur notre attention aspirée pour se
cantonner à un minuscule écran ne nous montrant que ce que deux ou trois
monopoles mondiaux veulent bien nous transmettre.
L’idée, explorée dans Printeurs, que ces monopoles se branchent
directement dans nos cerveaux pour les influencer semble encore de la
science-fiction.
Pourtant, la capture de nos sens a déjà commencé.
Avez-vous observé le nombre de personnes se baladant avec des écouteurs
blancs dans les oreilles et ne les retirant pas pour converser voire
même pour passer à la télévision ? Ces personnes vivent dans un
environnement en « réalité augmentée ». Ils peuvent entendre un mélange
des sons virtuels et des sons réels. Ce mélange étant contrôlé… par les
monopoles qui vendent ces écouteurs.
Porter ce genre d’écouteur revient à littéralement vendre sa perception
à des entreprises publicitaires (oui, Apple est une entreprise qui vit
de la pub, même si c’est essentiellement de la pub pour elle-même). Un
jour, vous vous réveillerez avec des publicités dans l’oreille. Ou bien
vous ne comprendrez pas un discours, car certaines parties auront été
censurées.
Ce n’est pas une potentialité éloignée, c’est l’objectif avoué de ces
technologies.
Après l’audition, c’est au tour de la vue d’être attaquée à traves des
lunettes de réalité augmentée.
Les publicités pour la nouvelle mouture Apple montrent des gens
souriants, portant les lunettes pour participer à des vidéoconférences
tout en semblant profiter de la vie. Fait amusant : personne d’autre
dans ces conférences factices ne semble porter ce genre de lunettes.
Parce que ce n’est pas encore socialement accepté. Ne vous inquiétez
pas, ils y travaillent. Il a fallu 20 ans pour que porter des écouteurs
en public passe de psychopathe asocial à adolescent branché. C’est
d’ailleurs la raison pour laquelle les lunettes Apple sont si chères :
elles deviennent une marque de statut, un objet de luxe. Les premières
personnes que vous verrez dans la rue les portant seront celles qui ont
de l’argent à dépenser et tiennent à le faire savoir. Ce qui entrainera
fatalement la popularisation des modèles meilleur marché.
Dans Tantzor, paru en 1991, Paul-Loup Sulitzer se moquait déjà de cet
aspect en racontant la vie d’un entrepreneur russe qui vendait des faux
écouteurs verts fluo bon marché aux gens qui ne savaient pas se payer un
walkman. Pour pouvoir faire comme tout le monde, pour avoir l’air de
posséder un walkman.
Porter un casque audio et visuel dans la rue deviendra un jour ou
l’autre une norme acceptable. Ce qui ne serait pas un problème si la
technologie n’était pas complètement contrôlée par ces morbides
monopoles qui veulent transformer les humains en utilisateurs, en
clients passifs.
Ils ont réussi à le faire en grande partie avec Internet. Ils sont
désormais en train de s’attaquer à la grande pièce au plafond bleu en
privatisant graduellement nos interactions avec le réel : le transport
de nos corps à travers les voitures individuelles, les interactions
humaines à travers les messageries propriétaires, l’espionnage de nos
faits, paroles et gestes jusque dans nos maisons et désormais le
contrôle direct de nos sens.
La technologie peut paraitre terrifiante à certains. Mais elle est
merveilleuse quand on en est acteur. Elle n’est pas la cause.
Nous avons, à un moment, accepté que la technologie appartenait à une
élite éthérée et que nous n’en étions que les utilisateurs. Que les
outils pouvaient avoir un propriétaire différent de son utilisateur. Les
luddites l’avaient bien compris dans leur chair. Marx en a eu
l’intuition. Personne ne les a entendus.
Tant que nous restons soumis aux dictats du marketing, tant que nous
acceptons la pression sociale provenant parfois de nos proches, nous
sommes condamnés à rester des utilisateurs de la technologie, à devenir
des utilisateurs de notre propre corps, de notre propre cerveau.
LA GRENOUILLE DANS LA BOUILLOIRE QUI VOULAIT QUE RIEN NE CHANGE
by Ploum on 2023-06-04
https://ploum.net/2023-06-04-grenouille-qui-voulait-que-rien-ne-change.html
Nous imaginons, rêvons ou frissonnons à l’idée de changements brusques :
le fameux « grand soir », les catastrophes naturelles ou politiques… Et
nous oublions que les évolutions sont progressives, insidieuses.
L’extrême droite dure néonazie n’est que rarement entrée ouvertement au
gouvernement en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais la
plupart des gouvernements se veulent aujourd’hui des coalitions
« centristes ». Au centre de quoi ? De cette extrême droite dure et de
la droite libérale. Bref, ce qui aurait été considéré comme de l’extrême
droite il y a une ou deux décennies.
Les médias d’extrême droite ne sont jamais devenus grand public. Mais
Twitter, l’un des médias les plus influents du monde, est devenu un pur
média d’extrême droite soutenu par tous ceux qui l’alimentent. Les
médias nationaux, eux, appartiennent et obéissent dans une écrasante
majorité à des milliardaires rarement connus pour être progressistes (on
ne devient pas milliardaire sans être complètement psychopathe).
Même les plus écologistes parlent du futur, de la catastrophe qui arrive
« si on ne fait rien ». Mais elle n’arrive pas la catastrophe. Nous
sommes en plein dedans. La pollution de l’air tue, en Europe, chaque
année des centaines de milliers de personnes. Au niveau mondial, si j’en
crois des chiffres rapidement moyennés sur le web, la pollution de l’air
est l’équivalent de deux pandémies de COVID. Chaque année ! Nos enfants
sont asthmatiques. Ils souffrent. Les océans sont remplis de déchets.
Nous sommes en plein cœur de la catastrophe. Mais nous l’attendons.
C’est d’ailleurs pour ça que le nucléaire fait tellement débat : il nous
promet une catastrophe ! Le charbon, lui, nous plonge en plein dedans et
tout le monde s’en fout.
Dans le cultissime « Planète à gogos », Pohl et Kornbluth tentaient de
nous alerter sur ce pseudolibéralisme débridé qui mène mécaniquement à
un contrôle total de la société par quelques monopoles. C’est déjà le
cas sur Internet ou la jeune génération ne connait qu’une unique
alternative à Méta (Facebook,Instagram,Whatsapp) : Tiktok. Les milliards
d’internautes n’ont aucune idée de comment tout cela fonctionne, ils
obéissent aveuglément à quelques grandes sociétés. Les militants de tout
poil ne connaissent plus qu’une manière de s’organiser : créer une page
Facebook ou un groupe Whatsapp. De même pour les quelques petits
magasins indépendants qui tentent de survivre à la taxe Visa/Mastercard
qui leur est imposée, à la guerre au cash menée par les gouvernements,
aux tarifs exorbitants imposés par des fournisseurs monopolistiques. Ils
perdent pied et ne voient pas d’autres solutions que de… créer une page
Facebook.
Facebook dont les algorithmes sont très similaires à Twitter, Facebook
qui a permis l’ascension de Trump au pouvoir et qui est, il ne faut pas
se le cacher, d’extrême droite et monopolistique. Par essence.
Toutes ces catastrophes ne sont pas hypothétiques. Elles sont actuelles,
sous nos yeux. Elles sont liées. On ne peut pas militer pour le social
sur Twitter. On ne peut pas être écologiste sur Facebook. On ne peut pas
lutter contre les monopoles en fumant des clopes de chez Philip Morris.
On ne traite pas un cancer généralisé en allant voir un spécialiste de
l’estomac et en prétendant que les autres organes ne nous intéressent
pas.
Mais personne n’est parfait. Nous avons tous nos contradictions. Nous
avons tous nos obligations. Nous avons le droit d’être imparfaits. Nous
ne pouvons pas être spécialistes en tout.
L’important pour moi est d’en être conscient. De ne pas nous
autojustifier dans nos comportements morbides. Soyons responsables de
nos actions, soyons honnêtes avec nous-mêmes. On a le droit de craquer
(moi c’est le chocolat !). Mais on n’a pas le droit de prétendre qu’un
craquage est « sain ». On a le droit d’avoir un compte Whatsapp. On n’a
pas le droit de prendre pour acquis que tout le monde en a un.
Chaque année, je dis à mes étudiants qui vont sortir de polytechnique
(donc avec d’excellentes perspectives d’emploi) : « Si vous qui n’avez
aucun souci à vous faire pour trouver de l’emploi ne faites pas des
choix moraux forts, qui les fera ? N’acceptez pas de contrevenir à votre
propre morale ! ».
Et puis je me replonge dans les différentes révolutions historiques. Et
je réalise que les changements viennent rarement de ceux qui avaient le
choix, de ceux qui pouvaient se permettre. Ceux-là étaient, le plus
souvent, corrompus par le système. Le changement vient de ceux qui n’ont
pas le choix et le prennent quand même. De ceux qui risquent tout. Et le
perdent.
Je réalise que je suis moi-même enfoncé dans un petit confort bourgeois.
Que je protège égoïstement ma petite famille et mon petit confort. Qu’à
part théoriser et gloser sur mon blog, ce qui me plait et valorise mon
ego, je ne fais rien. Je sais même pas quoi faire.
Ça y’est, j’ai passé le cap. Nous sommes au milieu d’une catastrophe et
j’ai tout intérêt à ce que rien ne change.
CONSIDÉRATIONS SUR LE TALENT, LE GÉNIE, LE TRAVAIL ET UN JEU VIDÉO QUE
JE VOUS RECOMMANDE
by Ploum on 2023-06-02
https://ploum.net/2023-06-02-genie-talent-travail-superflu.html
À Épinal, j’ai eu la grande chance d’échanger avec Denis Bajram, auteur
de la BD culte Universal War 1. La conversation s’est très vite portée
sur la notion de génie, un sujet sur lequel je méditais justement depuis
longtemps.
Dans ma vision personnelle, le talent n’est finalement qu’une facilité,
un état de départ. Prenez deux individus sans la moindre expérience et
demandez-leur de chanter, dessiner, courir, jongler avec un ballon ou
n’importe quoi. Il y’a de grandes chances que l’un soit plus doué que
l’autre. Bajram me confiait qu’il était le meilleur en dessin de son
lycée. Lorsqu’on a du talent, tout semble facile. Bernard Werber a
d’ailleurs dit « Écrire, c’est facile, tout le monde peut le faire »
avant qu’Henri Lœvenbruck ne le reprenne « C’est facile pour toi. Pour
l’infime minorité de génies. Pour les autres, c’est du travail, beaucoup
de travail ». Hemingway ne disait-il pas que « Écrire c’est s’asseoir
devant sa machine et saigner » ?
Cependant, le talent n’est que la base et vient ensuite le travail,
l’entrainement. Le jeune, aussi talentueux soit-il, sort de son
microcosme et se voit soudain confronté aux meilleurs de son pays voire,
grâce à Internet, de la planète. Il se rend compte qu’il n’est pas aussi
talentueux que cela. Il doit travailler, s’améliorer. Souvent, il
abandonne.
Au plus on travaille, au plus on acquiert de l’expérience et de la
capacité à comprendre ce que l’on fait. À percevoir les défauts de ses
propres réalisations. On comprend pourquoi certaines œuvres sont bien
meilleures que ce que l’on fait. On en arrive même à un point où on
comprend intellectuellement ce qui est nécessaire pour arriver à un
résultat extraordinaire. Sans toujours être capable de le mettre
réellement en pratique.
À titre personnel, j’ai énormément travaillé la structure du récit, la
narration. L’histoire d’Universal War 1 est extraordinaire, prenante et
complexe. Je ne sais pas si je pourrai un jour égaler ce niveau. Mais je
comprends intellectuellement le processus mis en œuvre par Bajram pour y
arriver. Je vois comment il s’y prend, comment il utilise son talent et
sa capacité de travail. Je pourrais dire la même chose de celui qui est,
à mes yeux, le meilleur scénariste de bande dessinée de sa génération :
Alain Ayrolles, auteur de l’incroyable « De Capes et de Crocs ». Si la
série est l’une de meilleures qui soit, je crois que je comprends les
processus créatifs à l’œuvre. Et si je « comprends » UW1 et De capes et
de Crocs, j’en reste néamoins muet d’admiration et les relis
régulièrement.
Mais, parfois, arrive un génie. Contrairement au talent, le génie est
incompréhensible. Le génie sort de toutes les normes, de toutes les
cases. Même les meilleurs experts doivent avouer « Je ne sais pas
comment il a fait ». En bande dessinée, c’est par exemple un Marc-
Antoine Mathieu. Sa série « Julius Corentin Acquefaques, prisonnier des
rêves » relève du pur génie. J’ai beau les lire te relire, je ne vois
pas comment on peut produire ce genre de livres complètement hors-
normes. Je rends d’ailleurs hommage à cette série dans ma nouvelle « Le
Festival », cachée dans mon recueil « Stagiaire au spatioport Omega
3000 ».
Face à un génie, même les plus grands talents doutent. Dans
l’extraordinaire film « Amadeus », de Milos Forman, le musicien Salieri,
pourtant un des meilleurs de son époque, se retrouve confronté à Mozart,
l’adore, le jalouse, l’admire et le déteste à la fois. C’est en y
faisant référence que Bajram m’a parlé de ce qu’il appelle le syndrome
« Salieri », cette confrontation au génie qui fait douter même les plus
talentueux.
Ce doute de l’artiste, ce syndrome est intéressant, car, sur son blog,
Bajram confie être déçu par les séances de signatures où les fans font
la file sans même lui parler. Fans qui, pour certains, vont même jusqu’à
se plaindre sur Facebook.
Compte-rendu d’Épinal par Bajram
https://www.bajram.com/2023/05/30/arreter-aussi-les-seances-de-signatures/
Les artistes sont des éponges émotionnelles et pour une critique
négative sur Facebook ou Twitter, combien de fans intimidés qui n’ont
même pas osé adresser la parole à leur idole ? D’ailleurs, si j’ai moi-
même franchi ce pas, c’est parce que je m’étais préparé mentalement
depuis une semaine : « si tu vois Bajram et/ou Mangin, tu vas vers eux
et tu leur offres un livre ». En lisant le post de Bajram, j’ai envie de
lui dire : « Ce ne sont pas les séances de signatures qu’il faut
arrêter, c’est Facebook ! »
Régulièrement, des artistes, parfois très connus, parlent de mettre leur
carrière en pause à cause du harcèlement continu qu’ils subissent en
ligne. Mais ce n’est pas l’art ni la notoriété le problème, c’est bel et
bien les plateformes qui exploitent les failles de la psyché humaine et
nous font ressortir le négatif. Même sur Mastodon, je le vis assez
régulièrement : un simple commentaire négatif peut me faire douter,
voire m’énerver durant plusieurs heures (solution: allez relire les
critiques positives sur Babelio ou sur les blogs, ça fait du bien, merci
à ceux qui les postent !)
De plus en plus de professionnels se coupent des réseaux sociaux. C’est
par exemple le cas du cycliste Remco Evenepoel que le staff isole
totalement des réseaux sociaux pour être sûr qu’il soit concentré et
moralement au top lors des courses.
Le talent et le jeu de Gee
==========================
Pourquoi vous parler de talent, de travail et de génie ? Parce que c’est
justement une réflexion qui murit en moi depuis que j’ai joué à Superflu
Riteurnz, le jeu de Gee.
Superflu Riteurnz, le jeu
https://studios.ptilouk.net/superflu-riteurnz
Je suis Gee depuis qu’il a commencé à poster sur Framasoft. Et un truc
qui m’a marqué depuis le début, c’est qu’il n’a pas un grand talent pour
le dessin. Yep, je sais, ce n’est pas sympa. Mais faisant moi-même des
crobards de temps à autre, je pense avoir au moins autant de talent que
lui. Il me fait bien marrer Gee, il a un humour bien à lui, mais ce
n’est pas un grand dessinateur.
Y’a juste une petite subtilité. C’est que lui il travaille. Il
persévère. Il a créé un univers avec son dessin assez simpliste. Il a
même auto-publié une BD de Superflu.
Superflu, la BD.
https://editions.ptilouk.net/superflu/
Et, soyons honnêtes, si la BD est sympathique, voire amusante, elle
n’est pas transcendante.
Sauf que Gee ne s’est pas arrêté en chemin. Il a sorti le jeu. Qui est
la suite de la BD, mais vous pouvez jouer sans avoir lu la BD.
Et là, l’incroyable travail de Gee m’a sauté aux yeux. L’univers
Superflu s’est affiné. S’est enrichi du talent informatique de l’auteur.
Les décors du jeu, les animations comme le vent dans les arbres où dans
les cheveux m’ont bluffé. J’ai plongé avec Miniploumette (11 ans) et
Miniploum (6ans). Ils ont adoré.
Je suis un énorme fan des point-n-click. Le premier jeu vidéo auquel je
forme mes enfants est Monkey Island, mon jeu fétiche. De temps en temps,
je réessaye un vieux jeu (je suis d’ailleurs bloqué depuis des mois dans
Sherlock Holmes : Case of the Rose Tatoo, malgré toutes les soluces que
j’ai pu lire en ligne, rien n’y fait). Superflu Riteurnz n’est pas
seulement un hommage, c’est une véritable version moderne du principe.
La jouabilité est excellente. Il y’a très peu de redondances ou de
longueurs.
Le jeu innove également avec une mécanique très appréciable : la hotline
pour obtenir des indices. Plutôt que d’aller chercher sur le web des
soluces, le jeu vous les apporte sur un plateau. Est-ce de la triche ?
Spontanément, mes enfants ne veulent pas utiliser la hotline sauf quand
ça commence à les gonfler. Il n’y a pas de score, pas d’enjeu et
pourtant ça fonctionne. Des enquêtes dans les bars crapuleux de
Fouchigny aux hauteurs vertigineuses du château d’eau en passant par les
courses poursuites infernales. En tracteur.
Le seul reproche ? C’est trop court. Après l’avoir terminé, on veut une
extension, une nouvelle aventure.
Mon conseil : si vous pouvez vous le permettre financièrement, achetez
la BD et le jeu. Les deux sont complémentaires. Si la BD ne vous
intéresse pas, pas de soucis, je l’ai lue après le jeu et le jeu
fonctionne très bien sans.
Ce jeu démontre qu’avec un travail de fou au dessin (les décors du jeu
sont vraiment superbes), à la programmation (et là, je m’y connais)
voire à la musique, Gee produit une œuvre multifacette particulièrement
intéressante, ludique, drôle, divertissante et intergénérationnelle.
Politique et critique, aussi. Le final m’a ôté mes dernières
hésitations. Le résultat est sans appel : le travail paie ! (du moins si
vous achetez le jeu)
Peut-être qu’après toutes ces superproductions hollywoodiennes, les
aventures de Superflu à Fouchigny (dont la maire m’a fait éclater de
rire) sont un retour bienvenu au confort de la proximité, du local.
Peut-être qu’après toutes ces années à suivre le blog de Gee sans être
fan de ses dessins, l’univers de Superflu, dont je trouvais le concept
moyennement amusant, s’est enfin mis en place pour moi et sans doute
pour beaucoup d’autres.
Allez à Fouchigny, le voyage vaut le déplacement !
Et souvenez-vous que des débutants au plus grands artistes que vous
admirez, tout le monde doute. Qu’un petit encouragement, un message
sympa, un serrage de main, une poignée d’étoiles sur votre site de
recommandation préféré sont le carburant qui produira le prochain livre,
le prochain jeu, le prochain court-métrage ou la prochaine musique qui
vous accompagnera dans un petit bout de vie. Ou qui vous inspirera.
Bonne découvertes, bonne créations !
DE LA DIFFICULTÉ DE CLASSIFIER LA LITTÉRATURE (ET DE L’OCCASION DE SE
RENCONTRER AUX IMAGINALES)
by Ploum on 2023-05-24
https://ploum.net/2023-05-24-classification-litterature-et-epinal.html
La sérendipité de mon bibliotaphe m’a fait enchainer deux livres entre
lesquels je n’ai pas pu m’empêcher de voir une grande similitude. «
L’apothicaire » d’Henri Lœvenbruck et « Hoc Est Corpus » de Stéphane
Paccaud.
L’Apothicaire, Henri Lœvenbruck
https://www.henriloevenbruck.com/lapothicaire/
Hoc Est Corpus, Stéphane Paccaud
https://pvh-editions.com/shop/romans-contes/263-hoc-est-corpus-la-geste-de-…
Si l’un conte les aventures du très moderne Andreas Saint-Loup dans le
Paris de Philippe le Bel, l’autre nous emmène dans la Jérusalem de
Baudouin le Lépreux. Tous les deux sont des romans historiques
extrêmement documentés, réalistes, immersifs et néanmoins mâtinés d’une
subtile dose de fantastique. Fantastique qui ne l’est que pas le style
et pourrait très bien se révéler une simple vue de l’esprit.
Dans les deux cas, l’écriture est parfaitement maitrisée, érudite tout
en restant fluide et agréable. Lœvenbruck se plait à rajouter des
tournures désuètes et du vocabulaire ancien, lançant des phrases et des
répliques anachroniques pleines d’humour. Paccaud, de son côté, alterne
rapidement les narrateurs, allant jusqu’à donner la parole aux murs
chargés d’humidité ou au vent du désert.
Bref, j’ai adoré tant le style que l’histoire et je recommande
chaudement ces deux lectures même si le final m’a chaque fois légèrement
déçu, tuant toute ambiguïté de réalisme et rendant le fantastique
inéluctablement explicite. J’aurais préféré garder le doute jusqu’au
bout.
D’ailleurs, Henri Lœvenbruck, Stéphane Paccaud et moi-même serons ce
week-end à Épinal pour les imaginales. N’hésitez pas à venir faire
coucou et taper la causette. C’est la raison même de ce genre
d’événements. (suivez-nous sur Mastodon pour nous trouver plus
facilement).
Lœevenbruck sur Mastodon
https://toot.portes-imaginaire.org/@loevenbruck
Ploum sur Mastodon
https://mamot.fr/@ploum
De la classification de la littérature
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S’il fallait les classer, ces deux livres devraient clairement se
trouver côte à côte dans les rayons d’une bibliothèque. Des romans
historiques avec des éléments fantastiques. D’ailleurs, Lœvenbruck m’a
asséné : « Une histoire n’est pas fantastique. Elle comporte des
éléments de fantastique ! » (citation approximative,).
Mais voilà. Henri Lœvenbruck est réputé comme un auteur de polars. Vous
trouverez donc « L’Apothicaire » dans la section polar de votre
librairie. Quand à « Hoc Est Corpus », il est paru dans la collection
Ludomire chez PVH éditions, une collection (où je suis moi-même édité)
spécialisée dans la « littérature de genre », à savoir la SFFF pour
« Science-Fiction Fantasy Fantastique ».
Quelle importance, me demandez-vous ? On s’en fout de la classification.
Pas du tout !
Car, comme je l’ai appris à mes dépens, le lectorat grand public ne veut
pas entendre parler de science-fiction ou de fantastique. Le simple fait
de voir le mot sur la couverture fait fuir une immense quantité de
lecteurs qui, pourtant, en lit régulièrement sous la forme de polars. La
plupart des librairies générales cachent pudiquement sous une étagère
quelques vieux Asimov qui prennent la poussière et ne veulent pas
entendre parler de science-fiction moderne. Quelques échoppes tentent de
faire exception, comme « La boîte à livre » à Tours, qui a un magnifique
rayon ou le salon de thé/librairie « Nicole Maruani », près de la place
d’Italie à Paris, qui m’a fait la surprise de mettre mon livre à
l’honneur dans son étagère de SF (et qui fait du super bon brownie,
allez-y de ma part !).
Librairie Maruani, boulevard Vincent Auriol, Paris
http://www.librairiemaruani.fr/
Mais Ploum, si le mot « science-fiction » est mal considéré, pourquoi ne
pas mettre simplement ton roman dans la catégorie polar ? Après tout,
Printeurs est clairement un thriller.
Parce que la niche des lecteurs de science-fiction est également
étanche. Elle se rend dans des lieux comme « La Dimension Fantastique »,
près de la gare du Nord à Paris. Un endroit magique ! J’avais les yeux
qui pétillaient en survolant les rayons et en écoutant l’érudition du
libraire.
La dimension fantastique sur OpenStreetMap
https://www.openstreetmap.org/node/3401591465
La SF est-elle condamnée à être cantonnée dans sa niche ? À la Dimension
Fantastique, le libraire m’a confié qu’il espérait que le genre gagne
ses lettres de noblesse, qu’il voyait une évolution ces dernières
années.
Pour Bookynette, l’hyperactive présidente de l’April et directrice de la
bibliothèque jeunesse « À livr’ouvert », le genre à la mode est le
« Young Adult ». Et c’est vrai : dès que le protagoniste est un·e
adolescent·e, soudainement le fantastique devient acceptable (Harry
Potter) et la pure science-fiction dystopique devient branchée (Hunger
Games).
Librairie jeunesse À livr’ouvert (boulevard Voltaire, Paris)
https://www.alivrouvert.fr/
Bookynette sur Mastodon
https://framapiaf.org/@bookynette
Bref, la classification a son importance. Au point de décider dans
quelle librairie vous allez être. Étant un geek de science-fiction, j’ai
l’impression que d’en écrire. Mais j’ai la prétention de penser que
certains de mes textes vont au-delà de la SF, qu’ils pourraient parler à
un public plus large et leur donner des clés pour comprendre un monde
qui n’est pas très éloigné de la science-fiction d’il y a quelques
décennies. Surtout les genres dystopiques. En pire.
La science-fiction ne parle pas et n’a jamais parlé du futur. Elle est
un genre de littérature essentiel pour comprendre le présent. Peut-être
doit-elle parfois se camoufler pour briser certains a priori ?
On se retrouve sur le stand PVH aux Imaginales pour discuter de tout
ça ?
LA FAUSSE BONNE IDÉE DE LA LIVRAISON À DOMICILE
by Ploum on 2023-05-15
https://ploum.net/2023-05-15-livraison-a-domicile.html
J’ai reçu ce matin un email me précisant qu’une livraison allait être
faite à mon domicile entre 12h51 et 13h51.
Me voilà devant le fait accompli. Je peux tout à fait rater cette
livraison qui n’est pas urgente. Mais il est plus facile pour moi
d’adapter mon horaire aujourd’hui que pour une relivraison hypothétique
ou pour une livraison dans un point relais aléatoire. Car, pour
l’anecdote, j’habite une ville entièrement piétonnière. Mais le seul
point Mondial Relay de la ville se trouve dans une station d’essence
située entre les deux bandes d’un boulevard fréquenté et sans aucune
manière d’y accéder à pied sauf à traverser des buissons puis à marcher
200m le long de cette route pour automobiles et de la traverser.
Consultant ma montre, je m’arrange pour arriver à 12h45 chez moi. Une
camionnette de livraison est garée, moteur tournant. J’interpelle le
chauffeur. Il regarde sa montre et me dit qu’il ne peut pas me donner le
paquet avant 12h51, qu’il doit attendre. Moteur tournant.
Comme beaucoup d’inventions humaines, la livraison à domicile semblait
une bonne idée. Parce que nous n’avions pas envisagé les impacts.
Nous croyions pouvoir consommer confortablement assis dans notre canapé.
Nous avons oublié que nous étions souvent hors de chez nous, pour le
travail ou pour le plaisir. Nous avons oublié le service que nous
rendaient les commerçants de proximité, remplacés dans tous les domaines
par de la grande distribution dans des points de plus en plus éloignés.
Nous avons oublié que, parfois, nous n’avons pas envie d’être dérangés.
Comme cette fameuse journée de travail à domicile durant le confinement
où j’ai reçu quatre livreurs de trois entreprises différentes sur une
seule après-midi. Le tout pour me livrer une seule et unique commande
Amazon dans laquelle j’avais tenté de regrouper tous mes achats.
Nourriture, vêtements, livres, articles de sports. Ce qui se trouve dans
ces magasins, la plupart du temps uniquement accessibles en voiture, est
le strict minimum, le modèle moyen, les marques standard. Pour tout le
reste ? Commandez sur Internet. Que dis-je, sur Amazon !
Amazon qui, soit dit en passant, impose à ses fournisseurs de ne pas
vendre moins cher ailleurs, mais qui prend une telle marge que les
producteurs, pour pouvoir être sur Amazon, sont obligés de monter leurs
prix… partout ! Amazon qui n’hésite pas à copier un produit qui se vend
bien et qui impose également aux producteurs de payer pour apparaître
dans les résultats.
Au final, des livreurs payés au lance-pierre sont obligés de faire un
nombre ahurissant de livraisons par jour en respectant des horaires à la
minute près, forcés d’attendre ou d’accélérer en fonction des
algorithmes. Tout cela pendant que nous sommes forcés de rester chez
nous pour attendre la livraison, pour guetter par la fenêtre le livreur
qui dépose un papier arguant de notre absence alors que nous étions
derrière la porte.
Enfin, nous ouvrons le carton contenant des biens que nous n’avons
jamais vus, que nous n’avons jamais essayés, que nous n’aurions peut-
être pas achetés si nous n’avions pas été séduits par la photo
subtilement éclairée, mais que nous gardons quand même devant la
difficulté du renvoi ou de l’échange, lorsque celui-ci n’est tout
simplement pas à un coût prohibitif.
Des biens surpayés pour permettre aux producteurs de vivre avec les
marges d’Amazon et des entreprises de livraison. Des biens désormais
introuvables en magasin.
La livraison à domicile paraissait une bonne idée. Elle bénéficie à
certains. Mais ce ne sont ni les livreurs, ni les vendeurs de magasin,
ni même les clients.
LES RÉSEAUX SOCIAUX SONT DES MALADIES MENTALES
by Ploum on 2023-05-12
https://ploum.net/2023-05-12-reseaux-sociaux-maladie-mentale.html
La nuit passée, j’ai été réveillé par de la techno tonitruante. Étonné
par cette cause de bruit soudaine, j’ai regardé par ma fenêtre et vu une
voiture garée en face de chez moi.
Au volant, une jeune femme se filmait en train de secouer la tête comme
si elle s’amusait follement, agitant le bras libre dans tous les sens.
Exactement trois minutes après le début de la nuisance sonore, elle a
coupé la vidéo, à coupé la musique et s’est remis à scroller sur son
téléphone en silence, la nuque penchée.
Je n’ai pu ressentir qu’une bouffée de pitié pour cette jeune femme
seule en pleine nuit, enfermée dans sa voiture et qui ressentait le
besoin de faire savoir à d’autres qu’elle s’amusait, même s’il fallait
pour cela réveiller tout le quartier. La brève durée de cet épisode m’a
fait soupçonner une vidéo Tiktok.
En me recouchant, j’ai pensé à cette jeune maman que nous avons aperçue,
mon épouse et moi-même, la semaine précédente.
Nous étions sur un chemin surplombant de quelques mètres une petite
plage hérissée de rochers. Un parapet séparait le chemin du vide. Sur ce
parapet se tenait, debout, une fillette de trois ou quatre ans qui
tenait la main de sa mère. La mère a lâché sa fille, a pris son appareil
photo pour prendre une photo tout en lui recommandant de ne pas bouger.
Mon cœur de père s’est arrêté. J’ai hésité à agir, mais j’ai très vite
pris conscience que le moindre mouvement brusque de ma part pouvait
déclencher une catastrophe. Que je n’étais émotionnellement pas capable
de tenter de raisonner une mère capable de mettre la vie de son enfant
en danger pour une photo Instagram.
J’ai passé mon chemin en fermant très fort les yeux.
Je pensais que les réseaux sociaux étaient des addictions, des dangers
pour notre concentration. Mais pas seulement. Je pense que ce sont
désormais des maladies mentales graves. Que leurs utilisateurs (dont je
fais partie avec Mastodon) doivent être vus comme des personnes malades
dès le moment où elles modifient leur comportement dans le seul et
unique objectif de faire un post.
Les principales victimes sont les adolescents et les jeunes adultes. Et
loin de les aider, le système scolaire les enfonce, de plus en plus
d’enseignants et d’écoles utilisant des "apps" pour avoir l’air de
suivre une pédagogie moderne et forçant leurs élèves à avoir un
téléphone (et je ne parle pas des cours "d’informatique" qui forment à…
Word et PowerPoint !).
Il ne fait aucun doute que, d’ici quelques années, les smartphones
seront perçus pour le cerveau comme la cigarette l’est pour les poumons.
Mais nous sommes dans cette période où une poignée d’experts (dont je
fais partie) s’époumone face à un lobby industriel et une masse qui
"suit la mode pour avoir l’air cool", qui a peur "de ne pas être dans la
révolution informatique".
Quand je vois les ravages de la cigarette, encore aujourd’hui, je ne
peux qu’être terrorisé pour mes enfants et les générations qui nous
suivent. Car ceux qui ne sont pas atteints doivent vivre avec les
autres. Ils sont les exceptions. Ils doivent justifier de ne pas sortir
leur smartphone, de ne pas être connecté, de ne pas vouloir
s’interrompre pour une photo.
Peut-être qu’il est temps de considérer le fait de poster sur les
réseaux sociaux pour ce que c’est réellement : une action pathétique et
misérable, un espoir d’exister dans un univers factice. Un appel au
secours d’une personne malade.
Ne nous voilons pas la face : je suis tout aussi coupable que n’importe
qui d’autre. Mais promis, je me soigne…
TROLLS & LÉGENDES LE SAMEDI 8 AVRIL ET AUTRES DATES…
by Ploum on 2023-04-07
https://ploum.net/2023-04-07-troll-legendes.html
Samedi 8 avril (demain quoi), je serai à Mons au festival Troll &
Légende. Si vous êtes dans le coin, passez sur le stand PVH/PVH Labs
pour tailler une bavette. Je n’ai pas encore les infos exactes, je
posterai en direct les infos pratiques sur Mastodon.
@ploum sur Mastodon
https://mamot.fr/@ploum
Une question récurrente qui m’est régulièrement posée est celle du
nombre de mes followers. Souvent, ce sont des journalistes qui me la
posent et ils sont déçus quand je leur dis que je n’ai pas la réponse.
Il y a 10 ans, j’ai annoncé que je supprimais tout outil statistique de
mon blog. Tant pour la vie privée de mes lecteurs que pour ma santé
mentale. J’ai poursuivi en encourageant mes lecteurs à me suivre par
RSS, une technologie sur laquelle je n’ai aucune visibilité. Sourcehut
offre également la possibilité de recevoir mes billets par mail sans que
je puisse voir la liste des abonnés ou même leur nombre (mais les
contenus sont en texte brut et pas mis en page, contrairement à la
newsletter classique qui reste recommandée pour la plupart des
lecteurs).
À part Mastodon, je n’ai donc pas de « compteur ». Je sais à quel point
ce genre de métrique est à la fois addictif et complètement trompeur,
voire même nocif. Avec mon logiciel de newsletter précédent, je pouvais
voir le nombre de désabonnements consécutifs à chaque billet, ce qui
avait pour effet de me morigéner d’avoir publié.
Pour remplacer le compteur, j’ai découvert une métrique magique,
magnifique : quand je participe à une conférence, un festival ou une
séance de dédicace, j’ai désormais la chance de rencontrer des lecteurs.
Des gens qui me lisent depuis parfois plus d’une décennie. Des personnes
qui peuvent me parler d’un vieux billet que j’avais oublié, me demander
des nouvelles de ma boulangère voire me recommander une bande dessinée
ou un roman qui devrait vraiment me plaire (j’adore). Des visages qui
viennent parfois éclairer certains noms que j’ai lu sur le web, sur
gemini ou dans ma boîte email. Des êtres humains quoi ! (enfin, pour la
plupart)
Ces rencontres sont courtes, intenses et me restent dans la tête. Elles
me font plaisir, me nourrissent. Donc, si vous êtes dans un coin où je
traine, n’hésitez pas à venir me faire coucou, ça me fait plaisir. Et,
contrairement à un Henri Loevenbruck assailli par des hordes de fans,
avec Ploum vous n’aurez pas à faire la file.
Rendez-vous donc ce samedi 8 avril à Mons à Troll & Légende. Le mardi 25
avril, je donnerai une conférence pour l’Electrokot à Louvain-la-Neuve
(auditoire Montesquieu 1, 20h). Et je vous préviens déjà que je serai à
Épinal pour le festival Imaginales aux alentours du 25 au 28 mai.
On trouvera bien une occasion de se croiser !
Comment j’ai supprimé toutes les statistiques de mon site web (2013)
https://ploum.net/comment-jai-appris-a-ne-plus-men-faire-et-a-aimer-le-web/…
Newsletter anonyme en texte brut (FR)
https://lists.sr.ht/~lioploum/fr
Newsletters traditionnelles
https://listes.ploum.net/mailman3/postorius/lists/
DES PETITS GESTES…
by Ploum on 2023-04-03
https://ploum.net/2023-04-03-petits-gestes.html
Aucun service Google ne tourne sur mon téléphone. En utilisant
l’application Adguard, j’ai découvert que mon téléphone faisait de
nombreuses requêtes vers facebook.com. Le coupable ? L’application de
l’IRM, l’institut royal météorologique, une institution pour laquelle
j’ai beaucoup de respect.
Site officiel de l’IRM
https://www.meteo.be/fr/
Je me suis donc rendu sur le site de l’IRM et j’ai soumis une plainte
arguant qu’un service public ne devait/pouvait pas contribuer à ces
pratiques, surtout sans informer ses utilisateurs. La réponse m’est
parvenue après quelques jours :
> Notre application contenait effectivement une librairie Facebook que
nous n'utilisions pas, mais qui était malheureusement restée activée.
Nous avons introduit une demande auprès du service qui s'occupe de notre
application de supprimer cette librairie. Nos collègues vous remercient
d'avoir remarqué cette erreur de notre part et de nous l'avoir
communiquée.
Voilà, c’était tout simple. Bien sûr, dans un monde idéal, les
applications financées par le service public devraient être open source
mais cela fait plaisir de souligner qu’être espionné par Facebook n’est
plus considéré comme normal et allant de soi.
Bon, évidemment, on ne parle pas de la rtbf, un service public dont le
site web est une honte lorsqu’on voit à quel point il est littéralement
rempli d’espions logiciels.
Une autre petite résolution tout simple que j’ai prise est de désormais
mettre les vidéos de mes conférences sur Peertube plutôt que de vous
envoyer sur Youtube.
La chaîne Peertube de Ploum
https://www.orion-hub.fr/c/oneploumshow/videos
Ma dernière conférence, « Pourquoi ? », a été visionnée dix fois plus
sur Peertube que sur le Youtube officiel de la conférence. Tout
simplement car j’ai mis le lien Peertube en avant par rapport à celui
vers Youtube. La preuve s’il en est que ce ne sont pas ces plateformes
qui nous apportent des vues mais bien le contraire. Mettre Peertube
« par défaut » est une démarche assez simple qui peut avoir au final un
impact important.
En explorant Peertube à travers Sepia Search, j’ai d’ailleurs découvert
qu’un·e archéoternaute y avait uploadé une de mes œuvres de jeunesse.
Sepia Search - la recherche sur Peertube
https://search.joinpeertube.org/
Ploum - Ce pauvre ordi
https://peertube.iriseden.eu/w/9852b63e-572e-4b8a-b091-57d891f61947
Heureusement pour les mélomanes, c’est la seule chanson qui semble avoir
survécu. Comme vous avez tous pu le constater, je suis un parolier, pas
un musicien ni un chanteur… Si je retrouve d’autres chansons ou courts-
métrages, faudra que j’uploade tout ça un jour.
Bref, se libérer des monopoles et du capitalisme de surveillance est une
lutte comparable à l’écologie : il faut théoriser, discuter les enjeux
planétaires. Mais il est également possible d’accomplir des petits
gestes individuels qui peuvent inspirer d’autres et, sur le long terme,
faire la différence.
KEYNOTE TOURAINE TECH 2023 : POURQUOI ?
by Ploum on 2023-03-30
https://ploum.net/2023-03-30-tnt23-pourquoi.html
> Cette conférence a été donnée le 19 janvier 2023 à Tours dans le cadre
Touraine Tech.
> Le texte est ma base de travail et ne reprend pas les nombreuses
improvisations et digressions inhérentes à chaque One Ploum Show.
Vidéo de la conférence (50 minutes)
https://www.orion-hub.fr/w/eGh3n2eNdTtHDB9ohiM5jp
Bonjour. Cela me fait plaisir de vous rencontrer dans cette école
polytechnique de Tours, car je suis moi-même issu d’une école
polytechnique où j’enseigne et travaille. Le terme « Polytechnique » est
magnifique : plusieurs technologies, plusieurs domaines. Chez nous, à
Louvain, nous avons le département de mécanique,le département
d’électricité, de chimie, de construction, quelques autres et enfin le
département d’informatique.
Lorsqu’on a étudié en polytechnique, on devient un ingénieur. Il m’a
fallu des années pour articuler la différence entre un scientifique et
un ingénieur. Mais au fond, c’est très simple : le scientifique cherche
à comprendre, à découvrir les lois de la nature. L’ingénieur cherche à
contourner les lois ainsi découvertes. Le scientifique dit « cette
feuille de papier tombe ! », l’ingénieur la plie en avion et réponds
« pas toujours ». L’ingénieur produit donc des miracles : malgré la
gravité, il fait voler des avions de plusieurs centaines de tonnes. Il
arrive à construire des bâtiments, des ponts qui enjambent des gouffres.
Produire des matériaux capables de résister à une rentrée dans
l’atmosphère à haute vitesse. Ou d’inventer un procédé pour que la bière
fasse psshhh lorsqu’on décapsule la canette. J’ai eu un professeur qui a
fait fortune avec un tel procédé. Les ingénieurs (et pas seulement ceux
qui ont le diplôme, je parle aussi de ceux qui le sont par expérience)
prennent donc des lois immuables de la nature comme la gravité, la
résistance, la mécanique vibratoire, l’électricité et ils assemblent le
tout pour en faire des avions, des ponts, des sous-marins, des
satellites ou des tranches de jambon qui se conservent au frigo.
L’ingénieur est donc un rebelle, il cherche le progrès, à changer le
monde.
À l’opposé, il y’a une catégorie de personnes qui prennent des
inventions humaines et tentent d’en faire des lois naturelles, de se
convaincre qu’on ne peut pas les dépasser. Cela s’appelle la théologie.
C’est exactement l’inverse de l’ingénieur : faire croire que des écrits
produits par des humains morts depuis longtemps ne pourront pas être
dépassés ni améliorés.
Dans les facultés polytechniques, on trouve rarement un département de
théologie.
Par contre, on a désormais immanquablement un département
d’informatique. Et quelles sont les lois de la nature qui y sont
utilisées ? Une seule : faire bouger un électron le plus vite possible.
On y arrive d’ailleurs tellement bien que ce n’est plus vraiment un
problème. On pourrait arguer que certains problèmes algorithmiques
relèvent des lois de la nature, mais rares sont les ingénieurs en
informatique qui s’y confrontent tous les jours.
La réalité est que l’informatique est désormais réduite à prendre le
travail de personnes qu’on ne connait pas et de les instituer en lois
incontournables puis de tenter de construire par-dessus sans jamais, au
grand jamais, tenter de les contourner et les remettre en question.
L’informatique n’est plus de l’ingénierie, c’est devenu de la théologie.
Le travail de l’informaticien est une sorte de puzzle intellectuel
comparable à ce que font les rabbis lorsqu’ils interprètent la Torah.
L’informaticien n’est plus un rebelle progressiste, mais un conservateur
au service de l’immobilisme.
Si vous travaillez dans l’informatique, il y’a de fortes chances que
votre mission réelle puisse se résumer à « afficher sur l’écran d’un
client les chiffres et les lettres qu’il souhaite y voir ». D’accord, il
y’a parfois des images et du son. Mais que ce soit sur Youtube ou
Soundclound, l’interface première pour accéder à une vidéo, une image ou
un son reste le texte. Imaginez Spotify ou Netflix sans aucun texte ?
Inutilisable. Sans image ? Peut-être un poil plus rébarbatif, mais c’est
tout. Une fois maitrisés la compression et le transfert des sons et
images d’un ordinateur à l’autre, le seul travail reste donc le texte.
D’ailleurs, que ce soit dans un éditeur de code, un traitement de texte
ou un client email, force est de constater que nous passons l’essentiel
de notre temps à frapper des touches pour écrire du texte. Et que lire
ou réfléchir est rarement perçu comme un véritable travail. D’ailleurs,
si on s’arrêtait pour réfléchir, on serait probablement effrayé.
Surpris. On ne pourrait s’empêcher d’articuler à voix haute cette phrase
terrible, hantise de tout maniaque de la productivité : « Mais c’est
quoi ce bordel ? » voire, bien pire, ce simple mot, honni, banni du
vocabulaire de l’immense majorité des cerveaux de la startup nation :
« pourquoi ? »
C’est vrai ça, pourquoi ?
Réponse typique : parce que c’est comme ça, parce que tout le monde fait
comme ça, parce qu’on a toujours fait comme ça, parce qu’on te dit de
faire comme ça et tu ne vas pas changer le monde.
Et bien si, justement ! On change le monde. On doit changer le monde. On
ne peut que changer le monde. Alors autant réfléchir dans quel sens on
veut le faire évoluer.
Depuis les années 80, on sait échanger des messages entre ordinateurs
avec l’email, on sait échanger des fichiers avec FTP, on sait discuter
et s’engueuler publiquement sur Usenet. Le seul truc encore difficile
était de savoir où trouver l’information. Qu’à cela ne tienne, en 91, un
Anglais et un Belge travaillant en Suisse dans un bureau situé du côté
français de la frontière inventent… le web ! Ça commence comme une
blague, non ?
Le but du web n’est, à la base, que de permettre d’accéder facilement à
la documentation de la plus grosse machine jamais construite par
l’homme : l’accélérateur de particules du CERN. Avec le web, on peut
cliquer de page en page pour découvrir du contenu en utilisant des
hyperliens. Le web n’a pas inventé la notion d’hyperliens. En fait, le
concept était à l’époque sur toutes les lèvres, il y’avait même une
conférence dédiée au sujet. Tim Berners Lee y a d’ailleurs présenté le
web lors de l’édition de 92. Dans une petite salle au fond du couloir et
dans l’indifférence générale. Personne n’a trouvé ça excitant ou
intéressant.
Une fois qu’on a eu le web, on peut dire qu’on avait résolu l’essentiel
des problèmes techniques permettant l’usage d’Internet. On pouvait
désormais afficher n’importe quel texte sur n’importe quel ordinateur.
Le truc commence à avoir du succès et un jeune Américain très ambitieux
va avoir une idée. Il travaille pour un organisme américain parastatal
et programme un navigateur web : Mosaic. Il décide de quitter son job
pour créer un navigateur web commercial. Afin de rendre le truc cool, il
ajoute une balise image au HTML initial.
Le mec en question s’appelle Marc Andreesen et son navigateur Netscape.
Tim Berners Lee est pas trop chaud pour la balise image. Il propose des
alternatives. Il craint que les pages web deviennent de gros trucs
flashy illisibles. Rétrospectivement, on ne peut pas vraiment lui donner
tort. Mais Marc Andreesen n’en a cure. Il intègre sa propre balise image
à Netscpape et distribue Netscape gratuitement. Il devient millionnaire
et fait la couverture de nombreux magazine.
Attendez une seconde… Il devient millionnaire en payant des gens à
programmer un truc distribué gratuitement ? Tout un concept ! Devenir
millionnaire en dépensant de l’argent, c’est pas mal non ?
Le secret, c’est de dépenser l’argent des autres. On prend l’argent des
investisseurs, on l’utilise pour créer un truc qui ne rapporte rien,
mais qui est très cool (le terme technique est « bullshit ») et on
attend qu’une grosse boîte rachète le tout parce que c’est cool. Marc
Andreesen invente littéralement le concept de web startup qui perd de
l’argent et vaut des milliards. Le concept reste d’ailleurs aujourd’hui
très populaire. Quand on y pense, toute l’économie du web est une
gigantesque pyramide de Ponzi qui attend les prochains pigeons… pardon,
investisseurs. Les cryptomonnaies, à côté, c’est du pipi de chat, du
travail d’amateur.
Mais revenons à nos moutons : on sait désormais tout faire sur Internet.
Il faut juste se former un minimum. Mais le marketing va s’emparer de
l’histoire pour le complexifier à outrance. Tout en prétendant le rendre
plus simple. D’abord il va y avoir Java. Puis Javascript qui est, de
l’aveu de son créateur, un truc bâclé créé sur un coin de table pour
faire une démo. Le truc est tellement infâme que peu de monde le
comprend. Du coup, on rajoute une surcouche qu’on appelle AJAX. Et comme
Ajax est trop compliqué, on crée des frameworks au-dessus de cela. Et
comme chaque framework est compliqué, on fait des frameworks de
frameworks. La philosophie est simple : chaque fois qu’une andouille
quelconque veut afficher du texte sur l’écran d’un client, elle se rend
compte que c’est compliqué. Alors elle décide d’écrire une abstraction
qui simplifie le tout. Et, évidemment, son abstraction se confronte
rapidement au fait que la réalité est complexe. Soit elle abandonne son
idée, soit elle la complexifie jusqu’au point où une autre andouille la
trouve trop compliquée. Et le cycle recommence.
En prétendant simplifier, nous ne faisons que complexifier. Et il y’a
une raison à cela : la complexité est un argument marketing. Elle donne
une illusion de valeur, de la maitrise d’un savoir obscure accessible
uniquement aux initiés. C’est le principe de l’occultisme et du
mysticisme voire de l’astrologie : prétendre que tout est très compliqué
et qu’il faut être initié. C’est une arnaque vieille comme le monde.
Le problème de la complexité, outre son coût et le fait qu’elle entraine
une dépendance au fournisseur, un vendor lock-in, est qu’elle force à un
simplisme paradoxal. Je m’explique : le problème semble conceptuellement
simple. Simpliste même. Et pourtant incroyablement difficile à
implémenter, nécessitant des experts pour les détails. La réalité c’est
que tout est facile à implémenter dès lors que l’on sait précisément ce
qu’on veut faire. Définir ce qu’on veut est incroyablement complexe.
C’est se demander « pourquoi ? ». Intuitivement, on rêve tous d’une
maison de plain-pied à deux étages. Ou ce groupe de clients qui avaient
bossé à cinq pendant plusieurs semaines pour me fournir des specs très
précises. Une liste de « requirements ». Qui était incohérent entre eux.
Que voulons-nous réellement ? Et surtout, pourquoi le voulons-nous ?
Masquer les choix sous la complexité permet de nier leur existence. De
faire croire qu’il n’y a pas de choix. Et de permettre à d’autres de
faire des choix. Pourquoi avons-nous eu Java et Javascript ? Car
Netscape voulait rendre Microsoft obsolète et devenir calife à la place
du calife. Pas pour être utile à l’utilisateur. Cacher les choix
fondamentaux permet d’étouffer le citoyen sous un sentiment
d’inexorabilité. De le transformer en utilisateur, de lui faire perdre
son statut d’acteur de sa propre vie.
Que voulons-nous faire ? Afficher du texte sur un écran. Pourquoi ?
Chaque mise à jour, chaque nouveauté n’est que l’assertion d’une
autorité arbitraire. On ne rend pas un système plus facile en le
simplifiant. On le rend plus facile en le rendant apprenable. Qui
d’entre vous sait conduire une voiture manuelle ? C’est pourtant hyper
complexe quand on y pense. Et hyper dangereux. Vous risquez votre vie au
moindre écart. Pourtant, vous l’avez appris en quelques semaines,
quelques mois. Et vous vous améliorez d’année en année.
L’informatique est compliquée ? Non, elle est insaisissable. Elle change
tout le temps. Ça va de la mise à jour prétendument de sécurité qui
introduit un nouveau bug à ce fameux nouveau design avec des nouvelles
icônes. Dont vous êtes si fier. Pour l’utilisateur, c’est l’obligation
de réapprendre, de s’adapter sans aucune raison. J’utilise le service
Protonmail pour mes mails et mon calendrier. L’icône du mail était une
enveloppe avec le haut en forme de cadenas. Le calendrier était… une
page de calendrier. Sur mon téléphone eink en noir et blanc, ça passait
nickel. Y’avait qu’une seule couleur de toute façon. Puis est venu un
redesign complet. Pour quelle raison ? Aucune idée. Le mail est
désormais un rectangle dans un dégradé de mauve avec un creux figurant
vaguement une enveloppe. Le calendrier est le même rectangle sans le
creux. Sur mon écran eink, c’est icône sont des pâtés sans aucune
signification.
Les utilisateurs ont vite compris ce que les geeks ne voulaient pas
admettre : votre vie n’est qu’à un upgrade de devenir merdique. Du coup,
le réflexe le plus rationnel est de ne pas faire les mises à jour.
Sérieusement, vous connaissez un seul utilisateur qui se dit « Génial !
Un nouveau design pour cette application que j’utilise depuis des
années ! » ?
Comment l’industrie a-t-elle réagi ? En se posant la question de savoir
pourquoi l’utilisateur ne fait pas ses mises à jour ? Non, en forçant
ces mises à jour. En rendant la vie de l’utilisateur encore plus
misérable à travers des culpabilisations. À travers des notifications
incessantes. En lui prétendant que c’est pour sa sécurité. Vous savez
quoi ? L’utilisateur n’est jamais en danger si son ordinateur n’est que
rarement connecté. La plupart des risques sont liés à la complexité
imposée à l’utilisateur. Si son navigateur se contentait d’afficher le
texte qu’il veut voir, il ne risquerait rien. Il ne serait pas forcé de
racheter un nouvel engin à l’empreinte écologique crapuleuse. Sans
compter que l’immense majorité des menaces, comme les arnaques, ne
peuvent pas être résolues par des mises à jour.
Ma liseuse fonctionne très bien. Elle n’est jamais en ligne. J’y charge
des epubs par USB. L’autre jour, j’ai activé par erreur le wifi. Elle
m’a immédiatement annoncé une mise à jour importante. En consultant le
changelog détaillé, j’ai découvert que cette mise à jour ajoutait une
nouvelle fonctionnalité : des lectures suggérées de la boutique Vivlio
sur la page d’accueil. La mise à jour m’aurait donc permis d’avoir… des
publicités sur mon engin. Des publicités sur cet écran que je prends
avec moi dans mon lit…
Chaque mise à jour rend la vie de l’utilisateur encore plus misérable
dans le seul but de faire bander le responsable marketing qui se paluche
devant le nombre de "clics" (encore du texte affiché sur un écran) ou de
faire mouiller la responsable du rebranding qui trouve trop super de
bosser avec une équipe de designers sous ecstasy.
Las d’être exploités, certains utilisateurs se réfugient dans la théorie
du complot. Vous avez déjà vu 4chan, le site où naissent la plupart de
ces théories ? Du pur HTML sans artifice. D’autres, comme moi, se
réfugient dans d’obscures niches comme Gemini. L’industrie prétend alors
se tourner vers le minimalisme. Comme Medium par exemple ? Vous avez
déjà vu le code source d’une page Medium ? Faites-le et vous supprimerez
immédiatement votre compte si vous en avez un. C’est ce que j’appelle le
"paradoxe Medium" : tout projet minimaliste va soit disparaitre, soit
grandir assez pour voir apparaitre une surcouche alternative permettant
un accès minimaliste… au service minimaliste (scribe.rip pour Medium,
Nitter pour Twitter, Teddit pour Reddit, etc.). D’ailleurs, vous
connaissez beaucoup de monde qui surfe sur le web sans différents
adblocks ? On est désormais habitué à une couche de complexité qui sert
à contourner les couches de complexités que nous avons nous-mêmes
implémentées.
L’industrie du web est une gigantesque pyramide de Ponzi qui tente
d’exploiter jusqu’au trognon des utilisateurs contrôlés, humiliés et
traités de crétins. Mais le web est devenu trop important. Il est devenu
un pilier sociétal. Fuir le bateau n’est pas une option. Nous sommes à
un moment crucial pour l’histoire de l’humanité. Et pour sauver
l’humanité, il faut sauver le web. Revenir aux fondamentaux. Afficher du
texte sur l’écran d’un citoyen.
Concervoir des systèmes qui s’apprennent. Et donc ne changent pas.
Respecter l’humain. Et donc lui donner le texte dont il a besoin sans
l’espionner. Sans l’assommer. Bordel, je veux juste commander un
hamburger, pas installer votre app moisie.
L’année passée, je ne suis posé la question pour mon propre blog. Il m’a
fallu beaucoup de temps pour arriver à une simple conclusion. Pour
répondre à la question « pourquoi ? ». Et la réponse était : pour être
lu ! J’ai réécrit tout mon blog sous forme de pages statiques que je
génère avec mon propre script Python. C’est très simple en fait
lorsqu’on sait ce qu’on veut. La page d’accueil de mon blog, sous
Wordpress, faisait presque 1 Mo. Elle fait désormais 5 ko. J’ai retiré
toutes les images qui n’aident pas à la lecture. Je pense que les
réseaux sociaux sont un obstacle à la lecture. Ils nous déconcentrent,
nous manipulent. Du coup, j’ai supprimé tous mes comptes exceptés
Mastodon.
Est-ce que tenter d’augmenter le nombre de followers sur un réseau
m’aide à être lu ? Non. Ce nombre n’aide rien. Il est de toute façon
faux, fictif. Supprimés les concours de followers. En tout et pour tout,
en plus du HTML, j’ai ajouté 40 lignes de CSS. Pas une de plus. Chacune
n’a été ajoutée que si elle pouvait aider la lecture de mes écrits sans
a priori esthétique.
On pourrait croire que ça fait un blog un peu rétro, genre brutaliste.
Pourtant, dès les premiers jours, j’ai reçu plusieurs demandes pour mon
« template ». Y’a 40 lignes de CSS dont la moitié servent juste au menu
au-dessus de chaque page !
Je me suis aussi cassé la tête sur l’idée d’une pagination pour naviguer
entre les articles, sur un moteur de recherche. Mais j’affiche désormais
simplement la liste de tous mes billets sur une page. Aussi simple que
cela. Ne me dites pas que ça ne « scale pas » : y’en a presque 900 ! Le
moteur de recherche ? Un simple ctrl+f dans votre navigateur. Encore un
truc apprenable qui est ignoré, car la complexité le rend inutilisable
sur la plupart des sites « modernes ».
La conséquence la plus étonnante de tout cela, c’est le nombre de
lecteurs qui me contactent à propos d’anciens billets. C’est simple,
rapide et ça charge instantanément même sur les mauvaises connexions. Du
coup les gens me lisent. C’est tellement inhabituel de ne pas devoir
attendre, de ne pas devoir se casser la tête.
J’ai un très bon laptop et pourtant, sur le web, chaque page met
quelques fractions de seconde à s’afficher. À chaque page, mes bloqueurs
empêchent des centaines de requêtes, évident des mégaoctets entiers de
téléchargement. Et les responsables de cet état de fait sont dans cette
salle. Ils l’ont implémenté sans demander « pourquoi ? ».
Alors je vous le demande. Non plus comme un confrère ingénieur, mais
comme un citoyen du web qui en a assez de devoir considérer son propre
navigateur comme un territoire hostile. Apprenez à demander
« pourquoi ? ». Puis à répondre « non ». Plutôt que de réfléchir sur le
prochain framework JavaScript ou l’utilitaire de tracking de
statistiques et le surdimensionnement du data center pour héberger un
elasticsearch clustérisé à redondance asynchrone dans des containers
virtualisés à travers un cloud propriétaire à charge répartie monitoré
depuis une app custom nodejs qui achète automatiquement des certificats
d’offset CO2 pour obtenir le label de datacenter durable, le tout à
travers des transactions byzantines sur une blockchain permissioned qui
trade de manière décentralisée sur le marché parallèle.
Bon, en fait, les blockchains permissioned, c’est une arnaque
sémantique. Cela veut juste dire « base de données centralisée ». Les
offsets carbone sont une vasque escroquerie. Ce sont les indulgences de
notre siècle enrobées d’un capitalisme foncièrement malhonnête (si vous
achetez des offsets carbone, vous pouvez arrêter, vous êtes en train
d’enrichir des escrocs tout en encourageant un système qui a démontré
faire pire que mieux). Et votre application distribuée va de toute façon
se casser un jour la gueule le jour où une mise à jour sera faite dans
un obscur repository github dont vous ignorez l’existence, entrainant
une réaction en chaine démontrant que votre app sans single point of
failure n’était pas sans single point of failure que ça finalement.
Je sais, le client est roi. Il faut payer les factures. À partir d’un
certain montant, on obéit. Et à partir d’un autre, on prétend aimer ça :
« Oh oui, c’est génial, nous rêvons de développer un showroom virtuel
pour vos nouveaux SUVs. Un véritable challenge ! Un peu comme ce système
de ciblage publicitaire pour adolescents que nous avons développé pour
Philipp Morris, n’est-ce pas Brenda ? »
L’important n’est pas de devenir parfait ni puriste. Nous sommes tous
pleins de contradictions. L’important est d’arrêter de se mentir, de
justifier l’injustifiable. De savoir pourquoi on fait les choses. Mettre
le nez de vos commanditaires dans leur propre caca en leur posant la
question : « pourquoi ? ». Et, sur le web, de revenir à l’essentiel :
afficher du texte.
Cette réflexion m’a amené à écrire avec… une machine mécanique. À
publier en utilisant une technologie complètement libre, sans monopole,
sans app store et avec une empreinte écologique non négligeable, mais
bien moindre que l’informatique : le livre. Un livre qui sera toujours
lisible, échangeable, copiable quand toutes les lignes de code que nous
avons produit collectivement auront depuis longtemps été oubliées.
Écrire à la machine et lire des livres papier sont des actes rebelles.
Mais j’aime trop l’informatique pour m’en passer. Je veux qu’elle
redevienne rebelle. Qu’elle redemande « pourquoi ? ». Je vous demande de
m’aider. Je vous confie cette mission : l’informatique doit cesser
d’être une religion prônant l’obéissance, la soumission, l’humiliation,
la consommation. Elle doit redevenir une science. Un art.
Une liberté…
Photo par Adrien Gacon sur le Flickr Touraine Tech
https://www.flickr.com/photos/164202300@N04/52732219488/in/album-7217772030…
Vidéo originale sur Youtube
https://www.youtube.com/watch?v=mXuPJtV07vE
DÉDICACES À LA FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES CE SAMEDI 1ᵉʳ AVRIL
by Ploum on 2023-03-27
https://ploum.net/2023-03-27-foire-du-livre-bruxelles.html
Ce samedi 1ᵉʳ avril, je dédicacerai mon roman et mon recueil de
nouvelles à la foire du livre de Bruxelles.
Bon, dit comme ça, c’est pas très rigolo comme poisson d’avril, mais là
où c’est plus marrant c’est que je serai sur le stand du Livre Suisse
(stand 334). Ben oui, un Belge qui fait semblant d’être suisse pour
pouvoir dédicacer à Bruxelles, c’est le genre de brol typique de mon
pays. Bon, après, je vais sans doute être démasqué quand je sortirai ma
tablette de « vrai » chocolat (belge !)
Y a des blagues, comme disait Coluche, où c’est plus rigolo quand c’est
un Suisse…
Bref, rendez-vous de 13h30 à 15h et de 17h à 18h30 au stand 334 (Livre
Suisse) dans la Gare Maritime. C’est toujours un plaisir pour moi de
rencontrer des lecteurs qui me suivent parfois depuis des années. Ça va
être tout bon !
Ploum dans le programme de la Foire du Livre de Bruxelles
https://flb.be/les-rencontres/?pagination=1&program_search=ploum&search_typ…